Numéro 2, juin 2004

Chers frères et sœurs en Christ,
De Genève, paix et salutations !

J’ai le grand plaisir de vous communiquer, dans le présent numéro, mes rapports et réflexions sur deux événements auxquels j’ai participé et qui, tous deux, sont très étroitement en relation avec les activités du Conseil œcuménique des Eglises dans les domaines de la mission et de l’évangélisation.

Le premier de ces deux événements est la conférence sur « La mission au XXIe siècle – La mission considérée comme évangélisation en tension avec la mission considérée comme développement » ; organisée par le United Theological College of Zambia (UTCZ), elle a eu lieu à Livingstone (Zambie) du 25 mars au 1er avril 2004.

Après cette conférence, j’ai eu l’occasion, du 2 au 5 avril, de rendre visite à un certain nombre d’Eglises de Johannesburg (Afrique du Sud). Cette visite avait été organisée par le Conseil des Eglises d’Afrique du Sud (SACC). Ce fut une expérience très enrichissante, qui m’a donné l’occasion d’avoir des entretiens très fructueux sur la mission et l’évangélisation avec des frères et des sœurs de ce pays, et plus particulièrement à propos de la réconciliation, à l’occasion du dixième anniversaire des changements démocratiques qui ont eu lieu dans ce pays.

Le second rapport traite d’une visite que j’ai faite en Argentine et en Uruguay, du 27 mai au 2 juin, à l’invitation du Conseil des Eglises d'Amérique latine (CEAL). La mission et l’évangélisation constituent une priorité essentielle pour les Eglises d’Amérique latine. Les Eglises (surtout évangéliques et pentecôtistes) connaissent, sur ce continent, un développement rapide, et leur présence et les services qu’elles offrent à la population ne cessent de s’intensifier – telles sont quelques-unes des caractéristiques de la situation actuelle. En conséquence, le principal objectif de ce voyage était d’entamer, sur notre œuvre de mission, un dialogue avec les pasteurs et les responsables religieux de ces deux pays afin de réaffirmer nos engagements les uns vis-à-vis des autres et de renforcer notre coopération pour la proclamation œcuménique de l’Evangile.

Il est impossible, dans un rapport écrit, d’évoquer toute la richesse et la vitalité des expériences que j’ai faites au cours de cette visite ; j’espère néanmoins que ces deux rapports vous permettront d’apprécier dans une certaine mesure la mission d’évangélisation que nos frères et sœurs exécutent si fidèlement dans différentes parties du monde.

Bien à vous, dans l’esprit de l’évangélisation.
Pasteur Carlos Emilio Ham
Chargé du programme « Evangélisation » du COE


Numéro 2, juin 2004

Conférence sur la mission, Livingstone (Zambie), Mars – avril 2004

Introduction
(extraits de la documentation préparatoire)
Maintenant que nous sommes entrés dans le XXIe siècle, quels sont les besoins de l’Eglise que nous, peuple de Dieu, devons prendre en considération, et quels sont les besoins du monde auxquels nous, l’Eglise, nous sentons appelés à répondre ? Quel est notre rôle à nous, chrétiens, dans un monde de plus en plus diversifié, brutal et violent, plus égocentriste et moins aimant, moins généreux, ne se souciant pas des injustices qui se manifestent partout, paralysé par l’énormité des défis qui lui sont lancés ?

