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1998: The Year in Review
Tour d’horizon 1999

Après Harare


L’année qui suit une Assemblée du Conseil oecuménique des Eglises est en général une période de planification. En effet, l’Assemblée, à laquelle sont représentées toutes les Eglises membres du COE, reçoit pour mandat de déterminer les orientations générales du Conseil pour les sept années suivantes. Cependant, par son ampleur et sa diversité, par l’enthousiasme qu’elle génère, et en raison de sa courte durée, elle suscite d’habitude une multitude d’attentes et d’espoirs, d’idées nouvelles et de recommandations urgentes, qui dépassent de beaucoup les ressources disponibles. Intégrer tous ces éléments en un programme réaliste et efficace demande beaucoup de réflexion, de consultations et de mises au point.

A cet égard, l’année 1999, qui a débuté moins de trois semaines après la clôture de la Huitième Assemblée à Harare, au Zimbabwe, n’a pas dérogé à la règle. Dans le rapport qu’il a présenté à Harare, le Comité d’orientation du programme a reconnu franchement qu’il n’avait pas fini d’intégrer les recommandations faites pour les activités futures du COE dans le cadre proposé. Mais quatre facteurs ont donné à la planification entreprise en 1999 un degré d’intensité spécial.

1. L’Assemblée de Harare a déclaré que le document "Vers une conception et une vision communes du COE" (CVC) , adopté par le Comité central en 1997, devrait être utilisé "comme cadre et point de référence" au fur et à mesure de l’évaluation et de la mise au point de ses programmes à l’avenir. Mais à l’origine du texte « CVC » - et du processus d’étude et de réflexion qui lui a donné naissance - il y a l’affirmation, réitérée par le Comité d’orientation du programme, que les membres du COE ne peuvent plus continuer "à vaquer à leurs occupations oecuméniques comme si rien ne s’était passé". Cette conception et cette vision nouvelles reposent sur une définition du COE conçu comme "une communauté fraternelle d’Eglises". Renforcer et approfondir cette communauté fraternelle est donc à la fois "un objectif à atteindre et un moyen d’y parvenir", a déclaré le Comité central lors de sa réunion de septembre. Les méthodes de travail employées par le COE et les critères adoptés pour l’allocation des ressources doivent donc refléter cette vision.

2. Une nouvelle structure interne, destinée à mieux répondre aux objectifs de la démarche "CVC", a été mise en place au COE le 1er janvier 1999. La planification faisant suite à l’Assemblée de Harare a donc été entreprise par un personnel nouvellement réorganisé en quatre secteurs et quinze équipes, qui avaient pour mandat d’accorder une importance beaucoup plus grande que par le passé à l’intégration de toutes les activités du COE. Par conséquent le processus de planification a exigé beaucoup plus de réflexion et de consultations, et pris beaucoup plus de temps, que les membres du personnel n’en avaient l’habitude.

3. Durant l’année, les projections financières n’ont guère incité à l’optimisme concernant une possible expansion des programmes du COE. Une agréable surprise est néanmoins venue en octobre dernier du Département des ministères mondiaux de l’Eglise méthodiste unie qui a annoncé un don d’un million et demi de dollars EU pour la fondation d’une chaire de missiologie à l’Institut oecuménique de Bossey. En fin de compte, le rapport financier préliminaire pour 1999 a présenté un excédent budgétaire inattendu dû, il est vrai, au rendement exceptionnel des portefeuilles d’investissement du Conseil. Si le COE, en intensifiant ses contacts avec ses partenaires financiers a réussi à s’assurer le maintien de leurs contributions, les revenus provenant des donateurs traditionnels ont continué à décliner, et les projections pour l’an 2000 - lorsque la plupart des activités préparées en 1999 seront lancées - montrent qu’il faudra beaucoup de temps pour renverser cette tendance. (Le rapport financier complet pour 1999, avec l’état vérifié des comptes, sera publié dans le courant de l’année.)

4. Ces baisses de revenus que le COE subit depuis plusieurs années consécutives se sont soldées notamment par la réduction répétée des effectifs du personnel. Or plus les ressources humaines sont réduites, moins on peut accepter de travail. Mais il n’est pas facile d’amener le personnel et les Eglises membres à réduire leurs attentes. Lors des discussions sur le projet "CVC", on avait reconnu l’importance - non seulement économique mais aussi oecuménique - d’intensifier la collaboration entre le COE et d’autres partenaires. On a beaucoup parlé de "sous-traitance", de "décentralisation", d’"entreprises communes" et autres. Mais les démarches à entreprendre pour mettre tout cela sur pied sont longues, et tendent à compliquer la planification plutôt qu’à la simplifier.


Les projets se précisent

C’est lors de la session du Comité central tenue à Genève, fin août - début septembre, que le processus de planification a vraiment pris forme. A part une brève séance administrative à Harare, c’était la première fois que les cent cinquante membres de cet organe, qui va guider les travaux du Conseil jusqu’en 2005, se réunissaient.

La grande majorité des membres de ce Comité central y siégeait pour la première fois. De plus, le nouveau Règlement du COE, révisé à la lumière des discussions sur le document "CVC", met l’accent sur le rôle délibérant du Comité central, confiant le contrôle plus détaillé de la gestion des activités du Conseil au Comité exécutif. Cette première session du Comité central avait été conçue de manière à prendre ces facteurs en compte. C’est pourquoi plusieurs séances ont été consacrées aux réunions en petits groupes, ce qui a donné la possibilité de s’exprimer à un plus grand nombre de participants que cela n’aurait été possible dans le cadre plus rigide, de type parlementaire, des séances plénières.


Séance plénière durant la session du Comité central du COE, Centre oecuménique, Genève, 1999.
Pour amener les membres à du Comité central à le considérer comme un lieu d’échange et d’information sur les préoccupations et les priorités des Eglises membres, on a organisé une série de "padare" au début de la réunion. Ce "modèle réduit" du padare inauguré à l’Assemblée de Harare a permis aux délégués de débattre d’une série de questions d’actualité - allant de l’herméneutique oecuménique à l’Organisation mondiale du commerce, de l’évangélisation à la crise du Kosovo, de l’avenir de l’Europe à celui de la religion - sans limiter la discussion aux seuls programmes du COE, ni obliger les membres du Comité à formuler des recommandations ou à prendre des décisions.

Le Comité du programme a joué un rôle déterminant dans cette réunion. Ce sous-comité permanent du Comité central, composé de quarante membres, a été créé pour promouvoir l’intégration de toutes les activités du COE et en assurer la cohérence théologique. Dans la structure du Comité central, il remplace les anciens comités d’unités, qui supervisaient chacun un champ d’activité spécifique.

Sur la base des documents préparés par les membres du personnel, par le Comité exécutif et par une réunion spéciale de certains de ses membres tenue en juin, le Comité du programme a étudié à la fois le cadre de travail pour la période de sept ans jusqu’à la prochaine Assemblée, et les critères permettant d’établir des priorités parmi les nombreux projets qui seraient proposés au cours des trois années à venir.


