conseil oecumenique des eglises

Documents préparatoires à
la Huitieme Assemblée et au 50e Anniversaire

RÉUNION D'INFORMATION-DÉBAT
SUR L'UNITÉ IV: "PARTAGE ET SERVICE"

Ordre du jour annoté

Ière séance
1. Accueil et introduction générale
2. Introduction au mécanisme des réunions d'information-débat
3. Vue d'ensemble des principales lignes-forces et réalisations de l'Unité au cours des sept années écoulées, avec présentation vidéo de:
  • la stratégie en vue du jubilé comme principe moteur et directeur de l'action;
  • les quatre mandats qui constituent la stratégie en vue du jubilé et qui donnent forme au travail de chacune des équipes de l'Unité;
  • "le peuple du jubilé": les marginalisés et les exclus.

Le texte de la vidéo est tiré directement du rapport d'évaluation intitulé "Le jubilé: des stratégies d'espérance en temps de crise", qui a servi de base à la publication De Canberra à Harare et au présent document. Les participants à la réunion d'information-débat pourront se procurer le rapport complet à l'Assemblée. Des questions clés sur l'évaluation seront soulevées par les participants aux débats.

IIème séance
Lors de cette séance, on reviendra sur un certain nombre des lignes-forces et des résultats marquants qui se seront dégagés de la séance précédente, afin d'aider les délégués à dresser un bilan de la période considérée à partir de la vidéo et de questions qui leur seront soumises pour commentaire et critique.

Parmi les lignes-forces qui seront mises en lumière, citons:

  • le partage équitable: l'expérience des tables rondes en Asie
  • l'autonomie: l'expérience de la mise en valeur des compétences locales en Afrique
  • les actes concrets de solidarité avec les enfants: l'expérience de l'Amérique latine
  • la promotion de la dignité humaine et la protection des ressources à l'échelon régional: l'expérience du Pacifique
  • le travail déployé par le Secrétariat "réfugiés et migrants" pour élaborer une théologie et une méthodologie de l'Eglise de l'étranger, former des réseaux d'action et promouvoir les droits des défavorisés à travers le monde, et enfin encourager l'action locale par les réfugiés et les migrants et en collaboration avec eux.

IIIème séance
Les perspectives d'avenir: quels enseignements peut-on tirer de la période écoulée? Quelles nouvelles orientations se dégagent de ce rapport? Comment ces questions sont-elles reflétées dans les détails de la nouvelle vision et du nouveau profil du COE? Les membres du Comité d'orientation du programme (COP) seront priés de réfléchir à ces questions au début de la séance, puis les participants seront invités à engager le dialogue avec eux.

RAPPORT SUR L'UNITÉ "PARTAGE ET SERVICE"

Aperçu historique
Dès la fondation du COE, la famille oecuménique a accordé une place spéciale aux actes concrets de solidarité accomplis pour répondre aux besoins des êtres humains. La Commission d'entraide et de service des Eglises et d'assistance aux réfugiés (CESEAR), prédécesseur de l'Unité IV, a transmis un héritage important, appelant les Eglises à recouvrer leur rôle diaconal prophétique aux niveaux local et mondial. Ce rapport passe en revue les sept dernières années d'activité de l'Unité IV et examine comment les Eglises ont répondu à cet appel. Durant cette période, le monde a subi des changements spectaculaires et il en est allé de même pour le travail diaconal du mouvement oecuménique. Mais ces transformations n'ont pas surgi subitement en 1991. Leurs racines plongent loin dans le passé.

Upsal 1968
L'Assemblée d'Upsal a formulé et incarné deux approches contradictoires de la question du développement. D'une part, y a-t-on déclaré, les sociétés peuvent s'adapter et tenter d'éliminer la pauvreté en reproduisant les bienfaits du capitalisme occidental dans le monde entier. D'autre part, les partisans du changement peuvent essayer de transformer radicalement la société afin de libérer les opprimés.

On s'est rendu compte que la première option trahissait un paternalisme et une condescendance hérités du colonialisme, et révélait une connaissance incomplète des questions économiques et écologiques. La seconde présentait un immense défi: transformer ou renverser les structures politiques et économiques responsables de la pauvreté et de l'injustice dans le monde. Ces deux approches ont trouvé des expressions différentes au cours des années, et continuent à influencer les événements actuels. Elles se manifestent par des dichotomies et des oppositions: charité contre changement; "les affaires continuent" contre révolution ou réforme; économie orthodoxe contre économie nouvelle; suprématie de l'élite contre démocratie; pouvoir des entreprises contre communautés; concurrence contre coopération; droite contre gauche.

Larnaca 1986
En formulant ces options, la conférence d'Upsal a aidé les Eglises à se départir d'une approche étroite et paternaliste du problème et à mettre en question le statu quo. Pour cela, il fallait porter son regard au-delà des problèmes et des objectifs immédiats et les envisager dans une perspective plus large. Vingt ans plus tard, en 1986 à Larnaca, Chypre, la CESEAR a organisé un colloque intitulé: "Diaconie 2000: Appelés à devenir prochains". Cette réunion a marqué une rupture radicale avec le passé.

Avant Larnaca, la CESEAR avait essayé d'encourager une réflexion sur la justice, sur son rapport avec le service et la diaconie, et sur les liens entre les réalités locales et mondiales. Mais à Larnaca, les Eglises ont reconnu qu'il était nécessaire de concevoir une diaconie (ou service chrétien) plus large et plus libératrice, pour qu'elle devienne un agent de changement et de transformation à tous les niveaux. C'est pourquoi l'Unité IV s'est mobilisée davantage pour aider les Eglises et les groupes qui leur sont rattachés à réfléchir aux causes profondes des problèmes et à trouver les méthodes leur permettant de répondre plus complètement aux besoins des gens. On a décidé de passer moins de temps, pendant les réunions des groupes régionaux, à dresser des listes et à sélectionner les projets à financer, pour en consacrer davantage à l'analyse et à la réflexion. La CESEAR a donc participé moins activement aux projets, mais continué d'établir des listes de projets prioritaires, afin de pouvoir assumer les tâches et poursuivre les objectifs du mouvement oecuménique d'une manière concrète.

La CESEAR a pour but "d'aider les Eglises à manifester leur solidarité en partageant leurs ressources humaines, matérielles et spirituelles et de faciliter ce partage de façon à promouvoir la justice sociale et l'épanouissement de l'être humain, et à alléger les souffrances humaines". A Larnaca, la CESEAR a été priée:

  • d'être ouverte à tous (notamment aux femmes, aux jeunes et aux enfants);
  • d'assumer les responsabilités avec d'autres et de se rendre mutuellement des comptes avec eux;
  • de donner aux gens les moyens d'être autonomes;
  • de se solidariser avec ceux qui luttent pour améliorer leur sort;
  • d'intervenir sur tous les continents où il y a des besoins à satisfaire;
  • d'oeuvrer à la transformation des structures injustes (causes profondes de l'injustice);
  • d'établir des partenariats fondés sur le respect mutuel;
  • de donner aux gens la possibilité de parler d'eux-mêmes et d'échanger des informations; ... "et par conséquent de donner aux Eglises locales les outils nécessaires pour réaliser leur potentiel et apporter des changements positifs dans la vie des personnes et des communautés".

