N° 3
Novembre 2006

Chers frères et sœurs en Christ,

« A vous grâce et paix de la part de Dieu le Père et du Seigneur Jésus Christ. » (2 Thessaloniciens 1,2)

L'Avent est là. Le terme « Avent » vient des mots latins advenire : arriver quelque part, et adventus : une arrivée ; il se réfère à la venue du Christ en ce monde. C'est la période de l'année au cours de laquelle l'Eglise demande aux fidèles de se préparer à la célébration de la fête de Noël, l'anniversaire de la naissance de Jésus Christ, de sa venue en ce monde. Il est tout à fait approprié que le mystère de ce grand jour ait l'honneur d'être préparé par la prière et des œuvres de pénitence.

Ce qui est au cœur de l'Avent, et qu’exprime la liturgie de ce temps, ce n’est pas seulement la première venue du Christ ; c’est aussi, et peut-être surtout, sa seconde venue, lorsqu'il reviendra pour juger le monde.

Nous sommes très heureux de publier dans ce numéro de notre Lettre œcuménique sur l'évangélisation un article intitulé «Evangéliser, c’est aussi innover», écrit par l'un de mes prédécesseurs au Conseil œcuménique des Eglises, le pasteur allemand Gerhard Linn. De Berlin-Est, il nous fait part de quelques réflexions sur des manières originales de proclamer d'une manière œcuménique la bonne nouvelle de l'Evangile de Jésus Christ, en soulignant l'importance de la participation active au sein de la communauté locale : «La participation, dit-il, est un mot clé pour communiquer l'Evangile dans notre situation». Nous sommes reconnaissants au pasteur Linn de nous faire partager ses réflexions intéressantes et utiles.

Ce numéro de la Lettre sera le dernier que je publierai puisque je vais changer de poste et de rôle aux COE, pour travailler dans les domaines de la spiritualité œcuménique et des relations avec les régions de l'Amérique latine et des Caraïbes. J'en profite pour remercier Dieu qui m'a demandé de le servir dans le domaine passionnant de l'évangélisation, et pour vous remercier, vous aussi, toutes et tous, de votre soutien, de vos prières et de vos encouragements.

Nous prions pour que ce temps de l'Avent soit une occasion de renouveler notre engagement au service du Seigneur et pour proclamer à nouveau le message du Royaume – un message toujours actuel et toujours source d'espérance.

Evangélistiquement vôtre

Carlos Emilio Ham (cah@wcc-coe.org)
Chargé du programme « Evangélisation » du COE


Evangéliser, c’est aussi innover

Je vous écris cette lettre de Berlin-Est, c'est-à-dire de cette partie de l'Allemagne qui a passé 40 ans sous le régime communiste. L’une des séquelles de cette période, qui se fait sentir aujourd’hui encore, seize ans après l'effondrement de ce système, c’est la déchristianisation presque totale de la société dans ce que nous appelons les «nouveaux» Etats fédéraux : on constate en effet que 80% environ de leurs habitants n'appartiennent à aucune Eglise ou n'ont aucun rapport avec la religion. Les gens ignorent presque complètement tout ce qui est en rapport avec la Bible au point que, lorsqu'on leur demande : «Qui était Jésus ?», la plupart ne savent pas que répondre.

Il n’y a là rien de nouveau. Dans les années 1970, mon fils était à sa première année d'école. Un jour, sa maîtresse, qui, dans cette école, était également la secrétaire du Parti socialiste uni alors au pouvoir, a parlé aux enfants de la vie de Lénine car on allait célébrer son centième anniversaire. A un moment, elle leur a parlé du frère de Lénine, un anarchiste qui a participé à une tentative d'assassinat contre le tsar, à la suite de quoi il fut arrêté, jugé et exécuté. Un enfant demanda : «Qu'est-ce que ça veut dire : exécuter ?» Avant que la maîtresse ne puisse répondre, mon fils s'est levé et a dit : «Je sais ce que c'est. C'est comme Jésus. Lui aussi a été exécuté, il a été crucifié.» Un autre enfant se leva et demanda : «Mais qui c’était, Jésus ? C'était aussi un frère de Lénine ?» Malgré ses convictions communistes et athées, la maîtresse fut choquée de constater qu'aucun de ces enfants n'avait jamais entendu parler de Jésus, et elle nous a ensuite raconté cette histoire.