Lors de ses prochaines réunions, le Comité du programme recevra également des rapports et des recommandations des organes consultatifs - quatre commissions, un comité directeur et sept groupes consultatifs - chargés par le Comité central de l’aider dans son travail. Or, à la session de 1999, il n’avait reçu que les rapports des groupes consultatifs de Foi et Constitution et de Bossey.

Le Comité du programme a recommandé au Comité central que les quatre thèmes suivants servent de cadre aux futures activités du Conseil: être l’Eglise; servir la vie; accomplir un ministère de réconciliation, et rendre un témoignage et un service communs dans le contexte de la mondialisation. Le Comité central a approuvé cette recommandation. "Les équipes du personnel auront à coordonner leurs activités dans ce cadre, en intégrant les programmes."

Ces quatre thèmes généraux esquissaient un profil schématique du COE, mais il n’était pas possible de donner de détails précis sur les activités particulières qui seront entreprises. Ceux-ci allaient se dégager d’une planification plus poussée, après la réunion du Comité central. Les quelques points spécifiques contenus dans le rapport du Comité du programme concernent pour la plupart des propositions faites par l’Assemblée et des activités déjà en cours avant Harare. Ainsi, être l’Eglise traite de la recherche d’une communauté sans exclusive dans les Eglises divisées par des antagonismes raciaux ou ethniques - ce thème fait actuellement l’objet d’une étude de Foi et Constitution; servir la vie fait écho, entre autres choses, au sujet central de l’Assemblée, l’Afrique; la mondialisation est encore une fois reconnue comme étant non seulement une question de structures économiques et de pouvoir politique, mais également comme une mise en question de nos idées sur la mission, le prosélytisme et la liberté religieuse dans un monde caractérisé par le pluralisme religieux.

Sur ce dernier point, plusieurs petits colloques ont été organisés en 1999, auxquels a participé l’équipe "Relations et dialogue interreligieux", et qui ont contribué utilement à la réflexion menée actuellement au sein du COE. En avril, un atelier plurireligieux (juifs, musulmans, hindous, bouddhistes et chrétiens) et pluridisciplinaire (spécialistes des sciences sociales, biblistes, théologiens, liturgistes et artistes) s’est tenu à Bossey sur la question de savoir ce qu’apporte le pluralisme religieux. Quarante chrétiens et musulmans se sont réunis à Hartford, Connecticut, en octobre, pour continuer le débat sur "la religion, le droit et la société" lancé par le COE il y a quelques années. On espère que ces discussions aboutiront un jour à la création d’une instance permanente islamo-chrétienne sur la question des droits de la personne. Enfin, le dialogue amorcé en 1996 entre des musulmans iraniens et des représentants du COE s’est poursuivi avec une troisième rencontre à Genève, au mois de décembre, sur l’"avenir de la religion".

Les dimensions économiques et politiques de la mondialisation n’ont pas été oubliées. Dans une conférence de presse donnée à la veille du Sommet des pays du G8 à Cologne, en juin, le COE a publié une déclaration critiquant énergiquement les propositions faites par ces pays pour atténuer la crise de l’endettement. Il réclamait aussi une approche plus radicale qui associerait des mesures visant à annuler la dette et une réforme des systèmes financiers et commerciaux internationaux, et qui donnerait aux gouvernements et à la société civile davantage de pouvoir sur les mouvements internationaux de capitaux.


La mondialisation a été le thème principal de plusieurs manifestations organisées par le COE en juin. En haut: l’économiste Susan George; à droite, les agriculteurs indiens arrivent au Centre oecuménique.

Lors d’une table ronde organisée après la conférence de presse, Susan George, directrice associée du Transnational Institute, a parlé des répercussions toujours plus graves de la mondialisation sur l’emploi, la consommation, l’environnement, le développement, les droits de la personne et la démocratie. Quelques heures auparavant, le COE avait reçu une délégation de plus d’une centaine d’agriculteurs indiens, venus manifester à Genève contre l’influence de l’OMC. Le secrétaire général du COE, Konrad Raiser, déclarant que cette délégation lançait "une nouvelle forme de mondialisation qui part de la base", a fait remarquer qu’"il ne suffit pas d’affronter les principaux acteurs [de la mondialisation], il nous faut aussi rechercher des solutions de rechange qui soient justes et durables".

Concernant le "ministère de la réconciliation", l’un des quatre thèmes énoncés par le Comité central, le programme a fait l’objet d’une discussion plus détaillée, centrée sur l’importante initiative adoptée par l’Assemblée de Harare : la proclamation d’une Décennie oecuménique "vaincre la violence" (2001-2010). Le Comité central a approuvé les méthodes retenues pour la mise en oeuvre de la Décennie et fixé les cinq objectifs suivants:

  • Se pencher de manière globale sur les multiples formes de la violence.
  • Encourager les Eglises à affirmer la spiritualité de la réconciliation et à vaincre "l’esprit, la logique et la pratique" de la violence.
  • Créer une nouvelle conception de la sécurité, fondée sur la coopération et la communauté plutôt que sur la domination et la compétition.
  • Collaborer avec les communautés d’autres traditions religieuses pour combattre le mauvais usage que les sociétés pluralistes font des identités religieuses et ethniques.
  • Mettre en question la militarisation croissante de notre monde, notamment la prolifération des armes légères et des armes individuelles.

Il est essentiel de reconnaître ici le travail positif déjà accompli par des Eglises et des communautés locales vivant dans des situations de violence, et qui a nourri la conception d’ensemble de ce projet. Le rôle du COE est de faciliter des échanges de vues entre ces groupes et de faire connaître les résultats obtenus dans le domaine de l’instauration et du maintien de la paix. Ainsi, loin d’être un programme monolithique centré à Genève, la Décennie offrira de multiples points d’accès, et fera appel à une grande diversité de moyens - études, campagnes de sensibilisation, éducation, cultes et spiritualité, recueil et diffusion de témoignages - et s’appuiera sur toute la gamme des médias, notamment le Web.

La Décennie elle-même, qui sera inaugurée par plusieurs manifestations organisées simultanément en divers lieux du globe en janvier 2001, s’inspirera de ce que le Comité central a appelé "la riche tradition d’engagement du COE" au service de la paix et de la justice.

Plusieurs des activités entreprises par le COE en 1999 étaient inscrites dans le droit fil de cette tradition oecuménique, et en même temps ont laissé entrevoir certaines des difficultés et certaines des questions épineuses avec lesquelles le Décennie aura à se colleter. Nous pensons par exemple à l’appel en faveur de la paix, lancé à Pâques par le secrétaire général du COE et six autres personnalités oecuméniques. Ils réclamaient une "cessation des conflits armés", soulignant que bien des guerres cachées qui sévissent dans le monde font plus de victimes et causent plus de souffrances encore que celui des Balkans. "A l’heure où nous commémorons une fois encore le sacrifice de Jésus Christ, proclamé Messie, Prince de paix par les prophètes, nos coeurs se serrent", lisait-on dans l’appel, "car force est de reconnaître que, face au doute et à la peur, nous n’avons pas encore appris à surmonter notre inclination à recourir aux armes."

