No. 2 - juin 1999

Chers amis,

Vous reconnaîtrez sans peine avec moi, j'en suis sûre, que l'un des grands "signes des temps" est l'intérêt particulièrement vif que des gens d'horizons et de milieux très divers manifestent pour la spiritualité. Aujourd'hui, des millions de gens à travers le monde s'intéressent à tout ce qui touche à l'expérience religieuse, au mysticisme et à la spiritualité - à tel point que les sociologues en ont pris note et en ont fait l'un de leurs principaux thèmes de discussion. Certains y voient une illustration de plus du changement de paradigme que connaissent actuellement nos cultures.

Dans cette Lettre, j'aimerais aborder quelques aspects de ce phénomène sous l'angle de l'évangélisation. Que nous apprend-il à nous, Eglises et personnes soucieuses d'inviter les gens, autour de nous, à découvrir la bonne nouvelle du Christ? Quelles interpellations pressantes, quelles possibilités nouvelles cette soif de spiritualité signifie-t-elle pour le ministère d'évangélisation, et quelles implications ce phénomène revêt-il pour le témoignage aujourd'hui? Vu la complexité de ce domaine et la rapidité à laquelle il évolue, l'exposé qui suit ne fait naturellement qu'indiquer des pistes de réflexion.

Je suis heureuse de pouvoir publier également ici un texte bref et un témoignage sur l'évangélisation que m'ont envoyés des personnes engagées sur le terrain. Ces contributions, l'une venant d'une jeune professeur de théologie des Tonga, l'autre d'un théologien évangélique péruvien bien connu, nous sont parvenues en réponse à une initiative lancée à l'Assemblée du COE à Harare. A cette Assemblée, les participants ont affirmé qu'une évangélisation contextuelle, intégrée, est possible et qu'elle a effectivement lieu. Je leur ai donc demandé d'écrire quelque chose à ce sujet pour la Lettre oecuménique, afin que leurs idées et leurs récits soient une source d'encouragement pour les autres. Lisez-les donc. Je suis sûre que vous les trouverez très convaincants.

A propos de la quête de spiritualité de nos contemporains et de ses implications pour l'évangélisation, il serait bon que nous commencions par indiquer quelques-unes des formes que revêt cet intérêt pour le transcendantal. L'aspect commercial de la chose n'échappe naturellement à personne. Les ouvrages traitant des dimensions mystique et spirituelle de la vie remportent un énorme succès, de même que les disques compact et les enregistrements de musique à caractère mystique. Certaines pratiques qui attirent les gens aujourd'hui existent depuis des siècles. Les rassemblements de masse et les cérémonies, les pèlerinages, les visites aux lieux saints et l'adhésion à la vie monastique, par exemple, reviennent en force en cette fin de millénaire. D'autres pratiques sont des versions modernes d'approches religieuses s'inspirant du gnosticisme, et d'autres encore sont "orientales" ou "traditionnelles". Dans certaines régions du monde, des gens sérieux vont participer à des séminaires, des retraites ou des cours axés sur l'expérience religieuse. Beaucoup sont à la recherche d'un guide ou d'un maître spirituel. Si nous y incluons ce qui se passe aujourd'hui dans les milieux académiques, cette mosaïque devient plus complexe, car de plus en plus on établit un lien entre le transcendantal et des sciences comme la physique et la médecine.

Encore une brève remarque: je crois que nous devons résister à la tentation de penser que ce phénomène existe uniquement parmi les gens aisés, parmi ceux qui peuvent s'offrir le "luxe" de consacrer du temps aux choses spirituelles. Bien sûr, l'aspiration à vivre une expérience religieuse signifiante s'exprime différemment chez les pauvres et dans les régions où dominent les forces de l'exclusion économique, mais elle y est très réelle. Riches et pauvres partagent le même désir de faire directement l'expérience du sacré ou de Dieu. Récemment, des responsables de mouvements étudiants chrétiens d'Amérique latine m'ont parlé d'une enquête qu'ils avaient effectuée auprès de leurs pairs, lors d'une réunion régionale d'étudiants. La question était simple: "Dans le cadre de notre ministère auprès des étudiants, quels sont les sujets que nous devrions aborder dans l'année qui vient?" La plupart des réponses faisaient figurer "la prière" en tête de liste, ou encore la question d'une "vie de prière appropriée".