Au sein du mouvement œcuménique mondial, nous nous réjouissons d'apprendre que les Eglises chrétiennes sont en pleine croissance en Chine et en Afrique subsaharienne, et nous nous étonnons de voir à quel point les Eglises pentecôtistes se développent en Amérique latine ; mais, si nous entendons parler d'une renaissance de la religion dans certains pays d'Europe, nous constatons chez la majorité des habitants de notre pays une sorte d'immunité contre tout ce qui a goût de religion, un manque total du sens du transcendant. Dans ces conditions, les formes traditionnelles d'évangélisation fondées sur des concepts bibliques tels que le péché, la rédemption et le pardon ne «parlent» pas à des gens pour qui ces termes ont, tout au plus, un sens très dilué et sécularisé. Comment malgré tout apporter l'Evangile aux gens qui nous entourent d'une manière qui, du moins, les incitera à prendre le temps de réfléchir ?

Depuis 40 ans, nous vivons dans la banlieue est de Berlin, dans un lotissement relativement isolé en bordure de la forêt. De ce fait, tous les voisins se connaissent. Sur les dix familles qui vivent là, nous sommes les seuls à appartenir à l'Eglise. C'est ainsi qu'il en était il y a 40 ans et c'est ainsi qu'il en est aujourd'hui, même si plusieurs de ces voisins sont morts, sont partis ou ont été remplacés. Un jour d’automne, nous avons invité nos trente voisins à un repas à la fortune du pot dans notre jardin. Ils ont tous accepté. Une famille a dressé un grand auvent pour nous abriter de la bruine, une autre a apporté des tables et des chaises pliantes. Nous nous sommes demandé, ma femme et moi, comment leur souhaiter la bienvenue : il n’était pas question de les inviter à dire les grâces. A la fin, ma femme a eu une bonne idée : elle déclara à nos invités que, en tant que chrétiens, nous disions régulièrement le Notre Père, dans lequel se trouve la demande : « Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien » ; puis elle a ajouté que, lorsqu'il a expliqué cette requête, Martin Luther a dit que les «bons voisins» faisaient partie de notre «pain quotidien» et que nous, en tant qu'hôtes, nous étions ravis de les avoir tous comme « bons voisins » : pour nous, c’était un don de Dieu, dont nous lui étions très reconnaissants. Mais ce ne fut là qu'une modeste tentative.

Au cours de ce repas, une de nos voisines nous a raconté que, par l’intermédiaire d'une amie qu'elle avait dans un autre quartier, elle faisait désormais partie d'un chœur de gospels et qu’elle aimait beaucoup y chanter. A l’époque, ce chœur préparait un concert de Noël, et elle nous a tous invités à aller l’écouter. Et c'est ainsi que, une dizaine de semaines plus tard, nous et plusieurs de nos voisins avons assisté à ce concert, donné dans l'église catholique romaine de Berlin-Karlshorst. La joie de chanter dans ce chœur avait permis à notre voisine d'entrer en contact avec le message de Jésus, le Sauveur de l'humanité.

A mon avis, la participation est un mot clé pour communiquer l'Evangile dans notre situation. Je me suis tout à coup rappelé que, dans un livre collectif dont j'ai dirigé la publication en 1999, qui donnait des exemples d'initiatives missionnaires prises par des paroisses, il y avait un article écrit par un pasteur sur un chœur de gospels à Eberswalde, petite ville au nord de Berlin. Je le cite :

Par tradition, l'Eglise protestante a toujours encouragé la musique d'Eglise – avec juste raison car chanter une musique spirituelle ensemble nous met en relation avec ce que dit la Bible et avec les concepts théologiques, en même temps que cela nous rapproche les uns des autres dans nos paroisses. Grâce au chant, le Verbe parle à notre cœur.

Mais, de plus en plus, l'Eglise d'Allemagne perd le contact avec les grandes tendances musicales populaires de notre temps ; elle les considère avec mépris, comme relevant de la musique légère, et elle traite souvent avec condescendance – lorsqu’elle ne les désavoue pas franchement – les musiciens d'Eglise qui s'efforcent de rester en contact avec ces tendances...