Les participants au colloque de Larnaca ont élargi le concept de diaconie pour y faire entrer d'autres formes d'aide au-delà de l'aide purement matérielle. Si la redistribution équitable de l'argent et des autres ressources matérielles est un besoin qui s'est toujours fait sentir, la nouvelle diaconie, sans que l'on ait négligé cet aspect important des choses, a acquis une portée plus étendue, prenant en compte d'autres besoins, parfois moins évidents. Elle est aujourd'hui centrée sur les communautés locales, tout en restant consciente des liens qui unissent tous les peuples du monde. Elle se veut plus prophétique, dénonçant l'injustice et proposant de nouveaux modèles de partage des ressources. Fondée sur la solidarité, elle s'adresse à tous les marginalisés et elle est assurée principalement par l'intermédiaire de l'Eglise locale, dont le colloque a affirmé qu'elle était le principal agent de ce nouveau concept de service.

L'Escurial 1987
Un an après Larnaca, le COE a organisé un autre colloque mondial à l'Escurial, Espagne. Intitulé "La koinonia: vivre ensemble dans une communauté mondiale", il avait pour thème le partage des ressources. Ce colloque a élaboré des lignes directrices pour une "discipline oecuménique" en matière de partage des ressources. Les participants se sont engagés:

  • à mettre en place un système de valeurs fondamentalement nouveau;
  • à faire participer sur un pied d'égalité tous les marginalisés;
  • à s'identifier aux pauvres et aux opprimés, et à leurs mouvements;
  • à dénoncer et à combattre les causes profondes et les structures de l'injustice;
  • à donner à tous les moyens de se réaliser pleinement;
  • à se corriger et à se rendre mutuellement des comptes;
  • à établir des relations mutuelles;
  • à promouvoir la mission de l'Eglise dans tous ses aspects;
  • à surmonter toutes les barrières entre les différentes religions et idéologies;
  • à s'opposer aux dispositifs internationaux qui privent les peuples de leurs ressources;
  • à transférer le pouvoir de fixer les priorités à ceux qui sont injustement laissés-pour-compte;
  • à faciliter et à encourager le dialogue et la participation;
  • à promouvoir et à renforcer le partage oecuménique.

Comme à Larnaca, les participants au colloque de l'Escurial ont souligné la dimension globale de la mission de l'Eglise, et déclaré artificielle la séparation établie entre besoins spirituels et besoins matériels. Dès lors, ont-ils affirmé, le partage des ressources entre le Nord et le Sud doit être un processus réciproque dans lequel les besoins de la personne tout entière au sein de sa communauté sont pris en compte.

D'Evian à Alexandrie, 1992-1995
C'est lors de la réunion de sa Commission à Evian, France, en 1992, que l'Unité IV a pris conscience de manière vraiment aiguë que le monde était en train de connaître des changements considérables. La Commission a souligné qu'il était nécessaire d'interpréter ces changements dans un esprit prophétique pour que l'Unité IV puisse répondre aux besoins des Eglises et des communautés qu'elles desservent. Il semblait que le monde subissait des bouleversements plus inattendus et plus graves que jamais dans le passé. Il était donc essentiel d'améliorer l'état de préparation et la capacité de réaction de l'Unité. Mais comment intervenir rapidement et avec flexibilité dans les limites des ressources disponibles?

La Commission a admis honnêtement qu'elle avait des doutes. Pour elle, ce qui apparaissait le plus important compte tenu de la situation mondiale était la nécessité de donner aux gens les moyens de combattre la souffrance et l'injustice. Mais étant donné le nombre de problèmes graves, il était extrêmement difficile de n'en choisir que quelques-uns. Il n'existait pas de procédure formelle pour fixer les priorités, de même qu'il "n'y avait pas beaucoup d'organisation dans le monde dans lequel nous travaillons". Parfois les modèles de partage et de service utilisés par l'Unité souffraient aussi de ce manque de cohérence.

Pour essayer de structurer le débat, la Commission a alors décidé, avec les Eglises membres, de s'engager dans une démarche commune d'action-réflexion sur la diaconie, qui permettrait d'élaborer des lignes directrices définissant ce qu'on entend par diaconie aujourd'hui. A l'issue de cette démarche, le Comité central de 1994 s'est vu présenter onze lignes directrices, qui ont ensuite été soumises aux Eglises pour examen et réflexion. Selon la définition proposée, le concept de diaconie présente les caractéristiques suivantes:

a) il donne la priorité aux plus défavorisés;

b) il est fondé sur la réciprocité: ceux qui se mettent au service des déshérités acceptent qu'ils ont besoin, eux aussi, de recevoir, et que ces déshérités ont quelque chose à leur donner;

c) il permet d'agir aux côtés de ceux qu'il prétend servir, et non pas pour eux ou en parlant d'eux, ni en se plaçant au-dessus d'eux;

d) il respecte le point de vue des démunis concernant leurs besoins et la meilleure manière d'y répondre;

e) il accroît le pouvoir de décision des démunis pour qu'ils puissent prendre leur sort en mains;

f) il répond à la détresse immédiate tout en cherchant à comprendre les systèmes qui l'engendrent et l'aggravent, à s'y opposer et à les transformer;

g) il partage les ressources qui favorisent l'épanouissement de la vie;

h) il refuse d'abandonner les démunis, et leur demeure fidèle en dépit de toutes les difficultés;

i) il reconnaît le coût inévitable de son entreprise tout comme ses bienfaits;

j) il est comptable devant tous ceux qu'il sert;

k) sa compassion est sans limites.

Ces lignes directrices ont ensuite été étudiées par les membres féminins de la Commission. Dans leur rapport, intitulé "La compassion est-elle vraiment sans limites?", les femmes ont conclu que ces principes directeurs ne prenaient pas suffisamment en compte l'approche consultative, communautaire qu'elles avaient du service; elles ont également estimé que le langage et le ton de ces lignes directrices évoquaient des modèles de partenariat inégaux et empreints de condescendance dont le colloque de Larnaca avait demandé l'élimination. Elles ont donc récrit les lignes directrices dans la perspective de l'égalité des sexes. Les voici:

La diaconie
a) délivre les gens de l'assujettissement;

b) est fondée sur la réciprocité parce qu'elle répond à nos besoins communs et à ceux qui sont propres à chacun;

c) permet de créer une voie sur laquelle nous pouvons tous cheminer ensemble;

d) donne aux gens le pouvoir de se connaître eux-mêmes et de s'exprimer librement, et leur rend leur dignité;

e) reconnaît que toute communauté a le droit à l'autodétermination, conféré par Dieu;

f) combat l'injustice sous tous ses aspects, par des actions immédiates et à long terme;

g) préserve et partage les ressources qui favorisent l'épanouissement de la vie;

h) entretient et soutient les communautés au lieu de les marginaliser et de les exclure;

i) reconnaît les risques inévitables, inhérents à la volonté de restaurer les communautés par l'apprentissage, que comporte l'acte de donner et de recevoir, de demander et de concéder;

j) nous encourage à être conscients des contradictions qui existent entre nos croyances, nos paroles et nos actions, et nous appelle à une plus grande intégrité;

k) est l'expression de la compassion infinie de Dieu, sans malmener la dignité du serviteur.