Dans une autre déclaration, le COE s’est associé à l’appel lancé par des Eglises des pays membres de l’OTAN, où celles-ci priaient instamment l’Alliance de prendre, à l’occasion de son cinquantième anniversaire, des mesures pour éliminer les armes nucléaires, et, dans cette perspective, de réduire l’état d’alerte de ces armements dans ses pays membres et de renoncer à les utiliser en premier.

Le COE est l’un des membres fondateurs de l’International Network on Small Arms (Réseau international sur les armes individuelles), créé lors d’une réunion à La Haye en mai. Il regroupe plus de deux cents organisations non gouvernementales, ce qui en fait l’un des plus grands réseaux internationaux d’ONG à lutter pour une cause spécifique depuis la campagne pour l’interdiction des mines terrestres.

Edifier une communauté fraternelle

Si la tâche de faire du COE "une communauté fraternelle d’Eglises" est inséparable de la nécessité d’encourager les Eglises à participer aux programmes du Conseil, l’Assemblée de Harare a également reconnu qu’il était urgent d’accorder une plus grande attention à la dimension relationnelle du COE. Elle s’est inquiétée notamment des critiques toujours plus vives exprimées par les Eglises orthodoxes à propos de certaines évolutions observées parmi les Eglises membres protestantes, de certaines activités du Conseil lui-même, et en général d’une absence de progrès dans les discussions théologiques au sein du mouvement oecuménique. Ce mécontentement est encore aggravé par la conviction des orthodoxes que la structure même du COE fait obstacle à une véritable participation de leur part.

En réponse à ces critiques, l’Assemblée a approuvé la formation d’une Commission spéciale sur la participation orthodoxe, qui travaillera probablement pendant trois ans et préparera des propositions visant à "effectuer des changements nécessaires dans les structures, le style et l’esprit du Conseil". Elle est composée de soixante membres, dont la moitié est nommée par les Eglises orthodoxes et les Eglises orthodoxes orientales non chalcédoniennes, et l’autre moitié, désignée par le Comité central, représente les autres Eglises membres du Conseil. Sous la présidence conjointe du métropolite Chrysostomos d’Ephèse (Patriarcat oecuménique de Constantinople) et de l’évêque Rolf Kopp (Eglise évangélique d’Allemagne), elle s’est réunie pour la première fois à Morges, en Suisse, en décembre.


Les coprésidents de la Commission spéciale sur la participation orthodoxe au COE, Rolf Koppe (à gauche) et Chrysostomos d’Ephèse (à droite).

On a créé quatre sous-comités, qui siégeront pendant l’an 2000 pour étudier les quatre questions fondamentales suivantes - (1) organisation du COE; (2) style et esprit du Conseil; (3) convergences et divergences théologiques entre l’orthodoxie et les autres traditions représentées au Conseil; et (4) modèles existants et propositions nouvelles pour l’établissement d’un cadre structurel facilitant une véritable participation de l’orthodoxie à la vie du Conseil - et qui présenteront leurs rapports à la Commission à sa séance plénière d’octobre.

Lors de la première réunion, qui s’est penchée sur le mandat et la méthode de travail de la Commission, les discussions ont été cordiales et constructives. Dans le communiqué final, les délégués ont réitéré l’espoir exprimé par l’Assemblée de Harare de voir les différentes traditions "grandir ensemble" et continuer leur cheminement "vers une conception et une vision communes".

Un bon moyen de resserrer les liens entre les membres du COE est d’organiser régulièrement des visites: soit on reçoit des délégations d’autres Eglises au Centre oecuménique de Genève, soit on envoie des équipes de Genève auprès d’Eglises et de partenaires oecuméniques dans d’autres pays.

Parmi les personnalités venues en voyage officiel à Genève en 1999, il faut mentionner les responsables de l’Eglise évangélique luthérienne de Finlande, de la Fédération protestante de France, et de l’Eglise évangélique d’Allemagne. Nous avons également reçu la visite d’équipes de l’Eglise de Norvège et de l’Eglise de Suède, organisée par leurs collaborateurs oecuméniques. Tout au long de l’année, de très nombreux représentants des Eglises membres ont franchi les portes du siège du COE, certains pour discuter de questions concernant les programmes, d’autres pour se familiariser avec le travail du Conseil.


La délégation du COE, menée par le secrétaire général Konrad Raiser, en visite en République démocratique de Corée en avril.
Le secrétaire général Konrad Raiser a effectué plusieurs visites officielles auprès des Eglises membres. Lors de son voyage en Asie du Nord-Est en avril, il s’est rendu en Corée du Nord - c’était la première fois qu’un secrétaire général du COE visitait ce pays. Cette visite avait plusieurs objectifs: resserrer les liens avec la Fédération chrétienne de Corée, expression institutionnelle du protestantisme en Corée du Nord; manifester la volonté du COE d’apporter une aide humanitaire à ce pays en lui remettant de la part de l’ACT (Action commune des Eglises) une livraison d’aide d’urgence d’une valeur de plus de 4 millions USD; et enfin redire aux représentants gouvernementaux la résolution du COE d’oeuvrer à la réconciliation et à la réunification pacifique de la péninsule coréenne.

Puis, en Corée du Sud, Konrad Raiser s’est entretenu longuement avec le président Kim Dae Jung. Il a aussi rencontré les dirigeants des trois Eglises membres du COE (deux Eglises presbytériennes et une Eglise méthodiste) ainsi que les primats de l’Eglise anglicane (devenue membre du COE quelques mois après) et de l’Eglise catholique romaine.

Le voyage que le secrétaire général a entrepris auprès de quatre Eglises régionales en Allemagne orientale au mois de mai a marqué la reprise des contacts avec un secteur du protestantisme allemand qui avait été très actif dans le mouvement oecuménique avant la chute du mur de Berlin, notamment dans le processus "Justice, paix et sauvegarde de la création" (JPSC). Ces Eglises doivent aujourd’hui relever de nouveaux défis dans le domaine la mission, du service et de l’oecuménisme, tout en se débattant avec des problèmes de structures et de graves restrictions financières. Pendant les dernières années de la République démocratique allemande, les liens de l’Eglise de l’Allemagne de l’Est avec la communauté oecuménique internationale légitimaient les efforts qu’elle faisait pour ouvrir des espaces à la critique et au débat public, ce qui lui a permis de jouer un rôle clef dans les changements spectaculaires qui se sont produits en 1989. Dix ans plus tard, elle est à la recherche de nouvelles manières "d’être l’Eglise" et de rendre un témoignage dans un contexte où le taux d’appartenance à l’Eglise est l’un des plus bas d’Europe.