Confrontés à cette situation déplorable, nous avons commencé à rechercher de la musique qui soit à la fois religieuse et populaire. Comme bien d'autres avant nous et autour de nous, nous avons découvert – c'est-à-dire, au départ, ma femme et moi – la musique gospel des communautés afro-américaines. A l’étudier de plus près, nous y avons trouvé un monde de chant spirituel dont on ne trouve, en ce siècle, aucun équivalent en Europe. L'esprit et le corps y participent avec une intensité totalement inconnue de notre tradition. Nos frères et sœurs noirs d’Amérique sont-ils les seuls à en être capables ? L'élan final nous fut donné par le film « Sister act ». Nous étions décidés à faire un essai ; et c'est ainsi que, rejetant toute prudence, nous avons fait passer une annonce dans le journal local : « Qui veut chanter du gospel avec nous ? » Nous avons aussi demandé à des musiciens d'Eglise de nous aider mais, n'ayant trouvé personne qui fût prêt à prendre la direction d'un chœur de gospels, il m'a fallu chercher moi-même des partitions.

Je n’avais jamais vu cela : une annonce dans le journal a fait venir dans la paroisse des gens qui voulaient chanter des textes spirituels avec nous. Au début, nous avons essayé de surmonter la barrière linguistique en chantant en allemand : mais tous les choristes ont protesté. Alors, dès notre seconde répétition, nous n'avons plus chanté qu'en anglais. On peut bien sûr se demander pourquoi, en Allemagne, les gens préfèrent chanter des chants spirituels en anglais. Quant à nous, nous avons aussi relevé ce défi, nous avons tâtonné et, par la suite, nous avons constamment fait corriger notre anglais par des membres du chœur – et nous avons commencé à chanter.

Nous ne nous imaginions pas que tant de gens répondraient à une annonce dans le journal d’une ville aussi petite qu’Eberswalde ; il est vrai que beaucoup ne sont pas restés longtemps. Mais un petit noyau de choristes a fini par se constituer, dont certains n'avaient jamais mis les pieds dans une église ni jamais chanté dans un chœur. Pour d'autres, leur appartenance à l'Eglise n’était qu’un lointain souvenir. Régulièrement, de nouveaux candidats venaient par curiosité ; certains restaient, d'autres partaient, mais le chœur de gospels d’Eberswalde existait. Contrairement à ce que nous pensions à l'origine, les membres de ce chœur n'étaient pas particulièrement jeunes : en majorité, ils appartenaient à la tranche des 20 à 50 ans, où les gens sont le plus difficile à atteindre. Entre temps, nous avons accueilli quelques personnes plus jeunes. Depuis deux ans et demi que ce chœur existe, le nombre des choristes est passé à environ 25 et, aujourd'hui encore, il nous permet d'entrer en contact avec des gens que nous n’avons jamais rencontrés dans le cadre de nos activités paroissiales. La musique gospel a le pouvoir de rapprocher et d’intégrer les gens, de sorte que des chômeurs de longue durée chantent avec des dirigeants d'entreprise, des non-croyants qui n'ont aucun désir d'appartenir à une quelconque Eglise côtoient des chrétiens engagés, représentant un large spectre œcuménique, et jusqu'à des chrétiens charismatiques.

Nous ne prétendons pas fonder un chœur de haut niveau, capable de donner une interprétation parfaite de ce grand art ; le plus important, c'est la joie de chanter cette musique spirituelle, avec son rythme, de se retrouver ensemble et de donner des concerts dans la paroisse. Les fêtes chorales, les journées de répétition et les pauses au cours des répétitions sont également des moments importants pour les contacts et la formation d’un esprit de groupe. Ce qui nous est apparu le plus difficile, ce fut de nous détacher de la manière intellectuelle et détachée de chanter qui est habituelle en Allemagne et d'apprendre non pas seulement les notes et le texte, mais aussi le mouvement de la musique gospel, en laissant une certaine liberté à l'improvisation et à l'enthousiasme qui peuvent entraîner les autres lors d’un concert. Une des raisons pour lesquelles beaucoup de gens aiment chanter des gospels, c'est précisément parce que le chant devient mouvement...