Lors de sa réunion suivante à Bangkok, Thaïlande, en 1993, la Commission a atteint une étape décisive, opérant une synthèse des différents éléments qui s'étaient dégagés de l'analyse, de la réflexion et de la pratique au cours des années précédentes. Elle a approuvé et lancé la régionalisation du travail et de l'organisation de l'Unité. Elle a examiné en détail les problèmes particuliers qui se posent aux femmes et aux jeunes et cherché les moyens de les résoudre. C'est aussi la première fois qu'elle a mentionné "le jubilé", et voici en quels termes: "Le concept d'année du jubilé allie les valeurs anciennes des communautés rurales israélites aux dispositions visant à prévenir... le développement de structures asymétriques injustes".

Lors de sa réunion de 1995 à Alexandrie, Egypte, la Commission a étudié et adopté une "Stratégie en vue du jubilé Plan quadriennal 1995-1998". Le personnel avait déjà commencé à appliquer le Plan, dont l'objectif était de doter l'Unité d'une déclaration claire et précise et d'un cadre de travail intégré. Le Plan cherchait à dégager les principes du jubilé biblique et à les appliquer au monde contemporain. Il a redéfini les quatre éléments fondamentaux du mandat de l'Unité et distingué dans le "peuple du jubilé" cinq groupes devant bénéficier en priorité d'actes concrets de solidarité:

1. Besoins et droits des enfants.

2. Besoins et droits des femmes marginalisées et exclues.

3. Besoins et droits des personnes marginalisées économiquement et poli-tiquement.

4. Besoins et droits des personnes déracinées.

5. Besoins et droits des personnes victimes de conflits et de catastrophes.

STRATÉGIE EN VUE DU JUBILÉ 1995-1998

Etude du mandat
Le Programme du COE sur le partage et le service aide les Eglises membres et les institutions d'entraide et organisations oecuméniques qui leur sont liées à

promouvoir la dignité de la personne humaine et la création de communautés viables, en solidarité avec les marginalisés et les exclus.

Pour ce faire,
1. Elle travaille aux côtés des marginalisés et des exclus en vue d'un partage plus équitable des ressources, en essayant de mettre en place des modèles novateurs de coopération internationale et de promouvoir une meilleure compréhension et un plus grand respect de la diversité des ressources (économiques, écologiques, sociales, culturelles et spirituelles) qui sont nécessaires à la création de communautés viables.

2. Elle encourage les actes concrets de solidarité qui reflètent notre engagement en faveur d'un partage plus équitable des ressources, face à l'aggravation de la pauvreté, du déracinement et de l'exclusion, aux niveaux local et régional.

3. Elle encourage la mise en valeur du potentiel local et l'autonomie au sein des communautés, pour que celles-ci puissent redécouvrir et développer leurs propres ressources, et que soient préservés la dignité des personnes et des collectivités et leur droit de décider de leur propre sort.

4. Elle encourage l'organisation de réseaux et d'activités qui soutiennent la cause des communautés déracinées, marginalisées et victimes de conflits et de catastrophes, en veillant à ce qu'elles aient la possibilité de s'exprimer librement à tous les niveaux: local, national et international.

Au cours des dernières décennies, la définition de la notion de partage a fait l'objet d'une réflexion approfondie. En se demandant qui devrait partager quoi et avec qui, dans la perspective de l'oecuménisme et du développement, on en est venu à prendre en compte des approches nouvelles, étant donné surtout la persistance d'inégalités structurelles entre les populations et les régions du monde, malgré tous les efforts déployés pour les éliminer.

Au colloque de l'Escurial, en 1987, Sithembiso Nyoni, du Zimbabwe, a insisté sur la nécessité de considérer les ressources dans leur totalité, de sorte que "nous partagions qui nous sommes, avant de partager ce que nous avons". Le champ d'application du partage s'en trouve aussitôt élargi et la mise en pratique en devient plus difficile. Si la seule ressource à partager est l'argent, la question de savoir qui partage quoi avec qui est relativement simple: les pays riches du Nord distribuent des fonds aux pays pauvres du Sud.

Mais qu'est-ce qu'on entend par partager "qui nous sommes"? D'abord, que nous avons tous quelque chose à partager avec l'autre, car nous sommes tous des personnes; "qui" est chacun de nous. Le partage devient alors un processus dynamique qui peut ou non entraîner un transfert d'argent. Cela suppose aussi que nous partons d'une position d'égalité relative: si nous partageons tous, nous avons tous quelque chose à donner, à recevoir et à apprendre.

A sa réunion de Bangkok, la Commission a parlé dans ce contexte de "résistance symbolique et culturelle": notion et pratique riches de possibilités et de promesses. Cette résistance fait allusion aux convictions et aux pratiques des communautés pauvres et marginalisées qui cherchent à combattre les forces de l'oppression. Comme nous le verrons, les idées et les activités que ces communautés conçoivent pour surmonter leurs difficultés sont remarquablement créatives: elles constituent une bonne partie des espoirs que nous partageons tous pour l'avenir. Si nous considérons ces expressions populaires comme des ressources capables d'amener le changement, il devient évident qu'elles sont destinées à être partagées. Ce type de partage présente encore un autre avantage: il convient particulièrement bien au partage entre ces communautés, autrement dit du Sud au Sud.

De cette façon (et par d'autres moyens aussi), le partage devient une redistribution non seulement des richesses matérielles, mais aussi des ressources psychologiques et spirituelles, et des possibilités. Nous passons ainsi d'une définition simpliste du développement conçu comme une question purement économique, à une interprétation qui accorde une valeur à chacun des aspects de la vie.