En octobre, une délégation oecuménique, conduite par la secrétaire général, s’est rendue à Cuba, où elle a rencontré des Eglises membres dont le ministère et le témoignage sont eux aussi soumis à l’épreuve du changement - en l’occurrence un réveil religieux qui se traduit par un accroissement du nombre des fidèles et qui s’est manifesté par la spectaculaire célébration publique à laquelle ont assisté quelque 200 000 personnes, dont le président Fidel Castro, sur la place de la Révolution à La Havane, en juin. En plus des visites rendues aux dirigeants du Conseil des Eglises de Cuba, aux enseignants du séminaire oecuménique de Matanzas et à l’archevêque catholique romain, les membres du groupe ont été conviés à un dîner avec Fidel Castro. Le repas a été suivi d’une discussion qui s’est prolongée tard dans la nuit, sur toutes sortes de sujets, théologiques, spirituels et historiques.

L’équipe du COE s’est ensuite rendue au Costa Rica et au Honduras, pour y rencontrer des membres d’Eglises, d’institutions oecuméniques et d’organisations humanitaires, notamment celles qui s’occupaient de la reconstruction de ces pays, dévastés un an plus tôt par l’ouragan Mitch.


Pendant la visite de la délégation officielle du COE à Cuba, tour des vieux quartiers historiques de La Havane.

L’un des temps forts de la visite effectuée en novembre par Konrad Raiser auprès des Eglises membres du COE et des facultés de théologie de la République tchèque a été l’entretien qu’il a eu avec dix membres d’un réseau dissident au sein de l’Eglise évangélique des frères tchèques pendant la période du communisme. Le secrétaire général avait demandé à rencontrer ces personnes, dans l’espoir qu’un dialogue franc, quoique peut-être pénible, pourrait s’engager sur l’attitude du COE pendant la guerre froide.

Au cours de la conversation, les dissidents tchèques ont exprimé trois grandes préoccupations: (1) les efforts faits par le COE pendant la guerre froide pour maintenir une sorte de "coexistence" entre les Eglises de l’Est et de l’Ouest de l’Europe n’ont pas laissé de place pour un véritable dialogue qui aurait pris en compte toutes les positions divergentes existant au sein des Eglises; (2) le Conseil, en se concentrant sur les questions de justice dans le tiers monde pendant les années 70 et 80, n’a pas pu analyser et évaluer suffisamment la situation en ce qui concerne les droits de la personne en Europe centrale et en Europe de l’Est; (3) le Conseil, en fixant son attention sur ses relations avec les institutions ecclésiastiques officielles, a en fait permis aux gouvernements communistes de "censurer" les relations oecuméniques, si bien que les informations et les appels émanant d’autres secteurs de l’Eglise - à supposer qu’ils aient été reçus par le COE - n’ont pas été pris au sérieux.

En réponse, le secrétaire général a reconnu que le Conseil n’avait pas pris suffisamment au sérieux le mouvement qui avait inspiré les initiatives "dissidentes" en République tchèque. Les efforts faits pour soutenir les dissidents étaient trop limités et secrets pour être vraiment efficaces. Il a toutefois fait remarquer que le dialogue sur ce point est souvent entravé par des interprétations tendancieuses et déformées de ce qui s’est réellement passé à certains moments précis, et que certains des désaccords sur ce que le Conseil aurait dû faire reflètent des différences fondamentales dans l’appréciation et le jugement éthique de la situation. Le plus important maintenant, a déclaré Konrad Raiser, est de laisser tous les points de vue s’exprimer et de réexaminer complètement cette histoire souvent pénible.

Il existe maintes autres bonnes raisons de considérer d’un regard neuf les effets de la guerre froide sur le mouvement oecuménique. Dans un entretien accordé à ENI (Nouvelles oecuméniques internationales) après un colloque auquel il avait assisté en mai à l’Académie protestante de Mühlheim, en Allemagne, Konrad Raiser a estimé que le COE et d’autres organisations oecuméniques internationales n’avaient pas pris assez au sérieux l’intensité croissante du désir de changement qui se développait en Europe centrale et en Europe de l’Est. Dans une certaine mesure, la position des groupes dissidents des anciens pays socialistes d’Europe qui estiment avoir été "marginalisés" par le COE est justifiée, si on compare l’attitude du Conseil à leur endroit à cette époque avec le soutien qu’il apportait ouvertement - parfois même en contradiction avec ses Eglises membres - aux groupes d’action oecuméniques luttant contre des gouvernements oppresseurs en Amérique latine, en Afrique du Sud et dans certaines parties de l’Asie.

Konrad Raiser a déclaré à ENI que le COE avait été fortement influencé par la politique de détente prônée dans les années 60 et 70 pour encourager de meilleures relations avec l’Europe de l’Est et "sortir du carcan de la confrontation qui caractérisait la guerre froide". Le Conseil avait essayé "de préserver cet espace fragile où le dialogue était possible dans un climat de tension croissante entretenue par la course aux armements nucléaires. Il fallait donc veiller à ne pas ajouter aux pressions déstabilisantes qui s’exerçaient en Europe de l’Est, tout en évitant de paraître s’allier directement avec les forces activement anticommunistes à l’oeuvre à l’Ouest."

Quelques mois plus tard, une étude très fouillée sur les Eglises et la guerre froide a été publiée en Allemagne . Si l’ouvrage n’a guère suscité l’enthousiasme des médias - est-ce dû à la taille imposante et à l’abondante documentation du volume, au fait que sa parution en allemand n’a éveillé que peu d’intérêt dans le monde, ou encore parce qu’il est sorti juste au moment où les médias d’Allemagne et d’ailleurs étaient totalement absorbés par le scandale financier qui a englouti les démocrates-chrétiens et l’ancien chancelier Helmut Kohl, ou enfin en raison d’un manque d’intérêt plus général pour la question ? - il a néanmoins décidé le COE à permettre un réexamen de son histoire.

Les Eglises dans le monde

Les séquelles de la guerre froide, sous une forme beaucoup moins abstraite, ont retenu l’attention de la communauté internationale en 1999. En plus des terribles souffrances humaines qu’elle a causées, la tragédie du Kosovo - avec l’exode en masse des Kosovars d’origine albanaise sous la pression des Serbes, la campagne aérienne de l’OTAN contre la Serbie, puis le retour des réfugiés dans des villes et des villages souvent dévastés, et enfin la trêve précaire sous la surveillance des forces de l’ONU - a ranimé la peur de l’instabilité régionale et de l’extension du conflit qui trouble l’Europe du Sud-Est depuis l’éclatement de l’ex-Yougoslavie.

Le COE a coordonné étroitement son action face à la crise du Kosovo avec celle des trois autres organisations internationales d’Eglises, à savoir la Conférence des Eglises européennes (KEK), la Fédération luthérienne mondiale (FLM), et l’Alliance réformée mondiale (ARM), qui toutes comptent des Eglises membres dans l’ex-Yougoslavie. Les secours d’urgence mis à la disposition des victimes du conflit par la communauté oecuménique internationale ont été acheminés par l’ACT (Action commune des Eglises), avec le soutien remarquable de l’Eglise orthodoxe d’Albanie.