En particulier dans les services religieux, le mouvement ajoute à la dimension spirituelle un sentiment de nouveauté et de liberté. Nos vêpres de Noël, où on joue une Nativité et où le chœur chante des gospels, ont maintenant une certaine réputation ; et, pour assister à cette veillée musicale, beaucoup sont prêts à fermer les yeux sur l’état de notre église, dont l’aspect extérieur n’est pas très engageant... Manifestement, les autres activités paroissiales ont elles aussi profité du rayonnement du chœur, auquel on doit un certain nombre de baptêmes et d'adhésions à l'Eglise.

Enfin, un mot à propos des textes des gospels. L'anglais constitue-t-il vraiment un si grand obstacle ? Sans doute, pour beaucoup de gens, et c'est la raison pour laquelle nous distribuons maintenant aux auditeurs des feuillets qui donnent la traduction allemande de ces chants. Nous tenons à ce que le sens de ce que nous chantons ne fasse aucun doute...

(Extrait de l’article de Hans-Peter GIERING intitulé « Gospel Chor – Die Botschaft trifft sich mit den Menschen », in Gerhard LINN : Schritte der Hoffnung, Neukirchener Verlag, 1999, pages 216 ss)

L'auteur de cet article, qui est toujours pasteur à Eberswalde, m'a dit récemment que le chœur de gospels d’Eberswalde existe toujours et même que, entre temps, le nombre des choristes a doublé. A l'heure actuelle, il répète sérieusement en vue d'une visite en Amérique à l'invitation de l'Eglise unie du Christ des Etats-Unis, qui est l'Eglise partenaire de notre Eglise régionale, pour une tournée de concerts dans un certain nombre de paroisses de l'Etat du Wisconsin.

La participation est également le mot clé d'une autre initiative dont j'aimerais vous parler. Dans notre district de Berlin-Friedrichshagen, outre l'importante paroisse de l'Eglise évangélique régionale et une petite paroisse catholique romaine, il y a aussi une paroisse baptiste très active. Comme chaque année à Noël, elle a voulu, l'an dernier, mettre en scène une Nativité ; mais elle a constaté que la paroisse ne comptait pas suffisamment d'enfants. Les enfants qui avaient joué dans cette pièce les années précédentes étaient devenus adolescents, et ils se trouvaient trop vieux pour jouer dans une pièce comme celle-là. Que faire alors ?

A son tour, elle a passé une annonce dans le journal pour demander des acteurs, annonçant : « Cherchons enfants pour jouer un rôle dans une Nativité », et précisant quand et à quel endroit les enfants (de préférence accompagnés par leurs parents) pouvaient participer à une audition pour obtenir un rôle. Il y eut un nombre remarquable de candidats, dont certains étaient même venus d'autres quartiers. D’emblée, les organisateurs décidèrent que tous les enfants participeraient au spectacle : après tout, on peut toujours multiplier à l’envi le nombre des bergers et des anges. Mais le processus de sélection et de distribution des rôles se fit de manière très professionnelle : on demanda à chaque enfant de remplir un formulaire de candidature, accompagné d'une photo.

Puis vint le jour de la première répétition, et il apparut alors (comme on pouvait s’y attendre) que très peu d'enfants avaient une quelconque idée de ce qu'était l'histoire de Noël. La seule raison pour laquelle ils avaient demandé une « audition » étaient l'espoir de faire du théâtre. Et c'est ainsi que, avant de pouvoir commencer les répétitions, les organisateurs durent raconter aux enfants l'histoire de Noël et leur présenter la personne de Jésus dont, à Noël, on célèbre la naissance dans une étable de Bethléem.

La pièce qu'ils avaient apprise fut jouée pendant le service religieux de la veille de Noël. Tous les parents et familles des enfants qui jouaient étaient là – et même une grand-mère qui, jusqu'au dernier moment, avait pesté contre cette Eglise qui « récupérait » ses petits-enfants.

Le service de Noël et la Nativité furent enregistrés en vidéo et, quinze jours plus tard, les enfants et leurs familles furent invités à regarder le film ensemble et à discuter de cette expérience avec les collaborateurs de la paroisse.