En plus de cette réflexion oecuménique sur la signification de la solidarité et du service par le partage juste et équitable de nos ressources, l'Unité a lancé des études visant à suivre et à évaluer l'action concrète. L'étude sur "les raisons et les conséquences de la politique de soutien à des pays sélectionnés" est une analyse approfondie des changements survenus dans la manière dont la coopération pour le développement est menée au sein des partenariats oecuméniques. Cette étude et les discussions qui s'y rapportent reflètent l'importance fondamentale que l'Unité attache à la cohérence et à la viabilité du système de partage oecuménique des ressources de demain. Les changements géo-politiques qui déterminent les politiques des Etats en matière de développement international ont eu une profonde influence sur les possibilités d'action des organisations oecuméniques internationales de dévelop-pement. La nouvelle exigence d'efficacité et les nouveaux critères servant à mesurer les résultats et les succès, ont changé le ton des discussions. Le kairos est donc arrivé: il est temps pour nous d'examiner ensemble comment la conception et la vision communes que nous avons du mouvement oecuménique peuvent et pourront influencer nos méthodes de partage et d'action en vue de promouvoir la dignité de la personne humaine et la création de communautés viables, en solidarité avec les marginalisés et les exclus.

Les structures de partage
La régionalisation de l'Unité répond au besoin de déléguer les responsabilités et le pouvoir. Ce type de partage des tâches s'opère au moyen de six structures principales: les groupes régionaux, les tables rondes, le Secrétariat "réfugiés et migrants", le Programme des bourses, les secours d'urgence par l'intermédiaire de l'Action commune des Eglises (ACT) et l'octroi de crédits par le biais de la Fondation oecuménique pour l'aide aux Eglises (ECLOF).

1. Groupes régionaux. Ceux-ci ont été créés en 1972 par la CESEAR pour définir les besoins des Eglises et fixer des priorités pour le travail oecuménique. L'une de leurs fonctions principales était de présélectionner les projets spécifiques qui leur étaient présentés pour être financés par des Eglises et des institutions oecuméniques d'entraide apparentées. Après les colloques de Larnaca et de l'Escurial, ils ont pour la plupart cessé ce type d'activité pour se consacrer à des analyses approfondies de la situation dans chaque région, y compris la situation oecuménique, afin de faire des recommandations sur les priorités oecuméniques, sur la manière dont les ressources devraient être partagées, et entre qui. Pour ce faire, il est très important que les groupes régionaux soient aussi crédibles et aussi représentatifs que possible. C'est pourquoi ils comprennent actuellement des représentants des Eglises de la région, des agences du Nord, de l'Unité IV, et des réseaux et mouvements oecuméniques. Les organisations oecuméniques régionales (OOR) en font également partie. On s'efforce aussi d'inclure des représentants du "peuple du jubilé" que l'on désire aider, notamment les femmes, les jeunes et les groupes marginalisés. Des mouvements non rattachés aux Eglises sont parfois représentés, de même que des spécialistes de certaines questions particulières. Les groupes régionaux sont chargés de remplir un certain nombre de fonctions importantes, telles que:

  • effectuer une analyse politique et sociale de leur région, et définir le fondement théologique de la diaconie;
  • fournir des lignes directrices et fixer des priorités pour une action pratique;
  • offrir des conseils aux Eglises régionales et à l'Unité IV sur les mesures à prendre et les programmes à exécuter;
  • entreprendre une action, sous la forme de projets prioritaires, par exemple, qui peuvent servir de modèles de stratégies pour essayer de résoudre des problèmes régionaux.

Les groupes régionaux se sont également efforcés de mieux faire connaître leur travail et ont facilité l'échange d'informations entre les régions.

2. Tables rondes. Les tables rondes parrainées par le COE sont des instruments de partage oecuménique de ressources entre des partenaires rattachés aux Eglises; elles ont été créées parce que le projet comme modèle de développement et de financement s'était révélé peu satisfaisant. En effet les projets sont en général de court terme, peu systématiques, sans rapport les uns avec les autres et leur financement n'est pas garanti. En créant des tables rondes, des forums nationaux et en préparant des documents directeurs, on a voulu inscrire les programmes dans le cadre d'une planification plus stratégique. Les bureaux régionaux du COE sont l'instrument idéal pour contribuer à ce style de travail et pour aider les Eglises à réaliser des programmes oecuméniques.

Les tables rondes sont composées de représentants venus du Nord et du Sud des conseils nationaux d'Eglises (CNE), d'institutions de financement, de sociétés missionnaires et du COE. Au début, elles examinaient les programmes et prenaient les décisions concernant leur financement.

Si les tables rondes passent trop de temps à débattre les questions financières et les priorités des CNE (plutôt que celles des Eglises représentées par les CNE), elles peuvent perdre la vision d'ensemble qu'elles sont censé présenter. Toutefois, en réorientant leur rôle et en assumant une fonction animatrice plutôt qu'opérationnelle, elles sont devenues un instrument influent et très apprécié de tous les partenaires.

3. Service "réfugiés et migrants". Au cours des sept années écoulées, un mécanisme systématique de partage des ressources a été élaboré en concertation avec les partenaires du Secrétariat "réfugiés et migrants" (SRM) du COE. Ce mécanisme repose sur la coordination des activités en matière de politiques, de programmes et de partage des ressources. Les groupes régionaux de travail existants composés de membres d'Eglises et de spécialistes ont été renforcés, et d'autres ont été créés. Ils sont chargés d'analyser les besoins et de fixer les priorités de l'action oecuménique dans presque toutes les régions du monde. Plusieurs d'entre eux participent directement à la formulation de recommandations sur le partage des ressources, qui sont présentées ensuite au COE. Ce réseau mondial de groupes spécialisés permet au SRM d'effectuer le partage de ressources matérielles ou autres sur la base d'une évaluation globale des besoins et des priorités dans le monde et dans les régions. Au niveau régional, le partage des ressources s'appuie sur un système d'échange de points de vue, interrégional et mondial, qui facilite la coordination et la coopération entre les partenaires. Le progrès et l'utilisation de l'expérience oecuménique sur des questions spécialisées dépendent de ces liens entre l'élaboration des politiques et le financement.

4. Bourses. Les bourses du COE sont destinées à des candidats travaillant pour les Eglises ou des organisations qui leur sont liées. Elles ont pour but de mettre en valeur les ressources de ces organisations et d'encourager la formation de leur personnel. Etant donné qu'elles sont considérées comme faisant partie du partage oecuménique des ressources, on attend des candidats qu'ils apportent une contribution importante au développement des relations et de la compréhension entre les diverses Eglises et dénominations.

Le Programme des bourses s'appuie sur un réseau de 160 correspondants nationaux qui travaillent avec des comités nationaux des bourses, lesquels sont responsables de la sélection des candidats. Ils veillent à ce que les demandes dûment remplies parviennent au COE, et aident les boursiers à faire les démarches nécessaires avant leur départ.

5.Action commune des Eglises (ACT). ACT-International est un réseau oecuménique mondial créé en 1995 pour améliorer le partage des ressources et des compétences et la coopération lors des interventions d'urgence. En 1996, les secours d'urgence fournis par le réseau de l'ACT se sont montés à 32 millions USD: 20 millions USD pour l'Afrique; 3,9 millions USD pour l'Asie-Pacifique; 5,6 millions USD pour l'Europe; 1 million USD pour l'Amérique latine et les Caraïbes; 1,2 million USD pour le Moyen Orient.