Le secrétaire général de la KEK, Keith Clements, a conduit une équipe de dirigeants d’Eglises à Novi Sad et à Belgrade en avril; une seconde délégation oecuménique s’est rendue à la fin de mai en Albanie et en Macédoine. Toujours en mai , un colloque organisé par des institutions oecuméniques a réuni à Budapest une quarantaine de membres d’Eglises d’Europe et d’Amérique du Nord. Les participants, parmi lesquels on comptait des représentants de quatre Eglises de Yougoslavie - luthérienne, méthodiste, réformée et orthodoxe serbe - ont insisté sur le fait que l’ouverture de négociations, où l’Organisation des Nations Unies et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe devraient jouer un rôle central, était une nécessité urgente et constituait "la seule base possible pour une solution durable".

Dans une déclaration conjointe, les quatre organisations ont salué l’accord mettant fin au conflit, qui a été entériné par le Conseil de sécurité de l’ONU le 10 juin, et noté qu’il marquait un retour à la recherche d’une solution dans le cadre de la Charte des Nations Unies. Les auteurs de la déclaration oecuménique soulignaient que toute solution durable du conflit devait reposer "fermement sur le respect des droits de la personne", qui comprennent notamment la possibilité pour toutes les personnes déplacées ou expulsées de rentrer au Kosovo, et le droit des communautés d’origine serbe vivant au Kosovo d’être protégées contre tout acte de représailles.

La position du COE pendant la crise du Kosovo n’a pas été sans attirer des critiques. Lors d’une table ronde pendant le Kirchentag à Stuttgart, en juin, Konrad Raiser et le ministre allemand de la défense Rudolf Scharping ont exprimé des vues totalement opposées sur l’action de l’OTAN. M. Scharping a qualifié la campagne de bombardements d’inévitable et de dernier recours, étant donné que le président Milosevic avait passé outre à 72 des 73 résolutions du Conseil de sécurité sur l’ex-Yougoslavie entre 1991 et 1998 - à l’exception de celle qui mettait fin à la guerre en Bosnie-Herzegovine, et qui était garantie militairement. Konrad Raiser soutenait au contraire que, pour établir la paix en Europe, il fallait "donner la priorité absolue... aux moyens pacifiques plutôt qu’aux moyens militaires de régler les conflits". Selon lui, même si l’OTAN a été poussée par des motifs humanitaires, elle n’a pas su faire respecter la Convention de Genève qui vise à protéger les civils et l’infrastructure civile, si bien que son intervention a dégénéré et a abouti à "punir tout un peuple". "Le recours à la force militaire", a-t-il déclaré, "ne doit pas devenir l’instrument légitime de protection des droits de la personne humaine."

C’est une fois encore le sort des victimes civiles qui a justifié la position que le COE et la KEK ont adoptée concernant un autre conflit européen, quelques mois plus tard. Les secrétaires généraux de ces deux organisations ont écrit au patriarche orthodoxe russe Alexy II pour exprimer leur profonde inquiétude au sujet du conflit en Tchétchénie. Tout en reconnaissant le climat "d’anarchie et de terrorisme qui existait [dans cette région] avant l’intervention des forces militaires russes", les auteurs de la lettre déploraient "l’usage disproportionné et irresponsable de la force" par l’armée russe et demandaient instamment aux autorités politiques russes et tchétchènes "de faire preuve de compassion envers tous, en particulier envers la population civile, les prisonniers et les blessés". Ils notaient aussi avec satisfaction la condamnation prononcée par le patriarche dans de précédentes déclarations contre toute tentative d’exploitation de la religion pour aggraver le conflit.


Les membres de la communauté kurde vivant en Suisse manifestent
devant le Centre oecuménique à Genève, après
l’arrestation par la Turquie du chef kurde Abdullah Ocalan.

L’arrestation et la détention par la Turquie du leader kurde Abdullah Ocalan ont été à l’origine d’une visite inattendue des membres de la communauté kurde vivant en Suisse au Centre oecuménique le 19 février. Ils ont présenté un appel à Konrad Raiser, et le COE a publié une déclaration priant les Eglises membres d’Europe d’encourager leurs gouvernements "à s’engager en faveur d’une solution politique pacifique aux difficultés du peuple kurde", et invitant le gouvernement turc à assurer la sécurité d’Ocalan et à faire en sorte que son procès soit équitable. Lorsque Ocalan a été condamné à mort en juillet, le COE a envoyé une lettre au président Süleyman Demirel, pour exprimer son opposition à la peine de mort, qu’il qualifiait de cruelle et inhumaine, et pour lui demander instamment de faire preuve de clémence et de commuer la peine de mort: il contribuerait ainsi à "briser le cycle de la violence dans votre pays".

Pendant toute l’année qui a suivi son Assemblée en Afrique, le COE a cherché à exprimer sa solidarité et sa communion avec les Eglises membres touchées par des conflits sur ce continent.

Une délégation de haut niveau, comprenant notamment les secrétaires généraux du COE et de la Conférence des Eglises de toute l’Afrique (CETA), s’est rendue en République démocratique du Congo en juillet, et a rencontré le président Laurent-Désiré Kabila ainsi que le ministre chargé des droits de la personne Léonard She Otsitundu. Le président et un certain nombre de dirigeants d’Eglise congolais ont informé leurs visiteurs que les principaux responsables de la poursuite du conflit dans l’est du pays étaient le Rwanda et l’Ouganda, qui, après avoir soutenu M. Kabila à l’époque du renversement du régime Mobutu, désiraient maintenant garder la mainmise sur les ressources du Congo. En effet, a affirmé le président Kabila, les richesses naturelles du pays sont un désavantage; si les Congolais sont disposés à partager, et à vivre en paix avec leurs voisins, ils ne peuvent pas renoncer à leurs terres ni à leur souveraineté au profit d’autres pays. Konrad Raiser a qualifié d’encourageant l’appel de M. Kabila en faveur d’un débat national sur l’avenir du pays, qui serait présidé par des personnalités neutres et ouvert à tous les groupes politiques. Il a déclaré qu’il espérait voir un jour les Eglises jouer un rôle important dans la réorganisation des institutions sociales et politiques et dans la reconstruction du cadre constitutionnel du pays.

Pendant leur visite, quelques membres de la délégation oecuménique ont fait un bref séjour dans le pays voisin, le Congo-Brazzaville, où la sanglante guerre civile, qui a déplacé des centaines de milliers de personnes depuis le début de 1999, est restée largement ignorée du reste du monde, sauf peut-être de la France, l’ancienne puissance coloniale. Lors d’une attaque, des milices ont tué six des neufs membres d’une équipe de médiation envoyée par le Conseil oecuménique des Eglises de ce pays.