Toutes sortes de raisons sont invoquées pour expliquer ce nouveau climat ambiant. La plupart d'entre elles vous sont sans doute familières. On dit que les gens ordinaires se tournent vers la spiritualité par déception ou par désillusion; que cela a à faire avec la crise du rationalisme moderne, la manière dont nous apprenons à comprendre le monde sur la base de méthodes analytiques et de théories fondées sur des faits observables; que cela a aussi à faire avec des choses aussi diverses que l'échec du socialisme en Europe de l'Est, la violence et les inégalités scandaleuses résultant du Nouvel ordre mondial, et l'institutionnalisation de la spiritualité par les religions établies.

Nos contemporains ont été rebutés par les promesses trompeuses d'institutions, de systèmes, d'idéologies et de projets de toutes sortes. Dans la plupart des cas, ils sont indifférents à l'égard de l'Eglise institutionnelle et ne se sentent pas concernés, le plus souvent, par le langage chrétien traditionnel. En même temps, ils estiment qu'il n'est pas suffisant de "s'en sortir", et cela ne les intéresse pas de lutter pour un monde meilleur si cette lutte ou ce monde sont seulement unidimensionnels. Non. Pour eux, le monde doit avoir un sens. La vie doit valoir la peine d'être vécue. Il doit être possible, pensent-ils, de redonner son "enchantement" à la vie. D'où cette quête de valeurs, d'idéaux, de relations valables, de sens.

Cette situation dynamique interpelle vivement ceux qui exercent un ministère d'évangélisation, mais elle est également pour eux riche de possibilités nouvelles. En premier lieu, elle appelle de manière inédite et provocante les Eglises locales, et chacun des chrétiens, à examiner les structures, les attitudes, le langage et les pratiques qui façonnent leur vie et leur témoignage. Comment ces manières d'être et de vivre contribuent-elles à promouvoir des relations fondées sur le souci et le respect de l'autre avec les personnes qui aspirent à la spiritualité ou qui l'expriment de manière différente? Il existe un rapport indissociable entre la quête de spiritualité et l'effondrement de la communauté. Nos sociétés surmédiatisées et de plus en plus individualistes engendrent beaucoup de solitude, de douleur et de confusion. Comment encourage-t-on les chrétiens à mieux s'informer au sujet de ces laissés-pour-compte, à passer du temps avec eux, à partager avec eux des aspects de leur vie?

De toute évidence, le scepticisme et l'indifférence dont font preuve les gens aujourd'hui à l'égard de l'Eglise-institution, des principes autoritaires, et des doctrines et déclarations abstraites sur la foi, sont autant d'invitations lancées à nos Eglises pour qu'elles manifestent concrètement l'histoire d'amour qui est ancrée au plus profond de leur vie et de leur dessein. Je suis convaincue que les jeunes d'aujourd'hui, les victimes de l'avidité et de la violence du monde, et tous les autres, innombrables, qui ont été déçus par de fausses promesses - y compris nombre de nos voisins d'autres religions - demandent à nos Eglises d'être d'authentiques communautés évangéliques. Ils sont à la recherche d'une espérance et d'un signe tangible qui leur montre non pas qu'il existe un Dieu, mais qu'il existe un amour profond pour Dieu. Je vois là une possibilité nouvelle pour une évangélisation enracinée dans la relation avec l'autre. Car dans la situation actuelle, plus que toute autre chose, ce sera la qualité de notre amour pour Dieu, de notre amour les uns pour les autres et pour notre prochain, qui créera des occasions d'avoir part ensemble à l'histoire de Jésus crucifié et ressuscité et de la présenter avec authenticité à celles et ceux qui ont soif de spiritualité.

L'ouverture à l'expérience religieuse et à la spiritualité que nous rencontrons autour de nous est elle aussi une invitation claire adressée à nos Eglises à recouvrer la joie, la paix et la force de leur expérience fondatrice et de leur message d'origine. C'est un appel pressant à libérer les forces contenues dans la liturgie, le culte communautaire et les sacrements, qui sont autant de moyens de transmettre le message subversif de la victoire que Dieu a remportée pour nous sur le péché et sur la mort. C'est aussi un appel pressant à démontrer la dimension communautaire et génératrice de communion de l'histoire d'amour entre Dieu et l'univers. Cela suppose que nous nous débarrassions de tout ce qui nous encombre, et que nous donnions aux gens la possibilité de découvrir de manière profondément personnelle qui ils sont devant Dieu.