Dans certaines parties du monde, l’Eglise se développe ; dans d’autres, elle doit se battre pour survivre. Tantôt, l’Eglise participe à la vie politique et à la lutte pour la libération de la population ; tantôt, elle est repliée sur elle-même et n’est pas considérée comme vraiment représentative du peuple. Le monde continue à se développer d’une manière telle que les riches deviennent toujours plus riches et moins nombreux pendant que les pauvres deviennent toujours plus pauvres et plus nombreux. Dans toutes les parties du monde, l’Eglise continue à se demander : « Quel rôle l’Eglise doit-elle jouer dans le monde ? »

Pendant longtemps, pour l’Eglise, la mission et l’évangélisation [gagner ou convertir des gens au Christ], c’était la même chose. De nos jours, nous avons tendance à avoir des conceptions assez diversifiées de ce qu’est la mission. En quoi ces différentes conceptions contribuent-elles à élargir et à approfondir notre conception de la mission, et de quelles conceptions de la mission l’Eglise a-t-elle besoin aujourd’hui ? Que pouvons-nous apprendre les uns des autres lorsque se rencontrent nos différentes cultures, nos différentes expériences de la vie et nos différentes conceptions de la mission ?

Intention générale, but, objectifs et sous-thèmes

Ce contexte une fois posé, la conférence se proposait de discerner et d’étudier les points communs et les tensions entre deux conceptions de la mission : la conception de la mission comme évangélisation, et la conception de la mission comme développement, ainsi qu’elle a été et est encore pratiquée dans de nombreux pays du Sud : ceux qui ont autrefois subi une colonisation politique et ceux qui subissent actuellement une colonisation économique.

Nous avons voulu étudier pourquoi certaines Eglises se développent alors que d’autres s’étiolent ; en l’occurrence, notre but était d’entreprendre les démarches suivantes :

  • Etudier les tensions entre la mission conçue comme évangélisation et la mission conçue comme développement.
  • Examiner les implications de cette étude pour notre contexte international et pour nos contextes particuliers.
  • Nous interpeller mutuellement pour essayer de définir ce que devraient être le rôle et la pratique de la mission dans et pour le XXIe siècle.
  • Etudier le rôle du dialogue entre religions et ses relations avec la mission.
  • Réfléchir sur le rôle de l’Eglise chrétienne dans le monde d’aujourd’hui.
  • Percevoir concrètement la réalité du contexte zambien dans lequel est aujourd’hui pratiquée la mission.
  • Réfléchir sur ce que cela signifie que de vivre notre mission dans le monde actuel.

Objectifs:

  • Comprendre et apprécier le don de la mission conçue comme évangélisation et le don de la mission conçue comme développement.
  • Cerner dans leur complexité les problèmes auxquels, en tant qu’Eglise à l’échelle du monde, nous sommes confrontés, commencer à les comprendre et à s’y attaquer.
  • Que des représentants de tous les continents pratiquant une mission conçue surtout comme évangélisation nous expliquent pourquoi ils le font, afin que nous puissions mieux saisir la pertinence de cette conception pour notre propre activité.
  • Nouer des contacts et des dialogues avec de multiples personnes et conceptions de la mission conçue comme évangélisation.

Sous-thèmes:

  • Le monde dans lequel nous vivons et travaillons
  • Racines bibliques et historiques
  • La mission sur les cinq continents
  • La mission et le VIH/sida
Au cours de cette conférence, les participants ont également poursuivi les travaux préparatoires en vue de la Conférence mondiale sur la mission et l'évangélisation qui doit avoir lieu en 2005. Pour ce faire, des séances d’information leur ont été proposées et un groupe de trois personnes leur a fourni des informations supplémentaires, notamment sur les précédentes conférences mais aussi et surtout sur la conférence à venir. Dans le cadre de ce processus de préparation, l’un des participants, le professeur Michael Kinnamon, avait rédigé un document présentant une synthèse des informations fournies au cours des exposés proposés aux participants et portant essentiellement sur la réconciliation et la guérison, qui constituent le cœur du thème de cette conférence. Tous les exposés présentés à cette occasion seront ultérieurement publiés sous forme de livre.