Le COE a continué à soutenir, comme il le fait depuis longtemps, les efforts déployés pour mettre fin à la guerre civile qui a déchiré le Soudan pendant presque toute son histoire depuis l’indépendance. En juillet, avec Caritas Internationalis, il a convoqué une réunion du Forum oecuménique sur le Soudan, créé en 1994 pour offrir une tribune à l’échange de points de vue et coordonner les efforts des Eglises qui cherchent à établir la paix et la justice au Soudan. Le Forum a exhorté toutes les parties au conflit à faire sortir les négociations de l’impasse politique où elles se trouvent depuis une année et à mettre fin à la guerre sous les auspices de l’Office intergouvernemental pour le développement.
Des représentants du COE visitent le mausolée de Simon Kimbangu,
à Nkamba, en République démocratique du Congo.

Deux situations spécifiques en Afrique ont fait l’objet de "notes" adoptées par le Comité central. Les Eglises du Nigéria ont été louées pour le témoignage qu’elles ont rendu en faveur des droits de la personne, de la justice et de la paix dans un pays en pleine mutation. Le Comité central leur a offert le soutien du mouvement oecuménique dans leur recherche de la réconciliation, et en même temps les a encouragées à continuer à être une voix prophétique dans la nation. Il a également encouragé les responsables d’Eglise en Ethiopie et en Erythrée à continuer de chercher les moyens de régler pacifiquement le conflit qui a éclaté entre les deux pays en mai 1998 à la suite d’un différend frontalier, et qui a causé d’"innombrables pertes en vies humaines... à des peuples qui souffrent tant et depuis si longtemps de la guerre, de la répression et d’une pauvreté abjecte".

Deux membres du personnel du COE ont participé à une délégation oecuménique qui s’est rendue en Sierra Leone en novembre. Il s’agissait d’apporter un message d’encouragement aux Eglises de ce pays, à l’heure où un fragile accord de paix mettait fin à neuf années d’une guerre civile traumatisante, qui a fait de la Sierra Leone, malgré ses ressources abondantes, l’un des pays les plus pauvres du monde, selon un rapport du Programme des Nations Unies pour le développement. La moitié de la population a été soit déplacée soit touchée par la guerre, et moins des deux tiers des habitants ont accès aux secours d’urgence. En 1999, des programmes d’aide à l’agriculture, de reconstruction des infrastructures, d’assistance aux secteurs vulnérables et de formation, d’une valeur d’environ 2,2 millions USD, ont été mis en place par le Conseil des Eglises de Sierra Leone, par l’intermédiaire du réseau de l’ACT.

L’un des aspects les plus tragiques de la guerre en Sierra Leone a été le recrutement d’enfants soldats. Lors de la séance plénière du Comité central sur l’Afrique, Olara Otunnu, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour les enfants dans les conflits armés, a fait remarquer que le pourcentage de civils - principalement des femmes et des enfants - tués pendant une guerre est passé de 5 pour cent pendant la Première Guerre mondiale à 45 pour cent pendant la Seconde, pour atteindre 90 pour cent dans les conflits actuels. La tâche la plus pressante, a déclaré Olara Otunnu, est de traduire "la masse impressionnante d’instruments internationaux et de normes locales en décisions et en actions qui puissent réellement améliorer le sort d’enfants exposés au danger sur le terrain... Nous devons remettre à l’honneur les interdits que nous avons abandonnés, réaffirmer les impératifs moraux qui se sont dégradés dans nos sociétés". Il a demandé instamment au COE d’user de son "influence morale et [de] son autorité" pour appuyer les efforts faits dans ce sens.

En Indonésie, la violence entre communautés, les attaques contre les lieux de culte chrétiens et musulmans, et les violations des droits de la personne par les forces de sécurité ont continué à provoquer de l’inquiétude tout au long de l’année. Le COE est resté en contact étroit avec les Eglises et les institutions oecuméniques de cette région du monde, notamment au Timor oriental et en Irian Jaya. Une délégation oecuménique de neuf personnes, mandatée par le COE et la Conférence chrétienne d’Asie, a visité l’Indonésie en janvier et rencontré le président alors en exercice, B.J. Habibi. Des collaborateurs du Conseil ont également visité le Timor oriental fin juin - début juillet. En septembre, le Comité central a attiré l’attention spécialement sur les dangers qui menacent le Timor oriental après le référendum, sur la violence entre communautés à Ambon, et sur les mesures de répression introduites par les forces de sécurité en Aceh et en Irian Jaya. Il a exhorté les Eglises membres à travers le monde à prier pour les Eglises et les populations de l’Indonésie, et à soutenir et encourager les Eglises indonésiennes dans leur travail au service de la paix, de la justice et de la réconciliation.

Avec la Fédération luthérienne mondiale, le Conseil des Eglises d’Amérique latine et le Conseil national des Eglises des Etats-Unis, le COE a organisé un "Forum oecuménique de coopération pour la Colombie" à Bogota, en juin. Des représentants des Eglises protestantes et catholique romaine ont rencontré des organisations non gouvernementales internationales pour examiner comment pourvoir aux besoins urgents d’un pays déchiré par une violence à multiples facettes - perpétrée par l’armée, les groupes de guérilla, les groupes paramilitaires et les cartels de la drogue - qui a chassé plus d’un million et demi de Colombiens de leurs foyers.

Réfléchissant à la prolifération des conflits presque partout dans le monde, le Comité central a adopté un document important intitulé "Mémorandum et recommandations sur les mesures à prendre face aux conflits armés dans le cadre du droit international". Tout en reconnaissant que la paix et la justice sont inséparables, le mémorandum affirme que les conflits de la dernière décennie nécessitent que l’on examine une fois de plus "comment relier de manière plus efficace les besoins de paix et de justice des peuples, qui sont à la fois complémentaires et interdépendants". Réaffirmant la conviction du COE que l’Organisation des Nations Unies est "l’instrument unique dont disposent les peuples du monde pour garantir le respect de la primauté du droit international", le Comité central recommande au COE de promouvoir une étude sur l’éthique de l’intervention humanitaire, "cela en prenant en compte le droit légitime des Etats d’être à l’abri de toute ingérence indue dans leurs affaires intérieures, et l’obligation morale de la communauté internationale d’intervenir lorsque les Etats ne veulent ou ne peuvent pas garantir le respect des droits de la personne et la paix à l’intérieur de leurs frontières."

Ailleurs dans l’oikoumene

L’événement le plus saillant de 1999 a probablement été celui qui s’est déroulé le 31 octobre à l’église luthérienne St Anne à Augsbourg, en Allemagne, lorsque le cardinal Edward Cassidy, président du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens, et l’évêque luthérien allemand Christian Krause, président de la Fédération luthérienne mondiale, ont signé une Déclaration commune sur la doctrine de la justification. Dans une déclaration faite à Rome, le pape Jean Paul II a décrit cet accord sur l’une des questions les plus controversées soulevées par la Réforme protestante comme "une étape importante sur la route parfois malaisée vers la restauration de l’unité complète en Christ". De fait, le chemin qui devait aboutir à la Déclaration commune elle-même n’a pas été facile: beaucoup d’éminents théologiens protestants allemands l’avaient critiquée, et des signes ambigus émanant du Vatican après l’adoption du texte par la Fédération luthérienne mondiale avaient jeté une ombre, du moins temporairement, sur les chances de succès d’un dialogue entre les deux Eglises.