Une autre possibilité à laquelle recourent fréquemment certaines communautés locales pour atteindre des gens qui ne font pas partie de l’Eglise et pour les inviter à y participer consiste à organiser une fête dans la rue ou à être présentes dans des fêtes de quartier, parfois avec un culte en plein air (par exemple sur la place du marché) ; une autre possibilité consiste à organiser régulièrement une célébration de la Saint-Martin. Dans cette partie de l'Allemagne où s'est déroulée en majeure partie l'activité du réformateur Martin Luther, la fête de ce saint Martin vénéré par l'Eglise catholique romaine, qui a partagé son manteau avec un mendiant, est également très populaire chez les protestants. Pour des chrétiens ouverts à l'œcuménisme, cette fête est une bonne occasion pour les paroisses protestantes et catholiques de se présenter ensemble en public devant la communauté locale.

Je vais citer maintenant, à titre d'exemple, le sommaire de ce qui a été fait dans une petite ville d'Allemagne centrale :

En septembre 1993, alors que je venais de prendre mes fonctions de pasteur, la paroisse catholique locale a proposé que nous fêtions ensemble la Saint-Martin. Je n’avais jamais célébré la Saint-Martin. Dans un groupe préparatoire, nous avons posé les bases de notre célébration qui, depuis, n'a guère changé. En 1993, le programme était le suivant :

- 16 h 30. La célébration commence dans l’église protestante avec des chants de la Saint-Martin accompagnés à la guitare ; ensuite, on présente un spectacle racontant la légende de saint Martin.
- 17 heures. Procession aux flambeaux, avec cheval et cavalier (représentant Martin), au travers de Sandau, jusqu’au foyer catholique de personnes âgées.
- 17 h 15. Chants en commun autour du feu de la Saint-Martin.
- 17 h 30. Thé accompagné de croissants de la Saint-Martin (tous fabriqués à la maison). Principe fondamental : il faut toujours partager son croissant de la Saint-Martin avec quelqu'un d'autre. Pas de conclusion officielle.

Depuis 1994, nous commençons notre programme au foyer catholique de personnes âgées pour aller ensuite en procession jusqu’à l’église protestante (où on chante juste un ou deux chants, suivis d'un temps de silence et de la récitation commune du Notre Père) ; puis nous allons nous réunir autour du feu de joie allumé dans le jardin du pasteur, avant d'entrer chez lui… Le plus gros problème est toujours le nombre de gens : ces deux dernières années, nous avons eu 170 enfants et adultes, dont certains habitaient à 30 km… Comme la chapelle catholique est maintenant trop petite, nous avons décidé de jouer la légende de saint Martin à l'extérieur, sur le parvis de l’église protestante. Ces dernières années, les chants autour du feu de joie ont pris une place très importante, des chants animés dans lesquels le mouvement vient s’ajouter à la musique...

Lors des célébrations de la Saint-Martin, nous sommes toujours surpris de voir le nombre de mères de familles qui viennent avec leurs enfants à cette fête, alors qu’elles n'appartiennent ni à la paroisse catholique ni à la paroisse protestante...

Au stade préparatoire, il est important, chaque année, de distribuer la recette des croissants de la Saint-Martin et de convaincre les mères de famille d’en préparer...

(Extrait de l’article d’Andreas BREIT : « Martinsfest in Sandau », in Gerhard LINN : Schritte der Hoffnung, pages 193s)

Depuis deux ans et demi, nous avons un « Groupe de travail sur le culte » dans notre paroisse protestante de Berlin-Friedrichshagen. Au départ, le groupe se contentait, à intervalles réguliers, d’encourager des membres de la paroisse à se réunir pour préparer et diriger un service dominical. Ces petits groupes ad hoc étaient libres d'organiser le service autour d'un thème qu'ils jugeaient important, et ils n’étaient pas obligés de respecter le calendrier liturgique de l'Eglise. L'idée d'organiser le culte de cette manière remonte à une Lettre mensuelle sur l'évangélisation envoyée de Genève en 1967 par Walter Hollenweger et intitulée : « Le liturgiste : un metteur en scène » ; c’était à l’époque une idée neuve. La raison pour laquelle nous avons décidé d’organiser le culte de cette manière est de faire comprendre concrètement aux gens que nos cultes sont des actes de la communauté dans lesquels les activités de la vie quotidienne peuvent entrer en dialogue avec le message biblique, de façon que cette « rencontre entre contexte et message biblique » puisse nous donner des orientations pour nous aider à pratiquer notre foi.