6. Fondation oecuménique pour l'aide aux Eglises (ECLOF). Ce système oecuménique de crédit oeuvre pour la dignité et l'autonomie des personnes, en offrant des prêts à des taux d'intérêt modestes, remboursables en monnaie locale, aux Eglises et aux communautés les plus marginalisées et les plus exclues. L'ECLOF a beaucoup évolué au cours des sept dernières années: elle a notamment amélioré considérablement l'efficacité des instruments nationaux de partage que sont ses comités nationaux.

Solidarité, encouragement de l'autonomie et promotion des droits
Actes concrets de solidarité. La solidarité ne peut s'exprimer qu'entre des personnes. Partager les croyances, les valeurs et les aspirations des autres, c'est déjà manifester une certaine forme de solidarité, mais si celle-ci ne se traduit pas par des actes concrets, elle ne sert pas à grand-chose. Le rôle de l'Unité IV dans son ensemble a évolué: elle est devenue de plus en plus un animateur, qui encourage (pour citer le texte de son mandat) "des actes concrets de solidarité qui reflètent notre engagement en faveur d'un partage plus équitable des ressources, face à l'aggravation de la pauvreté, du déracinement et de l'exclusion, aux niveaux local et régional".

Par tradition, on considérait que les "actes concrets de solidarité" de l'Unité IV consistaient à réunir et à distribuer des fonds au moyen de divers systèmes de partage des ressources. Cependant son personnel et ses partenaires sont arrivés à la conclusion que faciliter la prise d'initiatives concrètes et efficaces par les Eglises partout dans le monde devait être l'aboutissement de toutes les activités interdépendantes qu'elle entreprend partage des ressources, mise en valeur du potentiel local, collecte d'informations et analyse, création de réseaux et promotion des droits des plus défavorisés.

Mise en valeur du potentiel local et encouragement de l'autonomie. L'une des tâches prioritaires du COE a toujours été d'aider les communautés à mettre en valeur leur potentiel, en offrant des cours de formation, en partageant l'information, et en fournissant des analyses et en favorisant les échanges internationaux. Pour ce faire, le COE a conçu des programmes, comme le Programme oecuménique des bourses, qui, pour beaucoup de gens, restent le principal moyen d'accès à la vie oecuménique. En 1994, par exemple, on a accordé 275 bourses (66% à des hommes et 34% à des femmes). L'objectif est d'augmenter le nombre de bourses octroyées à des femmes.

Ce sont souvent les groupes régionaux et les tables rondes qui recensent les besoins des Eglises et des communautés en matière de formation. Tel a été le cas en avril 1997, où une réunion de travail tenue à Freetown, en Sierra Leone, à la demande du groupe régional pour l'Afrique, a contribué à l'élaboration d'une stratégie de formation des femmes dans leurs pays respectifs et dans toute la région. Cette réunion, à laquelle participaient cinq pays, était le fruit de la collaboration entre le Bureau de l'Afrique et le Programme des bourses; elle illustre le changement de direction de l'Unité, qui se concentre désormais sur une planification et une programmation plus stratégiques et plus systématiques, plutôt que sur des projets et des bourses individuels.

Pendant la période écoulée, la formation de personnels locaux qui puissent faire face sur place aux situations d'urgence a représenté une part considérable du travail des bureaux régionaux. L'aide humanitaire étant devenue une tâche toujours plus lourde et s'étant internationalisée, il devenait de plus en plus important que le COE soutienne les Eglises et les populations locales afin qu'elles puissent y jouer le rôle distinctif qui leur revient. Dans les situations d'urgence, où il est nécessaire d'offrir des services de conseils, et d'essayer de réconcilier et de reconstruire une communauté, il est évident que la participation active des Eglises locales doit être fortement encouragée.

Parallèlement à la mise en valeur du potentiel local, la formation à l'oecuménisme est de plus en plus nécessaire. On a donc organisé des ateliers régionaux et mondiaux, réunissant des responsables d'Eglises et des personnalités oecuméniques ainsi que du personnel des agences oecuméniques internationales. Pour ces agences, on a élaboré un programme d'études qu'elles pourront utiliser pour former leurs nouveaux collaborateurs ou les personnes qui connaissent mal le mouvement oecuménique et ses objectifs. Dans les régions, on met l'accent sur l'autonomie et le renouvellement des responsables, qui sont perçus comme conditionnant l'avenir du mouvement.

Enfin, l'Unité a cherché à définir et à promouvoir des lignes directrices sur la parité hommes/femmes dans les activités de partage et de service, car elle est consciente que c'est là une manière nouvelle de concrétiser la vision d'une communauté fondée sur la dignité mutuelle et l'égalité entre les hommes et les femmes.

Réseaux d'action et promotion des droits. Ces deux éléments du mandat de l'Unité relient le local et le mondial. Le travail en réseaux permet que des communautés, par ailleurs complètement différentes mais préoccupées par la même question, puissent apprendre à se connaître. Le travail de promotion des droits établit des liens entre des problèmes spécifiques et leurs diverses manifestations à l'échelon local, et les institutions internationales et les organes de décision à l'échelon mondial. Les groupes marginalisés sont par définition exclus de la prise des décisions qui affectent leurs vies. Les décisions politiques et économiques se prenant maintenant à l'échelon mondial, il est devenu presque impossible de découvrir qui est responsable de nombreuses mesures qui touchent les populations locales dans leurs environnements locaux. Si l'on veut que l'Eglise soit entendue, il faut absolument qu'elle intervienne auprès des instances responsables de la détermination et de l'examen des politiques nationales et internationales.

Pour être efficace, le travail de promotion des droits doit se faire aux niveaux local, national et international. A l'échelon local, cela consiste à donner à des groupes et à des communautés la possibilité d'exprimer leur opinion et d'influencer les décisions des autorités locales, de façon à améliorer les circonstances immédiates dans lesquelles ils vivent. Sur le plan national, il s'agit d'encourager et de soutenir les organisations nationales et oecuméniques liées aux Eglises dans leur défense des droits des défavorisés, et parfois d'appeler les responsables d'Eglises à intervenir dans le débat national. Au niveau international, il s'agit de chercher à influencer les organisations oecuméniques, les institutions intergouvernementales et les Nations Unies. La mondialisation a sérieusement réduit la capacité des gouvernements de remplir cette fonction, d'où l'importance des efforts du COE.

