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Le réseau "Paix dans la ville" s'est développé à partir d'une campagne du même nom qui a débuté en août 1998 et a connu son apogée en décembre 1998. Le réseau a poursuivi son activité jusqu'en 2002. Ses membres (Eglises, organisations pacifistes, communautés religieuses et mouvements de la société civile) continuent de collaborer dans le cadre de la "Décennie vaincre la violence (2001-2010)".

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PROGRAMME "VAINCRE LA VIOLENCE":
Hypothèses et principes

Comité directeur pour les affaires internationales (CEAI), Fondation oecuménique de Mindolo, Kitwe, Zambie, 25-30 juin 1994

Hypothèses de travail
Edifier une paix juste est une vocation chrétienne à laquelle doivent répondre les Eglises et chaque chrétien à titre individuel. Pourtant, tout au long de l'histoire, les Eglises à travers le monde ont eu des réactions très diverses face aux situations et aux structures d'injustice et de violence. Par exemple, il en est qui, pour des raisons partisanes, ont pris fait et cause pour telle ou telle faction. Certaines ont contribué à créer ou à maintenir des situations d'oppression et de conflit. D'autres ont vu sans réagir exploiter les allégeances religieuses de chrétiens, de juifs, de musulmans ou d'autres groupes de croyants, mobilisés et manipulés par des extrémistes religieux. D'autres encore se sont trouvées mêlées à des situations d'injustice et de violence sans prendre de position claire. Il en est qui ont choisi de prendre le parti des victimes de l'oppression en tant qu'acte de foi en un Dieu qui opte pour les pauvres et ceux qui souffrent. Certaines ont rendu un témoignage constant à la force du pacifisme et des méthodes d'engagement à la paix et à la justice fondées sur la non-violence active.

Les chrétiens doivent affronter toutes ces situations et d'autres encore avec discernement et humilité, et confesser que, trop souvent, nous n'entendons pas l'appel du Christ qui nous demande de rendre témoignage à la justice et à la paix et d'aider à en jeter les bases. Dans le cadre du Conseil Écuménique des Eglises, nous renouvelons notre engagement à répondre à cet appel et à nous inciter, nous-mêmes et nos Eglises, à nous rendre mutuellement compte de l'action que nous menons pour vaincre la violence, à être des artisans de la réconciliation et à bâtir une paix enracinée dans des communautés de justice. Nous gardons fermement l'espérance que Dieu sera fidèle à sa promesse de paix et de bien-être pour tous.

Les structures économiques, politiques, sociales et culturelles qui favorisent et entretiennent la violence peuvent être transformées en systèmes qui favorisent la paix et la justice. Ceux qui perpétuent la violence et y participent, ou ceux dont les modes de vie contribuent à la violence, peuvent être convertis en artisans de paix. Ceux qui sont victimes de la violence peuvent trouver guérison et plénitude. Cette vision des choses est fondée en premier lieu sur notre foi en la résurrection, l'expérience chrétienne de la vie au cÉur de la mort. Elle découle également de la conviction, née de l'analyse, que la survie de l'humanité et de la création dépend de ces transformations. La paix peut être mise en pratique. La paix est possible. La paix est une vision de l'Evangile et un impératif chrétien.

Le conflit est un élément normal de la vie en communauté, une réalité que vivent la plupart des gens. Il ne débouche cependant pas forcément sur la violence et la guerre. Les personnes, les familles, les Eglises, les sociétés et la communauté internationale doivent s'efforcer de vivre les conflits de manière créatrice: elles doivent apprendre à les gérer et à trouver les moyens d'arriver à un règlement, une réconciliation ou une évolution des relations. Les chrétiens et les Eglises doivent promouvoir à l'échelon local et mondial une culture qui accorde du prix au dialogue et respecte la richesse de la diversité. C'est une tâche difficile qui exige souvent des efforts acharnés.

La violence provient en partie de systèmes et de structures qui privent les gens de la possibilité de vivre dans des conditions humaines et porteuses de vie. La mondialisation, la transnationalisation du capital et de la production fondée sur une logique mondiale unique des échanges en est un exemple. Elle aboutit de plus en plus à une concentration du pouvoir qui déplace les centres de décisions sur les grandes questions économiques, sociales et politiques des niveaux local et national vers le niveau mondial. Ce système impose également aux individus et aux sociétés à l'échelon mondial des normes en matière de croissance économique, de consommation, de privatisation, de comportements individuels, et fixe d'avance qui sont les gagnants et qui sont les perdants. Ces normes, contrôlées à distance, aggravent et accélèrent l'éclatement de l'humanité, l'isolement et l'exclusion au profit d'un petit nombre, contribuant sensiblement à attiser la violence parmi les individus, les groupes et les nations.