Le théologien catholique romain Karl Rahner a prononcé une parole assez prophétique quand il a dit, il y a plusieurs décennies déjà, que le christianisme de l'avenir serait mystique ou ne serait pas. Il a mis là le doigt sur toutes les choses encombrantes accumulées au fil des siècles, qui entravent notre marche et n'ont plus de sens aujourd'hui, et il a aussi souligné la nécessité de rendre plus transparent le don extraordinaire de dessein et de vie en Christ que Dieu nous a fait. Il nous alertait sur le fait qu'une certaine manière de partager sa foi en transmettant avec détachement des informations sur Dieu et des points de doctrine, l'observance mécanique des rites, le recours à des explications théologiques abstraites, et le manque de confiance et de dépendance à l'égard de l'Esprit saint devenaient pour le christianisme des questions de vie ou de mort.

Karl Rahner avait beaucoup à dire à propos du besoin que ressentent les gens ordinaires de découvrir le Christ à travers une expérience directe, personnelle et personnalisante du Dieu vivant. Récemment, c'est Matthew Fox, l'auteur du célèbre best-seller Creation Spirituality (San Francisco: Harper-Collins 1991), qui a exprimé une position similaire en ses termes à lui, particulièrement frappants. Il souligne, par exemple, que "si l'assimilation de connaissances est essentielle à la santé de la religion, elle ne remplace pas la pratique. Le fait de mener une réflexion sur Dieu ne peut pas remplacer la démarche qui consiste à offrir aux gens la possibilité de faire concrètement l'expérience de Dieu". A en juger par la disposition d'esprit de nos contemporains, les remarques de Karl Rahner et de Matthew Fox "tombent dans le mille". Le climat religieux ambiant révèle à quel point les gens, autour de nous, ont besoin de vivre profondément l'expérience de Dieu. Les Eglises qui ne facilitent pas cette expérience ou qui n'aident pas les gens à éprouver l'esprit de Dieu ou le pouvoir du pardon et de la guérison montrent qu'elles sont insensibles à cette attente pastorale pourtant très claire. En revanche, chaque fois qu'une Eglise crée délibérément des espaces où l'esprit de Dieu peut s'adresser aux gens, leurs vies personnelles en sont changées et des communautés vivantes voient le jour. C'est clairement le cas là où les Eglises connaissent un rapide développement, mais c'est aussi le cas de communautés plus petites qui luttent et qui, elles aussi, peuvent être animées d'une grande force spirituelle. Une telle expérience - qui est à la portée de tous sans distinction de catégories religieuses - sera, pour les chrétiens, le début d'une conversion permanente et leur premier pas à la suite de Jésus. Ce sera le contexte dans lequel s'inscriront des relations renouvelées, la passion pour le royaume de Dieu, et un humble cheminement aux côtés des personnes d'autres spiritualités, d'où surgiront les occasions pour eux d'expliquer à d'autres ce qu'est la foi chrétienne et de les inviter à suivre Jésus.

Avec l'accélération des changements dans presque toutes les sociétés aujourd'hui, les possibilités de contact et de rencontre entre les chrétiens et tous ceux qui sont à la recherche d'un idéal et de valeurs donnant sens à leur vie sont multiples. On peut dire que les échanges ont lieu sur un pied d'égalité. Les durs préjugés antireligieux et les attitudes intellectuelles qui disqualifiaient les expériences de foi ont dans l'ensemble disparu. Cela est vrai non seulement dans les pays occidentaux et post-socialistes mais aussi dans les mégalopoles du Sud. Plus que jamais, les chrétiens sont chaleureusement invités à partager leur cheminement de foi avec les autres et à suggérer que la spiritualité qu'ils recherchent pourrait être vécue dans la communion de communautés qui tiennent leurs identités de Jésus Christ.

Naturellement, nous ne devrions pas négliger le rapport existant entre la quête de plénitude spirituelle et l'extraordinaire bouleversement causé par notre système économique mondial. Nous savons que le "banquet du libre-marché" reste fermé à la grande majorité des gens. Notre monde est dominé par une idéologie de la consommation effrénée qui crée artificiellement des besoins et cause de profondes frustrations. L'indifférence commence à avoir raison de l'esprit de communauté et de solidarité. Dès lors, est-il étonnant que derrière la soif de spiritualité qu'on constate aujourd'hui se profile le plus souvent les visages d'êtres humains en proie à l'aliénation, au désespoir et à l'ennui ? Comment cette réalité peut-elle donner forme à une mission évangélisatrice courageuse qui, au niveau collectif et individuel, par la prophétie et la compassion, parle du désir de Dieu pour la vie humaine ?