Cette approche globale de la promotion des droits exige un suivi et une évaluation très minutieux. Pour être le plus efficace possible, il faut qu'elle soit planifiée et coordonnée. Elle doit être adaptée en fonction de l'expérience et des résultats obtenus. Par-dessus tout, il faut qu'elle soit conforme à l'éthique: la défense d'une cause ne doit pas mettre de vies en danger. Beaucoup d'Eglises sont, par exemple, vulnérables à la persécution parce qu'elles sont minoritaires ou parce que le pays est gouverné par un régime oppresseur. Dans d'autres cas, les Eglises sont proches du pouvoir, ou jouissent de divers privilèges accordés par l'Etat. Les deux situations présentent des défis et des dangers évidents.

La sensibilisation de l'opinion étant l'un des aspects du travail en réseaux et de la promotion des droits, il est nécessaire de faire un usage approprié et professionnel des médias. Cela suppose que l'on communique à la fois les signes d'espoir et les sujets de préoccupation. Toutes les bonnes choses qui ont été et sont encore réalisées dans le monde, toutes les choses qui ont amélioré les conditions de vie de millions de gens doivent être présentées comme des exemples et des modèles de ce qui est possible. De telles initiatives sont des signes de foi et d'espérance.

Les campagnes internationales sont parfois le moyen le plus efficace d'attirer l'attention de l'opinion sur des problèmes graves qui ont une importance mondiale et de provoquer des changements dans la politique internationale. Ces dernières années, avec ses Eglises membres, le COE a lancé plusieurs campagnes importantes, ou y a participé. Chaque fois, le moteur en a été un engagement total en faveur du peuple du jubilé: femmes, enfants, personnes déracinées et personnes marginalisées politiquement et économiquement.

Dans le cadre des réseaux d'action et de la promotion des droits, la solidarité s'est exprimée auprès de cinq catégories de personnes défavorisées:

1. Solidarité avec les personnes marginalisées politiquement: en collaboration avec les Eglises, action menée contre les essais nucléaires dans le Pacifique. La reprise des essais nucléaires par la France en 1995 à Moruroa et à Fangataufa a provoqué surprise et déception dans le monde entier, mais surtout dans le Pacifique. Le Bureau du Pacifique et le Secrétariat de l'information de l'Unité IV ont réagi énergiquement, coordonnant les actions entreprises, recevant et diffusant des informations, produisant de la documentation (cartes postales, document de témoignages et affiche), et participant à toute une série de réunions en Europe ainsi qu'à des manifestations et des interviews à Genève pour protester contre les essais. Le réseau Solidarité Europe-Pacifique (SEP) a joué un rôle important dans cette campagne. Le rapport soumis par l'Unité IV au Comité central du COE en septembre 1995 a marqué le point de départ d'un projet de recherche concernant les effets des essais nucléaires sur la santé et le bien-être des habitants de la Polynésie française. En octobre 1997, le SEP a publié un document intitulé Moruroa et nous Expériences des Polynésiens au cours des 30 années d'essais nucléaires dans le Pacifique Sud. Parmi les faits rapportés dans ce document, citons par exemple celui-ci: 6% des travailleurs polynésiens étaient âgés de 16 ans et 10% en avaient 17 ou moins lorsqu'ils ont commencé à travailler sur les sites d'essais nucléaires français. Dès la publication de ce rapport, les réactions se sont répercutées dans le monde entier, spécialement en France, en Polynésie française et dans les autres îles du Pacifique.

2. Solidarité avec les personnes marginalisées économiquement: action menée pour obtenir l'annulation de la dette des pays les plus pauvres d'ici à l'an 2000. Le COE, les Eglises et les organisations qui leur sont rattachées considèrent depuis longtemps que l'une de leurs tâches primordiales est d'aider à combattre les effets de l'endettement sur les pays les plus pauvres. Une analyse du système financier international, effectuée par le Groupe consultatif du COE sur les questions économiques, avait déjà servi de base à une déclaration du Comité central sur l'endettement en 1985, et en 1989 le COE avait aidé à organiser à Berlin une réunion d'information-débat sur le développement et la question de l'endettement. Plus récemment, le Conseil a procédé à une analyse de la crise de l'endettement dans le contexte de la tradition du jubilé.

En septembre 1997, le Comité central a demandé la mise en place d'un plan commun d'action oecuménique sur la question de l'endettement pour appuyer le travail du COE dans le domaine de la mondialisation, des mouvements sociaux et de l'exclusion. Le Comité central a recommandé que le COE aide les Eglises membres, en coopération avec leurs partenaires oecuméniques, (1) à élaborer un plan d'action oecuménique pour préconiser la remise de la dette extérieure des pays les plus pauvres d'ici à l'an 2000, et (2) à collaborer, dans le cadre de ce plan, à la rédaction d'une déclaration commune qui sera soumise à l'approbation des Eglises lors de l'Assemblée d'Harare.

Les Eglises et les organisations apparentées ont également effectué des recherches, exercé des pressions et mené des campagnes pour mobiliser l'opinion publique et les gouvernements sur cette question. On a organisé un colloque dont les participants ont été chargés de préparer une déclaration qui sera soumise à l'Assemblée pour discussion et d'élaborer un plan d'action oecuménique et une stratégie permettant de créer un mécanisme qui préviendrait la réapparition du cycle de l'endettement. Cette démarche s'appuiera sur l'échange des expériences entre les Eglises et les organismes.

3. Solidarité avec les enfants: action menée pour la défense des droits et de la dignité des enfants. Depuis 1990, le Bureau de l'Amérique latine et des Caraïbes travaille avec le Conseil des Eglises d'Amérique latine et le Conseil national des Eglises du Christ des Etats-Unis à l'établissement d'un réseau d'enfants marginalisés. A l'origine, ce réseau avait été formé par des groupes d'enfants et d'adultes travaillant avec des enfants qui vivent dans des zones généralement non desservies par les Eglises. Les enfants y sont souvent victimes de violences; au Brésil, par exemple, les enfants des rues sont parfois la cible des "escadrons de la mort" de la police lors de leurs opérations de "nettoyage des rues"; autre exemple, en République dominicaine, il arrive que les Haïtiens qui sont expulsés vers Haïti laissent leurs enfants dans le pays.

Inspirée par l'expérience de l'Amérique latine et par ses liens avec d'autres initiatives en faveur des enfants dans d'autres régions, l'Unité IV s'est engagée dans la défense des droits des enfants marginalisés. Elle a pour objectif de soutenir les enfants qui cherchent à faire respecter leurs droits, et d'aider les Eglises à se solidariser avec eux. Pour ce faire, il était essentiel de créer un réseau oecuménique mondial d'enfants.

En mai 1996, à l'occasion d'un colloque tenu à Genève, on a invité neuf enfants venus de cinq continents. Ces enfants, qui font preuve d'un courage et d'une lucidité extraordinaires, ont décrit d'une manière très explicite les problèmes des enfants des rues travail et exploitation sexuelle, par exemple. Le COE est quasiment la seule organisation à encourager une participation aussi directe des enfants à son action en leur faveur et à reconnaître qu'ils ont un rôle de premier plan à jouer dans la recherche d'une solution à leurs problèmes.