Le deuxième système qui favorise la violence est la rivalité militaire entre les Etats-nations. La capacité de destruction des armes de toute portée s'est accrue de manière spectaculaire au cours de ce siècle. Elle a amené de nombreux observateurs à conclure que face à un tel pouvoir de destruction, toute justification morale de la guerre est dépassée et qu'aucun moyen d'intervention ou de défense militaires ne permet de garantir la sécurité nationale ou mondiale. Bien des anciennes puissances industrielles tant à l'Est qu'à l'Ouest abritent des armes et des complexes de production d'équipement militaires auxquels elles s'accrochent, et dont la plupart sont sans commune mesure avec les exigences de sécurité de ces nations telles qu'elles sont définies dans des évaluations réalistes et largement reconnues. Nombre de nouvelles puissances industrielles ont recours à la production et au commerce d'armements avant tout comme un moyen d'assurer leur croissance économique et non comme un moyen d'assurer leur défense. La production et le commerce d'armements pour le seul profit alimentent la guerre au sein des nations et entre elles. L'entretien d'arsenaux militaires et la course aux armements privent les pays de ressources indispensables aux besoins des populations. La recherche et le développement dans le domaine militaire détournent à leur profit un savoir-faire et une technologie qui pourraient servir à s'attaquer à des problèmes sociaux brûlants. Le militarisme domine de nombreuses sociétés, entraînant la dégradation de l'être humain, l'isolement et l'exclusion. L'omniprésence des armes, alliée à la notion selon laquelle la puissance militaire garantit la sécurité nationale, alimente la violence au sein des pays mêmes et entre eux.

La violence naît aussi dans le cÉur et dans l'esprit de l'être humain. Le péché humain divise la communauté: il sépare les humains les uns des autres, et les humains d'avec Dieu. Les individus et les groupes s'enferment souvent les uns les autres dans des représentations stéréotypées; ils tendent parfois à diaboliser leurs adversaires ou, plus simplement, ceux qui sont différents d'eux.

Partout dans le monde, il y a des familles qui ont recours aux coups comme prétendu moyen d'imposer la discipline - des parents qui battent leurs enfants, des maris qui battent leurs femmes. Pourtant les blessures physiques momentanées et les dommages psychologiques et sociaux à long terme de telles pratiques, surtout quand les enfants apprennent, en grandissant, à reproduire le comportement de leurs parents, ont des conséquences néfastes qui l'emportent sur tout avantage apparent.

Pour vaincre la violence, il faut s'attaquer à des causes et à des symptômes tels que ceux qu'on vient de décrire, aux niveaux structurel, individuel et intermédiaire. Il est essentiel d'inscrire notre action dans une perspective globale si nous voulons être crédibles et établir la confiance.

Les Eglises et d'autres communautés religieuses ont un potentiel unique qui les rend capables de promouvoir une culture de paix fondée sur la justice: la possibilité de promouvoir une spiritualité au service de la vie. Les communautés religieuses peuvent aider à fortifier les ressources et la force intérieure dont les gens ont besoin pour affronter la violence. Elles offrent aux individus et aux groupes un espace pour la confession, la repentance, le pardon et la réconciliation. Les notions chrétiennes de grâce, d'amour et de rédemption rendent possible le témoignage de l'Eglise à la paix fondée sur la justice.

La culture de paix fondée sur la justice rétablit les communautés brisées, les enracinant dans des relations personnelles de confiance et de sollicitude. Elle protège les plus vulnérables (les personnes âgées, les handicapés, les enfants) et les aide à avoir part à la plénitude de vie. Elle surmonte les barrières, franchit les frontières, bâtit des relations de coopération et des communautés accueillantes à tous. Elle subvient aux besoins matériels et spirituels de tous et permet à chacun d'exprimer son identité au sein de la communauté. Elle offre un espace à tous ceux et celles qui sont prêts à s'unir dans une alliance contre l'escalade de la violence dans leurs sociétés et dans le monde. Elle enseigne aux enfants comme aux adultes à respecter la diversité et à en reconnaître la valeur.

Les mieux placés pour régler les conflits violents et les guerres sont généralement les belligérants eux-mêmes, avec l'aide, parfois, de personnes qui ont leur confiance et qui connaissent bien le contexte politique, culturel et historique où se déroulent ces conflits. Il est indispensable de créer, aux échelons local, national et international, des mécanismes qui facilitent la négociation, la médiation et le règlement pacifique des différends, et là où ils existent déjà, de les renforcer.