A Augsbourg, l’évêque Krause et le cardinal Cassidy signent la Déclaration commune
des luthériens et des catholiques sur la justification.

En mai, la commission officielle sur le dialogue théologique entre anglicans et catholiques romains a publié un accord sur "Le don de l’autorité". Ce texte offre une analyse théologique approfondie de la nature et de l’exercice de l’autorité dans l’Eglise. La commission a estimé que si cette analyse était acceptée, la question de l’autorité cesserait d’être une source de division entre les deux Eglises. Or, malgré les espoirs nourris par la commission de voir les lecteurs étudier attentivement le document lui-même avant de faire des commentaires sur ses recommandations, la majorité des rapports reçus semblaient s’intéresser surtout à la suggestion que les anglicans accepteraient peut-être la primauté du pape, dont le ministère spécifique concernant "le discernement de la vérité" est "un don que peuvent recevoir toutes les Eglises", et dont la primauté universelle "aidera à préserver la légitime diversité des traditions".

Si certains milieux oecuméniques considèrent que les négociations en vue de l’union d’Eglises est un modèle dépassé pour réaliser l’unité de l’Eglise, les efforts entrepris de longue date dans ce domaine ont néanmoins obtenu quelques succès en 1999, et on a même mis en place une nouvelle initiative.

En janvier, des représentants des neuf dénominations nord-américaines participant au Colloque sur l’union des Eglises - dont les origines remontent à un sermon prononcé par l’ancien secrétaire général du COE Eugene Carson Blake en 1960 - se sont réunis en séance plénière pour la première fois en dix ans. Ils ont recommandé que les Eglises "forment de nouveaux liens entre elles et prennent le nom d’’’Eglises unies en Christ". Cette nouvelle institution serait inaugurée publiquement en 2002, pendant la Semaine universelle de prière pour l’unité des chrétiens, l’ultime objectif étant la pleine et entière réconciliation de leurs ministères (question qui a causé de grandes difficultés au cours des années étant donné les divergences de vues sur l’épiscopat) d’ici 2007.

Les tentatives d’union entre les Eglises presbytériennes d’Afrique du Sud, qui ont connu des succès et des revers depuis 1958, ont finalement abouti en septembre avec la formation de l’Eglise presbytérienne unie d’Afrique australe.

Pendant plus de vingt ans, trois Eglises indiennes - l’Eglise de l’Inde du Nord, l’Eglise de l’Inde du Sud et l’Eglise Mar Thoma - ont discuté de la possibilité de s’unir ; ces discussions ont traîné en longueur et ont quelquefois même été mises en suspens. Mais la décision a été prise en juillet de demander aux plus hauts responsables des trois Eglises de se réunir pour examiner d’une manière visible et décisive l’adoption d’un culte, d’une mission et d’un témoignage communs. Cette décision a eu pour effet d’insuffler une vie nouvelle à ce conseil mixte. A cette réunion, qui a eu lieu en novembre, on a décidé d’utiliser un lectionnaire commun à partir de l’Avent 2000, et de préparer une liturgie eucharistique commune pour les trois Eglises. Dans un message adressé aux Eglises, les représentants ont réaffirmé que "nous appartenons à l’Eglise de Jésus Christ en Inde, qui est une", et annoncé la nomination du premier secrétaire à plein temps du conseil mixte. Ils ont également exprimé leurs craintes concernant le témoignage chrétien en Inde, où aujourd’hui la mésentente entre communautés s’aggrave et où "les fondements laïques de l’Etat sont de plus en plus menacés". Les relations entre les divers groupes religieux, et notamment la position des minorités religieuses, ont causé une profonde inquiétude en Inde tout au long de l’année, et provoqué un certain nombre de réactions de la part des Eglises et des institutions oecuméniques locales.

En novembre, l’Eglise unie du Christ aux Philippines et l’Eglise indépendante des Philippines ont élaboré un pacte de partenariat qui pourrait aboutir à une union pleine et entière "au moment voulu par Dieu".

Aux Etats-Unis, le Conseil national des Eglises a célébré son cinquantième anniversaire à Cleveland, en novembre, dans un climat de transition (la secrétaire générale Joan Brown Campbell ayant pris sa retraite à la fin de 1999, et le pasteur de l’Eglise méthodiste unie Robert Edgar, ancien membre du Congrès, ayant été désigné pour lui succéder), de difficultés financières (avec un déficit budgétaire prévu de 4 millions USD pour 1999), d’allégations de mauvaise gestion (à la suite desquelles l’Eglise méthodiste unie a refusé temporairement de payer sa contribution au CNE), et dans le contexte d’une restructuration qui entraînera probablement la réduction d’un tiers de son personnel de New York.

Alors que l’attention du monde continuait à se fixer sur l’avènement d’un nouveau millénaire (bien qu’on ne puisse se mettre d’accord sur la question de savoir s’il commence en 2000 ou en 2001!), les luthériens d’Italie ont annoncé en janvier qu’ils ne participeraient pas aux événements organisés à Rome par l’Eglise catholique romaine pour marquer le Jubilé 2000. Dans leur déclaration, ils affirmaient qu’un jubilé devait être "un acte de pénitence" destiné à rendre grâces "à Dieu seul" et non pas à "glorifier faussement l’Eglise". Ils ajoutaient que l’endroit correct où commémorer le deuxième millénaire de la naissance du Christ était la Terre Sainte et non pas Rome. Les protestants italiens ont aussi été parmi les critiques les plus virulents de la publication par le Vatican en septembre, à temps pour le Jubilé, d’une nouvelle édition du "Manuel des indulgences".

La visite de Jean Paul II en Roumanie, au mois de mai, était la première visite effectuée par un souverain pontife dans un pays à majorité orthodoxe depuis mille ans. Le dernier jour, le pape et le patriarche orthodoxe roumain Teoctist ont pris part à deux grands services religieux en plein air à Bucarest: une liturgie orthodoxe d’une durée de trois heures le matin et une messe catholique l’après-midi dans un parc, à laquelle ont assisté plus de 200 000 personnes, parmi lesquelles de nombreux Roumains habitant les régions à majorité catholique du nord de la Transylvanie.