Mais cela ne nous faisait pas sortir du cercle fermé de notre paroisse. Il s'agissait de savoir comment rompre ce cercle pour faire connaître l'Evangile au reste de la communauté dans laquelle nous vivons, pour faire comprendre aux gens que cet Evangile a quelque chose à leur dire sur leur vie, puisque nous croyons qu’il s'applique à « tous les domaines de l’existence » (voir la deuxième « conviction œcuménique » de l'Affirmation œcuménique sur la mission et l'évangélisation publiée par le COE en 1982). Un jour, un membre du groupe a proposé que nous prenions contact avec les membres de la brigade des pompiers volontaires pour leur demander s’ils ne voudraient pas organiser avec nous un culte qui serait centré sur le service important qu’ils rendent à la communauté et au cours duquel nous prierions pour eux.

La personne qui avait eu cette idée est allée voir le chef d'équipe de la brigade de pompiers volontaires pour lui demander son avis, et une date fut fixée pour une conversation prolongée entre les quatre membres de notre groupe et une délégation de trois pompiers. Ceux-ci nous ont parlé de leurs activités et expliqué que, en plus de leur activité régulière, ils devaient être prêts nuit et jour au cas où ils seraient appelés à intervenir sur des urgences de toutes sortes – éteindre les incendies étant la chose la moins fréquente. Etre en permanence d'alerte signifie aussi que leur vie de famille est souvent interrompue – et ils font tout cela volontairement, bénévolement ! Nous nous sommes tout à coup rendu compte que très peu d’habitants de notre quartier en étaient conscients, parce qu'il existe aussi, à un niveau plus élevé, une brigade de pompiers professionnels.

Lorsque nous leur avons proposé d'organiser un culte à l'occasion duquel ils pourraient parler de leur travail bénévole afin que nous nous puissions prier pour eux de façon concrète, ils ont commencé par nous faire remarquer que, sur les 25 hommes que comptaient leur équipe, pas un seul n'appartenait à l'Eglise ! Ils nous ont dit que, si cela ne nous décourageait pas, ils seraient heureux d’envisager « un culte avec la brigade des pompiers et pour elle ». En fait, il est apparu par la suite que l'un des plus jeunes appartenait à l'Eglise protestante et avait récemment fait baptiser son enfant. Il est devenu un important agent de liaison pour préparer ce service, un rôle qu'il n'avait sans doute jamais imaginé jouer.

Ensuite, il a fallu du temps pour préparer tout cela, et c’est ainsi qu’un certain nombre de pompiers ont, pour la première fois de leur vie, mis les pieds dans une église, et nous avons alors pu leur expliquer différentes choses.

Au culte proprement dit assistèrent la grande majorité des pompiers en uniforme, accompagnés de leurs familles, l’église était pleine ! L'un des pompiers a brièvement présenté le travail de la brigade ; en réponse, notre pasteure a fait un sermon sur Jérémie 29,7 : « Soyez soucieux de la prospérité de la ville... et intercédez pour elle auprès du Seigneur ». Pour les prières, les pompiers s'étaient mis d'accord entre eux, lors de l'une de leurs réunions, sur une liste de problèmes, que nous avions transformés en autant de prières distinctes que la paroisse pouvait reprendre à son compte. Nous avons ainsi voulu leur faire bien comprendre que nous ne les forcions pas à prier avec nous mais que nous, nous voulions prier concrètement !

Pendant l’habituel café dominical qui suivit ce culte, il y eut de nombreuses discussions animées. Les réactions nous ont encouragés à persévérer dans la même direction. Notre prochain projet est d’organiser un culte avec les enseignants et pour eux, qui aura pour thème le rôle de l'école du point de vue des enseignants. Une première discussion préparatoire a eu lieu avec trois enseignants, et d'autres sont prévues.

Je m’en tiendrai là, en espérant avoir pu donner aux lecteurs et lectrices d'autres parties du monde une petite idée de la forme que peut prendre, dans notre contexte, la transmission de l'Evangile. Je vous demande de prier pour nous et pour tous ceux à qui nous nous devons de prêcher l'Evangile.

Berlin, le 26 mai 2006 Gerhard Linn