Si l'on veut asseoir la paix sur des bases durables, il est indispensable de plaider pour la justice. Tous les peuples, dans leur quête de justice, de paix et d'un environnement où la vie puisse s'épanouir, ont le droit de résister à l'oppression. Chacun a le droit d'être inclus, de participer à la prise des décisions sur toute question qui touche sa vie, que ce soit dans les domaines économique, politique, social, culturel ou familial. Chacun a aussi le droit de vivre dans une famille, une communauté et une nation où il est en sécurité et à l'abri de toute menace de violence. Dans le monde moderne, où les systèmes techniques, les réseaux de communication et de transport sont à l'échelle planétaire, la sécurité des particuliers, des groupes et des nations dépend en fin de compte d'un engagement en faveur de la sécurité de tous.

Il existe une tension entre, d'une part, le droit de chacun à se défendre lui-même et à résister à l'oppression et, de l'autre, son droit à vivre dans un environnement sans violence. Cette tension n'est pas facile à résoudre. Pourtant, les Eglises, les sociétés, les mouvements pour la justice sociale et les chrétiens à titre individuel, pour la plupart, ne savent pas mettre à profit les divers moyens et institutions qui existent pour les aider à garantir la sécurité individuelle, collective et nationale par des méthodes non violentes. Ils cèdent trop facilement à l'idée que la violence est un moyen normal et efficace de se défendre ou de changer les choses. L'étude et la mise en Éuvre de stratégies non violentes à court et à long terme, à tous les niveaux de la société humaine, ne peuvent se faire qu'avec l'engagement, la conviction, la créativité, la détermination et la persévérance de tous.

Principes d'action

Le Programme "vaincre la violence" cherche:

  • à contribuer à la promotion de la paix et de la justice dans la famille, l'Eglise et la société ainsi qu'au sein des structures politiques, sociales et économiques mondiales;
  • à aider à progresser vers la délégitimation de la guerre et de la violence; à s'attacher à surmonter l'esprit, la logique et la pratique de la violence; à tendre vers l'élimination de toute justification ecclésiale et théologique de l'usage de la violence;
  • à encourager les Eglises à inscrire au nombre de leurs priorités le problème de la violence qui règne dans leur société, et celui de la violence que leur culture et leur nation imposent à d'autres, en mettant l'accent sur les structures et les causes profondes de cette violence et sur certaines situations concrètes;
  • à s'appuyer au départ sur le vécu et les besoins concrets des Eglises qui sont confrontées à des situations et des structures de violence et d'injustice;
  • à mettre en valeur et à encourager les aspirations, les capacités et les ressources traditionnelles des personnes, des communautés et des Eglises en matière de guérison et de réconciliation;
  • à assurer que tous ceux qui sont engagés dans la vie des Eglises (clercs et laïcs, paroisses, responsables, réseaux Écuméniques, mouvements associatifs, femmes et hommes, enfants, jeunes et adultes) participent à la démarche;
  • à lancer de nouvelles initiatives pour la paix et la justice, et à appuyer et renforcer celles en cours, en créant des réseaux de soutien et d'encouragement mutuels entre les Eglises, les groupes chrétiens et ceux avec lesquels ils collaborent;
  • à travailler avec les nombreuses structures et institutions existantes afin d'établir des alliances pour le bien commun entre les mouvements associatifs, les entreprises, les groupes communautaires et autres, même si ces alliances se nouent entre des partenaires qui ne sont pas égaux;
  • à faire pleinement usage des technologies et des modes de communication, notamment en utilisant la télévision, la radio et la presse, le réseau internet, l'audiovisuel, la publicité, les groupes de partage, la prédication, etc.;
  • à accorder un soutien à ceux qui cherchent à créer des polices et des systèmes de défense nationale fondées sur la non-violence active et non sur la force armée;
  • à faire appel aux établissements d'enseignement et à d'autres moyens pédagogiques pour aider les enfants, mais aussi les adultes, à apprendre à vivre de manière créatrice avec le conflit, en mettant au point des mécanismes propres à gérer certains conflits et en offrant les moyens d'arriver à un règlement, à la réconciliation ou à l'évolution des relations;
  • à manifester un engagement commun en lançant des actions publiques qui frappent l'opinion;
  • à donner aux Eglises des moyens plus efficaces pour régler les conflits violents et pour gérer les différends et servir de médiatrices lorsque ces différends menacent d'engendrer la violence, en offrant à leurs membres la possibilité de suivre une formation dans ces domaines;
  • à aider ou favoriser les analyses et les actes de médiation entrepris par le COE ou toute autre organisation appropriée lorsque des Eglises affrontent des crises graves, risquant de dégénérer en violences ou en guerre.