En janvier, des responsables de quatre groupes religieux de Russie - orthodoxes, musulmans, juifs et bouddhistes - ont annoncé qu’ils se préparaient à former un organisme consultatif permanent, le Conseil interreligieux de Russie, dont la tâche serait d’encourager le dialogue et la coopération, d’examiner les problèmes sociaux actuels et de porter un témoignage sur les valeurs auxquelles ils souscrivent tous "auprès des autorités et du peuple". Vers la fin du mois de novembre, des représentants de haut niveau de trente-trois communautés chrétiennes traditionnelles de l’ex-Union soviétique, réunis à Moscou, ont demandé une plus étroite collaboration entre les chrétiens. Le patriarche Alexy II de l’Eglise orthodoxe russe a prononcé le discours d’ouverture de la conférence, et le cardinal Edward Cassidy a donné lecture d’un message d’encouragement du pape Jean Paul II. Des observateurs ont déclaré que l’esprit de la conférence contrastait fortement avec l’atmosphère souvent tendue des échanges entre les Eglises de Russie.

A New York, en septembre, l’archevêque Demetrios a été intronisé primat des 1,5 millions de membres de l’archidiocèse orthodoxe grec d’Amérique. On mettait ainsi fin à trois ans de tensions - certains milieux parlaient même ouvertement de scission - qui avaient marqué le ministère de son prédécesseur, l’archevêque Spyridon, démissionnaire en août.

En décembre, Karekin II a été intronisé primat de l’Eglise apostolique arménienne (Etchmiadzin), prenant le nom de son prédécesseur, décédé quelques mois auparavant. Cette Eglise, l’une des plus anciennes du monde, célébrera en 2001 le 1700ème anniversaire du jour où l’Arménie se déclara Etat chrétien.

Toujours en décembre, 6000 personnes se sont rendues au Cap, en Afrique du Sud, à un Parlement des religions du monde, qui a siégé pendant dix jours. Une bonne partie de la session a été consacrée aux préparatifs du Sommet du millénaire des chefs religieux du monde entier. Ce sommet, organisé en août 2000 sous les auspices de l’ONU, aura lieu à la veille du Sommet du millénaire de septembre qui réunira les chefs d’Etat et de gouvernement du monde en septembre.

Nécrologie

Parmi les éminents pionniers et dirigeants oecuméniques qui nous ont quittés en 1999, il faut mentionner le théologien et oecuméniste Oscar Cullman, décédé le 16 janvier à l’âge de 96 ans. Ce luthérien de Strasbourg, qui passa presque toute sa carrière à enseigner à la faculté de théologie réformée de Bâle, fut observateur au Concile de Vatican II. Interlocuteur de trois papes, Oscar Cullman mit inlassablement son érudition néo-testamentaire au service de l’unité des chrétiens.

Quelques personnalités du mouvement oecuménique décédées en 1999: (en haut, de gauche à droite) Anwar Barkat, Aaron Tolen, J. Henry Okullu; (en bas) Karekin Ier, Dom Helder Camara.




Deux Africains ayant joué un rôle prééminent au COE sont morts en 1999. J. Henry Okullu, évêque anglican du Kenya, est décédé le 13 février à l’âge de 70 ans. Défenseur franc et courageux de la paix et de la justice dans son pays, où il fut réélu trois fois à la présidence du Conseil national des Eglises, il se mit au service de l’oecuménisme international, siégeant pendant 23 ans (1975-1998) aux Comités central et exécutif du COE. Aaron Tolen nous a quittés le 7 avril à Yaoundé, au Cameroun. De 1976 à 1983, il présida la Commission de la participation des Eglises au développement, puis, de 1983 à 1991, siégea Comité central du COE. En 1991, l’Assemblée de Canberra en fit l’un des présidents du COE.

Anwar Barkat, qui est mort au Pakistan le 14 avril, fut directeur adjoint de l’Institut oecuménique de Bossey de 1968 à 1970, et membre des Comités central et exécutif du COE de 1975 à 1980. En 1981, il fut nommé au poste de directeur du Programme de lutte contre le racisme, qu'il occupa jusqu'en 1985. Il rejoignit ensuite l’équipe du bureau du COE auprès de l’ONU à New York.

A la suite d’une longue maladie, Karekin Ier, patriarche et catholicos suprême de tous les Arméniens, s’est éteint à Etchmiadzin le 29 juin à l’âge de 66 ans. Ce pionnier de l’oecuménisme au Moyen-Orient avait été élu aux Comités central et exécutif du COE en 1968. De 1975 à 1983, il fut vice-président du Comité central. En 1985, appelé à Etchmiadzin, il quitta sa fonction de primat de l’Eglise apostolique arménienne en Cilicie pour guider le renouveau de l’Eglise en Arménie après des décennies passées sous un régime politique hostile.

Jaime Wright, secrétaire de l’Eglise presbytérienne unie du Brésil de 1977 à 1983, est décédé le 29 mai. Leader oecuménique et défenseur des droits de la personne pendant les vingt et un ans de dictature militaire dans son pays, il était connu principalement pour sa collaboration à la publication, en 1985, d’une vaste encyclopédie sur les violations des droits de l’homme pendant la dictature, intitulé :"Brazil: Nunca Mais".

Sun Ai Lee-Park, qui est morte en Corée le 21 mai à l’âge de 68 ans, était une théologienne féministe asiatique de renom, qui avait fondé et dirigé la revue oecuménique "In God’s Image". Elle fut coordinatrice de programme auprès du Centre de documentation des femmes asiatiques, installé à Hong-kong d’abord, puis, de la fin des années 80 au début des années 90, à Séoul.

Le cardinal Basil Hume, chef de l’Eglise catholique d’Angleterre et du Pays de Galles, est mort d’un cancer le 17 juin. Il avait 76 ans. A l’époque où il était moine bénédictin dans le nord du Yorkshire, il avait été l’un des premiers à encourager la participation des catholiques à un conseil local d’Eglises. Bien des années plus tard, il inversa le cours de l’histoire de son Eglise et mit fin à son long isolement en la faisant entrer au Conseil des Eglises de Grande-Bretagne et d’Irlande.

Dom Helder Camara, surnommé "l’évêque rouge" par ses détracteurs à cause de son attachement indéfectible à la cause de la justice sociale lorsqu’il était archevêque d’Olinda et de Recife, au Brésil, s’est éteint le 27 août à l’âge de 90 ans.

Johannes Hanselmann, évêque luthérien allemand de Bavière jusqu’à sa retraite en 1994 et président de la Fédération luthérienne mondiale de 1987 à 1990, est décédé le 2 octobre à l’âge de 72 ans, moins d’un mois avant la signature de la Déclaration commune des Eglises luthérienne et catholique romaine, dans la rédaction de laquelle il avait joué un rôle central.

Ancien membre du personnel du COE, Guillermo Cook s’est éteint en octobre après une longue maladie. Il avait joué un rôle actif pendant de nombreuses années dans l’établissement de relations entre les évangéliques et les protestants des Eglises traditionnelles d’Amérique latine. En raison de son vif intérêt pour la théologie et la spiritualité des peuples autochtones d'Amérique centrale, il avait été consultant auprès du COE pour l’organisation de la Conférence mondiale sur la mission, qui s’est tenue à Salvador, au Brésil, en 1966.

Marlin VanElderen

Marlin VanElderen
Rédacteur en chef, Publications du COE


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