Pour l'évangélisation se pose là un défi particulier. Précisément parce que nous comprenons qu'il existe un rapport direct entre la mondialisation de l'économie de marché et le désir des gens de trouver le but et le sens de leur vie, nous devrions éviter de tomber dans le travers qui consiste à séparer le plaidoyer et le témoignage public de la nécessité de répondre aux aspirations spirituelles des gens, au quotidien. Ces deux domaines d'action vont de pair. Le contexte actuel nous appelle à montrer plus clairement que la bonne nouvelle concerne la vie humaine tout entière, dans toutes ses dimensions.

Un mot encore sur ce sujet, car il a aussi des répercussions sur l'évangélisation. Je veux parler du fait que, de toute évidence, les gens n'assistent pas en spectateurs passifs aux changements et aux contradictions qui les touchent. Bien au contraire. Ils veulent à la fois survivre et comprendre. Lorsqu'il s'agit du religieux, ils "bâtissent" activement leur quête, et on le voit dans la manière dont ils "étudient le marché" et dans la tendance qu'ils ont de "faire des choix et des mélanges".

Dans cette quête active, certains deviennent intolérants et fanatiques lorsqu'ils considèrent avoir trouvé la bonne réponse, d'autres abordent simplement la spiritualité comme un article de consommation de plus.

Précisément parce que ces échanges ont maintenant lieu sur un pied d'égalité, on peut aussi s'attendre à ce que les chrétiens réagissent à cette réalité sur la base de leur amour pour le Christ et de leur perception d'une mission accomplie à sa suite. Ainsi, c'est parce qu'ils sont engagés dans les relations qu'Il établit, qu'ils peuvent interpeller leurs interlocuteurs dont les aspirations religieuses les ont conduits à créer des sectes. Ils peuvent essayer d'aider les gens dont la religiosité exige un rejet total de toute pensée rationnelle; et ils peuvent aider également à reprendre contact avec ceux que leur recherche a conduit à couper tout lien avec les souffrances du monde.

Il est encourageant de noter que le changement du climat religieux est déjà en train d'influer sur le style du ministère d'évangélisation des Eglises locales et de chacun des chrétiens, dans différentes régions du monde. Cette influence se fait particulièrement sentir au niveau de ce l'on pourrait appeler "la démarche initiale" du témoignage évangélique. C'est ce que souligne un rapport publié par l'Eglise d'Angleterre sur sa Décennie sur l'évangélisation. Intitulé "Signs of Life" (Robert Warren, Londres: Church House Publishing 1996), il rend compte d'un certain nombre de changements frappants dans les approches contemporaines de l'évangélisation. Il signale des tendances qui se font jour également dans d'autres situations et il nous a paru utile d'en soumettre quelques-unes à votre appréciation. Il s'agit, notez-le bien, d'un changement d'accent, du passage d'une approche à une autre, d'un type de démarche à un autre type de démarche. Il ne faudrait pas y voir une séparation entre deux "pôles".


Ces points me semblaient résumer utilement comment l'intérêt qui se manifeste actuellement pour les questions spirituelles trouve déjà sa réponse dans les manières nouvelles dont les Eglises locales et les particuliers abordent l'évangélisation. On constate aisément que le témoignage mené dans cette perspective voit l'effet générateur de l'Esprit saint à l'oeuvre dans la quête contemporaine du transcendantal. A mon sens, un tel témoignage reflète non pas le désir de "faire des compromis avec le monde" ni de paraître à la mode, mais une confiance authentique dans l'évangile du Christ qui est riche de promesses et de satisfactions face aux aspirations du monde. On s'attaque ici honnêtement à la question de l'intégrité.

J'estime que la situation unique de la spiritualité aujourd'hui est une occasion de renouveau pour l'évangélisation. Parce que nous reconnaissons que l'Esprit qui pousse les gens vers la spiritualité est le même que celui qui les éveille à la foi, nous sommes contraints de rendre un témoignage créatif et sensible à la plénitude offerte par Dieu en Jésus Christ. Je suis convaincue que dans le climat spirituel d'aujourd'hui nous avons à notre disposition tout une gamme de moyens d'action efficaces, à condition que nous soyons prêts à en payer le prix.