Un deuxième colloque s'est tenu au Brésil en 1997. Plus de trente enfants et jeunes se sont joints aux adultes, représentant au total 25 pays. Les participants ont adopté un plan d'action exposant les étapes du développement du réseau, jusqu'à l'Assemblée et au-delà.

4. Solidarité avec l'étranger: action menée pour proclamer 1997 Année oecuménique de la solidarité des Eglises avec les personnes déracinées. Face à l'urgence de la situation des réfugiés, des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays et des migrants dans le monde entier, le COE a publié un nouveau document d'orientation, qui a été adopté par le Comité central en septembre 1995, sous le titre: "Un choix à faire: prendre le risque de se solidariser avec les personnes déracinées". Ce document est le résultat de dix-huit mois de consultations et de dialogue menés par le SRM avec les Eglises membres et leurs agences dans le monde entier, beaucoup d'entre elles ayant présenté les conclusions des consultations qu'elles avaient organisées elles-mêmes avec leurs membres.

En plus du document d'orientation, le Comité central a également adopté deux résolutions sur son application: les Eglises étaient invitées à proclamer l'année 1997 "Année oecuménique de la solidarité des Eglises avec les personnes déracinées", et les paroisses locales à récolter des signatures pour protester contre la fabrication des mines anti-personnel et exiger la destruction immédiate des mines existantes.

Le lancement de l'Année oecuménique a eu lieu en mars 1997 à Genève, à l'occasion de la réunion annuelle du Réseau oecuménique mondial sur les personnes déracinées. Les Eglises ont réagi avec enthousiasme; plusieurs ont décidé de prolonger la campagne jusqu'en 1998, réaffirmant ainsi l'engagement oecuménique en faveur des millions de réfugiés, de personnes déplacées et de travailleurs migrants. Relançant le débat sur le sens de l'expression "l'Eglise de l'étranger", elles ont examiné quelles actions il leur faudrait entreprendre pour exprimer concrètement leur solidarité avec les personnes déracinées et avec leurs partenaires.

Dans le cadre de la Campagne internationale contre les mines terrestres, le COE a récolté des signatures et collaboré avec la Fédération luthérienne mondiale pour sensibiliser l'opinion à la nécessité d'interdire ces armes qui blessent et tuent civils et militaires sans distinction; il a également soutenu la participation des Eglises à cette campagne.

5. Solidarité avec les femmes: action menée pour renforcer les capacités des femmes, sur la base de l'égalité entre les sexes. L'Unité IV a accordé une attention particulière aux efforts déployés par le COE dans ce domaine, notamment pendant la Décennie oecuménique de la solidarité des Eglises avec les femmes, afin de mieux faire connaître les besoins, les capacités et le potentiel des femmes lors de l'allocation de ressources à la promotion des droits, au développement et aux communications.

Comme nous l'avons mentionné plus haut, le Programme des bourses s'est efforcé d'encourager les candidatures des femmes. Il a introduit récemment des bourses de durée plus limitée et les études Sud-Sud, ce qui est particulièrement intéressant pour les femmes que les responsabilités domestiques traditionnelles empêchent de s'absenter longtemps de leur foyer et par conséquent d'envisager une formation.

Au niveau international, le SRM a été l'un des membres fondateurs du Groupe de travail international non gouvernemental qui a organisé le premier colloque sur les femmes réfugiées (1989); les pressions exercées par ce colloque ont abouti à la création en 1991, au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, d'un bureau spécial chargé des besoins des femmes réfugiées.

Lors de la réunion de la Commission de l'Unité IV, en 1993, les participants ont reconnu qu'il existait encore un écart entre les engagements professés en faveur des femmes, et l'action pratique. Depuis, dans le cadre des groupes régionaux, tous les bureaux ont passé en revue leur travail avec les femmes, et se sont efforcés de traduire ces engagements dans toutes les tâches entreprises.

Afin de remédier à l'inégalité entre les hommes et les femmes qui persiste dans le travail de l'Unité, la Commission a décidé, lors de sa réunion suivante à Alexandrie en 1995, de placer les besoins et les droits des femmes marginalisées et exclues sur la liste des cinq tâches prioritaires de l'Unité. Elle a reconnu que la solidarité avec les femmes du jubilé exige qu'elles ne soient pas laissées seules responsables du changement, et qu'on n'isole pas leurs problèmes sous la rubrique "questions et projets concernant les femmes". Elle a donc recommandé à l'Unité d'adopter dans son travail une approche qui prenne en compte l'égalité des hommes et des femmes.

Pendant six mois, tout le personnel de l'Unité a examiné les conséquences de cette approche sur son travail. Un groupe de travail sur la promotion des droits des femmes a produit une série de lignes directrices intitulées "Lignes directrices sur les rapports sociaux entre hommes et femmes: nourrir la spiritualité dans le partage et le service". L'approche, fondée sur les rapports sociaux hommes/femmes qui a inspiré ces lignes directrices, est centrée sur la conception que le plan de Dieu pour l'humanité est manifesté dans son amour salvateur, qui renouvelle la création tout entière, dont les femmes et les hommes participent pleinement.

Les lignes directrices ont été préparées afin d'aider les bureaux et secrétariats de l'Unité IV à soulever des questions sur l'égalité entre hommes et femmes dans leur travail quotidien, et dans leurs relations avec leurs partenaires régionaux et locaux. Elles s'appliquent également à la détermination de la politique générale et à la planification, de même qu'au suivi et à l'évaluation des projets.

ENSEIGNEMENTS ET ORIENTATION FUTURE

Entre la fin de 1996 et le milieu de 1997, l'Unité IV a entrepris un long travail d'évaluation, s'efforçant d'examiner de manière concertée les activités réalisées par l'Unité dans son ensemble, et par chacun de ses groupes de travail individuellement, afin d'établir des priorités pour l'avenir.

Elle a réaffirmé son attachement aux valeurs contenues dans la déclaration sur sa vision, et y a ajouté les éléments suivants:

  • réflexion interne sur le travail des six dernières années;
  • réactions de la part d'une grande diversité de partenaires (Eglises, organisations diaconales, agences internationales partenaires, membres de groupes régionaux, membres de commissions, ACT, ECLOF, et organisations non gouvernementales internationales);
  • examen et critique des structures internes qui supportent le travail de l'Unité;
  • recensement des forces et des faiblesses, en collaboration et en consultation avec d'autres unités.

Un petit comité composé de membres du personnel et de consultants a préparé un questionnaire demandant aux partenaires de faire connaître leur opinion sur des sujets comme le mandat de l'Unité et les questions de relations: on les invitait également à envoyer leurs commentaires sur les limites auxquelles se heurte l'Unité dans son travail, sur les attentes non satisfaites, et sur les priorités à fixer pour l'avenir.