Permettez-moi de conclure. J'espère que certaines des questions et certains des points de vue présentés dans cette Lettre trouveront écho dans votre ministère, et je serai très intéressée de savoir ce qu'il en est. Je profite de cette occasion pour remercier les lecteurs qui m'ont écrit suite à la précédente Lettre. Vous avez fait des remarques et des suggestions très précieuses sur la question de l'évangélisation et des femmes. Il nous faut envisager de consacrer de l'espace aux réactions des lecteurs.

Je prends maintenant congé de vous, mais je vous invite vivement à poursuivre votre lecture.

Que dans votre vie et votre travail Dieu vous comble de ses bienfaits.

Paz y bien,

Ana Langerak
Secrétaire à l'Evangélisation



Des contributions de la ‘base'

Le premier texte est une réflexion de Lynette Mo'unga Fuka, qui est étudiante au Sia' atoutai Theological College de l'Eglise wesleyenne indépendante des Tonga. Lynette nous fait remarquer que si Tonga est le plus petit royaume du Pacifique sud, il a l'honneur d'être le premier, chaque jour, à saluer le soleil.

Que Dieu soit l'Evangéliste

Qu'est-ce que le coeur? On peut le définir de plusieurs façons. C'est d'abord, bien sûr, cet organe très sensible dont la fonction détermine la vie ou la mort de toute personne. Le coeur bat; il accueille le sang qui vient des veines et l'envoie dans les artères pour qu'il reçoive l'oxygène nécessaire pendant son circuit. On peut voir aussi le coeur comme le centre de toute la personnalité, comme le siège des sentiments, des émotions et des intuitions. C'est le cas quand on dit à quelqu'un, par exemple: "Au fond de votre coeur, vous savez que c'est vrai".

Je crois que Dieu est le coeur de toute évangélisation authentique. C'est Dieu l'Evangéliste qui est vivant en nous, qui nous purifie et fait connaître le Christ à travers nous. Tandis que Dieu insuffle la vie et le renouveau dans les artères de notre vie quotidienne, nous qui sommes ses enfants, nous proclamons son amour en Christ et nous y avons part de manière dynamique et authentique. Ainsi, l'oeuvre de l'Evangéliste se manifeste chaque jour, et de génération en génération.

Mettons-nous des limites à l'action de Dieu? En tant que Tongane, je me demande si nous laissons vraiment Dieu agir dans la vie des individus, de sorte que chacun puisse devenir la personne unique qu'il a été créé pour être. Une société communautaire telle que la nôtre autorise indirectement la majorité à gouverner et à écarter les vues des minorités qui sont considérées comme étant "différentes". Le résultat, c'est que c'est la majorité qui détermine les critères selon lesquels tout le monde doit vivre et les deux parties passent beaucoup de temps à rendre l'autre responsable des échecs de notre société. Je pense que cette attitude fait obstacle à l'action de Dieu l'Evangéliste.

Quand nous devons préparer des sermons ou des témoignages, nous passons souvent des heures à consulter des ouvrages de référence et des spécialistes. Cette façon de faire ne limite-t-elle pas l'action de Dieu, l'Evangéliste, en nous? Ne devrions-nous pas plutôt partir à la découverte de ce que Dieu fait dans notre propre vie et dans celle de nos frères et soeurs? Et quand nous formons des évangélistes simplement pour amener les autres à emprunter "notre voie" parce que la leur est "mauvaise", jusqu'à quel point ne sommes-nous pas en train de nier la grande oeuvre de Dieu l'Evangéliste?

Au lieu de restreindre l'action de Dieu en imposant nos critères aux autres, en passant tout notre temps à consulter ce que d'autres ont écrit, ou en niant cette action en l'autre, efforçons-nous de répondre à l'appel de Dieu l'Evangélisateur, de sorte que l'évangile de son amour soit prêché et partagé de manière authentique.


Le récit qui suit nous a été envoyé par Tito Paredes, pasteur et théologien péruvien, qui est secrétaire général de la Fraternité théologique latino-américaine. Il l'a intitulé "Une Eglise missionnaire qui chante":

L'Eglise du Christ qui se trouve au milieu des populations quechua - au nord de l'Equateur, au Pérou et jusqu'en Bolivie du Sud - est en train de redécouvrir son héritage culturel et l'impulsion qu'elle peut donner, grâce à cet héritage, dans le domaine de l'expression de l'Evangile.

Jusque récemment, on avait appris, consciemment ou inconsciemment, aux chrétiens quechua à rejeter certains aspects précieux de leur propre culture, notamment leur musique et leurs instruments de musique. Quand ils se sont convertis au christianisme, les musiciens de talent qui avaient l'habitude de jouer dans des fêtes "païennes" et en d'autres occasions vendirent leurs "instruments du diable" ou cessèrent définitivement de s'en servir.

Si l'on songe à l'importance qu'avaient les fêtes et la musique autochtones non chrétiennes dans la vie sociale et religieuse des communautés quechua, on peut aisément imaginer que quand on leur annonçait l'Evangile uniquement par la parole, il leur manquait quelque chose de vital. La musique est un véhicule naturel qui fait partie de leur vie et en constitue l'un des éléments les plus forts.

Quoi d'étonnant, donc, à ce qu'ils aient été si peu nombreux à accepter la foi chrétienne! Ils l'ont perçue comme une intrusion étrangère qui menaçait de détruire d'importantes composantes de leur société. Mais quand les Quechua eux-mêmes se mirent à prêcher l'Evangile en utilisant des formes musicales et en disant ce que leur inspirait l'Ecriture, beaucoup commencèrent à écouter et à accepter le message libérateur. Aujourd'hui, le temps de Dieu est proche pour les Qechua, et Dieu se sert des croyants quechua et de leur Eglise pour amener un grand nombre de personnes à la connaissance du Christ.

J'ai eu le privilège d'assister à une manifestation très particulière dans la ville de Yungay, au pied des magnifiques montagnes enneigées de Huascarán, au nord du Pérou. Il s'agissait du deuxième rassemblement national des chefs quechua accompagné d'un festival de musique. Il était organisé sous les auspices du Comité évangélique quechua national du Pérou et du Centre missiologique évangélique de la Région andine d'Amazonie, et les participants y étaient venus de tous les coins du Pérou.

Un soir, alors que la foule regardait jouer les musiciens, je me trouvais à côté d'un vieux Quechua de 80 ans. Un large sourire éclairait son visage et j'ai vu qu'il prenait un immense plaisir à la soirée. Il me raconta qu'avec d'autres chrétiens, ils avaient marché toute une journée pour arriver au festival parce qu'aucune route n'arrivait jusqu'à leur village. Tandis qu'il me parlait du rassemblement et des chants quechua, les larmes coulaient le long de ses joues.

"J'ai été le premier chrétien de mon village", a-t-il expliqué. "A ce moment-là, nous subissions la persécution et la raillerie. Nous n'aurions pas pu imaginer alors que nous participerions un jour à un événement comme celui-ci, où tant de chrétiens se trouvent rassemblés et chantent au Seigneur dans la joie et la liberté! Je suis vieux. Je ne sais pas si j'aurai l'occasion de vivre encore une fête comme celle-ci, mais je suis très reconnaissant au Seigneur de m'avoir gardé en vie jusqu'à ce jour pour pouvoir y assister." Je n'ai pas pu m'empêcher de penser au passage de l'évangile de Luc où Simon est enfin le témoin de la venue du Messie (2, 29-30).

Les croyants les plus âgés, qui étaient un peu comme des îlots solitaires quand ils acceptèrent la foi chrétienne il y a des années, commencent à voir l'Esprit de Dieu se répandre parmi leur peuple. Leur fidélité à Dieu et le témoignage qu'ils lui ont rendu au milieu des moqueries et de la persécution portent aujourd'hui leurs fruits. A mesure que l'Eglise découvre de nouvelles manières d'exprimer sa foi à travers la musique, l'art et le


Note aux lecteurs

Pourquoi ne pas rendre la Lettre oecuménique sur l'évangélisation plus utile encore en la recommandant aux pasteurs, étudiants en théologie, comités sur l'évangélisation, organismes de mission, etc., et en encourageant des bibliothèques de séminaires et d'autres institutions à s'abonner. Veuillez également ne pas oublier de nous informer des changements d'adresse. Nous vous remercions de nous écrire au:
Conseil oecuménique des Eglises
Mission et Evangélisation
B.P. 2100 CH-1211 Genève 2
courrier électronique: WCC Contact



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