Le partage équitable des ressources
Pendant cette période, on a assisté à un renforcement considérable des réseaux et des plate-formes en vue de la planification et de l'action communes et du partage des ressources. Au niveau mondial, la création du réseau des directeurs des agences a été très appréciée de ces dernières, et l'on espère que ce système sera développé au cours des prochaines années pour devenir un espace de discussion et de collaboration entre le COE et les diverses agences sur toutes sortes de sujets relatifs au partage, à la solidarité et à la justice.

Sur le plan régional, les groupes régionaux ont abandonné leur rôle dans la sélection des projets pour se consacrer à l'analyse décisionnelle et au dialogue. Ils ont cherché à promouvoir la coopération entre les partenaires et les réseaux oecuméniques toujours plus nombreux, et à favoriser un climat propice à la critique et à l'encouragement réciproques. On espère qu'à l'avenir le rôle de plus en plus important de ces groupes profitera au Conseil dans son ensemble.

Les tables rondes ont fait l'objet d'un examen approfondi, et on est actuellement en train de les réactiver systématiquement. On pense qu'elles croîtront en nombre et en importance, tant que le COE pourra assurer que les résultats obtenus sont durables. Les critères établis pour mesurer leur qualité et leur efficacité sont clairement exposés dans les lignes directrices oecuméniques sur les tables rondes.

Actes concrets de solidarité
Le travail du COE est connu dans le monde entier parce qu'il est concret. En soutenant et en accompagnant les Eglises et les groupes locaux, le Conseil s'efforce de changer réellement les choses. L'évaluation a permis de quantifier ce travail et de donner une idée de son envergure et de son impact.

De plus en plus, le rôle du COE consiste à favoriser la formation de réseaux qui permettent à divers acteurs, locaux et internationaux, de coordonner leurs efforts et d'exercer la plus forte influence possible. La fonction du COE est d'être porteur d'une vision et de communiquer des valeurs et des méthodes de travail qui garantissent que le moteur d'une action concrète ne soit ni l'argent ni les idées des bailleurs de fonds. Ce rôle n'est toutefois pas seulement administratif. Il faudra qu'à l'avenir le COE explique plus en détail comment il se propose de remplir avec succès cette fonction d'animateur. La création de réseaux solides et efficaces, comme l'ACT et l'ECLOF, et d'instruments de prise de décisions et de partage, comme les groupes régionaux et les tables rondes, représente un pas important dans cette direction.

Mise en valeur des compétences locales et formation à une approche oecuménique
Cet élément du travail du COE revêt une importance de plus en plus grande pour ses membres. C'est l'un des points centraux de son activité future. Dans chaque cas, les partenaires interrogés ont déclaré trouver cet aspect du travail motivant et utile. Voici ce que l'un d'eux a écrit: " Grâce à l'apport et au soutien de l'Unité IV, un certain nombre de conseils chrétiens ont été soumis à des évaluations, qui les ont incités à changer de cap' et à adopter de nouvelles stratégies qui ont rehaussé l'image et le succès des conseils en Afrique de l'Ouest".

Tous les bureaux régionaux ont offert des cours de formation, en général sous la forme d'ateliers. Cette formation, notamment dans le domaine de la planification des projets et de la gestion, est destinée principalement aux organisations oecuméniques régionales, aux conseils nationaux d'Eglises, aux partenaires des tables rondes, aux ONG liées aux Eglises et aux institutions d'entraide locales. En Amérique latine, une série d'ateliers sur l'éducation populaire a conduit à la création d'un réseau régional qui offre maintenant un espace de réflexion à plus de 50 groupes et Eglises rattachés au bureau régional.

Un autre domaine dans lequel la formation du personnel local est particulièrement importante est la préparation aux situations d'urgence. Toutes les régions, le Pacifique, l'Asie, l'Amérique latine, les Caraïbes et l'Europe, ont organisé des ateliers à cet effet, souvent conjointement avec l'ACT.

Conscientes de la nécessité d'éviter des situations de dépendance, de nombreuses régions ont commencé à promouvoir l'octroi de crédits comme source possible de financement. Pour certaines régions, comme l'Afrique, cela représente un énorme changement par rapport à la méthode des dons. Depuis plusieurs années déjà l'ECLOF est l'instrument choisi pour promouvoir cette idée.

La formation à un style de travail oecuménique est devenue une priorité urgente au cours des sept dernières années. En effet dans bien des situations, il existe une méconnaissance et une incompréhension de "l'approche oecuménique", dues à l'arrivée d'une nouvelle génération de responsables d'Eglises, à l'évolution et à la laïcisation des mandats au sein des organismes oecuméniques rattachés aux Eglises, et, au niveau local, à une hésitation à penser oecuméniquement plutôt que confessionnellement.

Réseaux d'action et promotion des droits
Les réseaux soutenus par l'Unité IV revêtent des formes différentes. Certains sont permanents, et leur activité est directement liée au mandat et au travail des équipes de personnel. Le Réseau oecuménique mondial sur les personnes déracinées en est un bon exemple: il a été créé par le COE conjointement avec les Eglises membres et leurs organisations oecuméniques, et son fonctionnement est assuré par le secrétariat de Genève. C'est également le cas pour le Réseau oecuménique mondial sur les enfants.

Ce Réseau, nouvellement créé, ne sera probablement pas une structure permanente du COE. Ses objectifs initiaux sont modestes et à court terme. Le soutien et les services fournis par le COE seront graduellement remplacés par une structure autonome.

Les réseaux qui ont un rapport direct avec les activités de partage des ressources, c'est-à-dire les groupes régionaux, les tables rondes, l'ACT et l'ECLOF, ont un caractère plus permanent et sont un outil de travail et de coopération essentiel pour le personnel de Genève. Ce sont en fait des structures hybrides, composées d'organismes représentatifs (tels que des comités ou des groupes consultatifs) élus par les organes directeurs du COE (et d'autres), et de réseaux de personnes ou de groupes qui se réunissent volontairement pour collaborer.

Malgré la définition assez lâche du terme, le mot "réseau" exprime bien le caractère dynamique du travail qui s'y fait. Les structures ne sont pas rigides; au contraire, elles évoluent suivant les changements de contextes et de besoins. Cette flexibilité est parfaitement compatible avec le système et le style de travail futurs du COE.

La clé du succès, dans tous ces réseaux, est la communication et l'établissement de relations. Sans confiance réciproque ni volonté de se rendre des comptes, il ne peut y avoir de relations, et sans un échange franc et systématique d'informations et d'idées, on ne peut pas accomplir grand-chose. C'est pourquoi, si les lignes directrices sur le partage oecuménique des ressources, dans leur formule actuelle, sont quelque peu dépassées, il nous appartient d'en élaborer sans tarder de nouvelles qui seront plus appropriées.



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