Le programme de la conférence de Livingstone comprenait notamment les éléments suivants :

 
  • Chaque jour, deux exposés étaient consacrés au thème principal ; ils étaient suivis d’une table ronde au cours de laquelle deux ou trois participants faisaient connaître leurs réactions. Il était également prévu d’avoir des discussions et des réflexions en petits groupes, mais ils se sont rarement réunis.
  • Deux visites sur le terrain ont été organisées dans des régions rurales du pays.
  • Il y a eu aussi un certain nombre d’exposés non officiels ; pouvaient également se réunir des petits groupes voulant discuter d’un point particulier énoncé par des participants.
  • Le culte du matin et les vêpres quotidiennes ont été animés par des personnes d’origine et d’appartenance confessionnelle différentes.

Participant(e)s
Environ 200 personnes ont assisté à cette conférence, dont un très grand nombre de spécialistes mondialement connus ; les cinq continents étaient représentés. Les exposés principaux consacrés au thème ont donc été présentés par des personnes représentant un large éventail de contextes, de perspectives théologiques, politiques, sociales et économiques ainsi que de toutes les Eglises et organisations partenaires ;

étaient représentées à cette occasion non seulement les grandes Eglises traditionnelles de tous les continents mais aussi certaines Eglises évangéliques et Eglises de libération ainsi que des facultés de théologie de différentes parties du monde.

Une bouffée de fraîcheur et de richesse nous a été apportée par une centaine d’étudiants du collège UTCZ, qui ont fait connaître leurs réactions à l’occasion de rencontres tant officielles qu’informelles. Cela a été pour nous un signe fort d’espérance, de joie et de reconnaissance, notamment lorsque leur chorale a chanté et dansé à plusieurs occasions, pendant le culte et d’autres activités.

En plus des personnes chargées du culte du matin et du soir, nous avons entendu, dans l’ordre chronologique, les oratrices et orateurs suivants : Elizabeth Joy (CME), Abraham Berinyuu (Réseau œcuménique de défense des personnes handicapées – EDAN), Charles Wanamaker (Afrique de Sud), Elsa Tamez (Costa Rica – elle avait envoyé son discours), Carlos Ham (Cuba – COE), Peter Henriot (jésuite – Zambie), Israel Selvanayagam (Inde – travaille à Cambridge), Aruna Gnanadason (Inde – travaille au COE), Charles Thomas (Mindolo), Michael Kinnamon (Etats-Unis), Maake Masango (Afrique du Sud), Esther Mombo (Kenya), Edwin Zulo (Afrique du Sud), Lucy Kasanga (Zambie), Ivone Gebara (Brésil), Adolfo Ham (Cuba), Jacques Thomson (Ecosse), Ernst Conradie (Afrique du Sud), Stephen Plant (Angleterre), Ken Ross (Ecosse), John Kafwanka (Zambie), Caroline Wickens (Angleterre – travaille au Kenya), Marilyn Legge (Canada), Chris Ferguson (Canada), Musonda Bwalya (Zambie), Muimui Sinyama (Zambie), Tobias Brankner (Suisse – travaille à Hong Kong), M Mahlangu-Ngeobo (Afrique du Sud – travaille aux Etats-Unis), Garth Mundle (Canada), Isabel Phiri (Malawi – travaille en Afrique du Sud) et Japhet Nhlovu (Zambie). Nos hôtes étaient Betty Marlin (Canada, UTCZ), Teddy Kalongo, président de l’UTCZ, et l’évêque Patrice Siyemeto, président de l’Eglise unie de Zambie (UCZ).

Si les cinq continents étaient représentés, nous avons cependant regretté l’absence de représentants de l’Europe de l’Est, de l’Asie de l’Est et du Pacifique. Il n’y a eu aucune intervention de la tradition orthodoxe, et la contribution des traditions évangélique et pentecôtiste a été très limitée ; notre conférence en eût été plus riche et plus représentative. Mais, du moins, un prêtre catholique romain participait à cette conférence.


Visite à des Eglises d’Argentine et d’Uruguay –
Mai - juin 2004

Du 27 mai au 2 juin 2004, je me suis rendu en Argentine et en Uruguay, où j’ai été l’hôte du pasteur Juan (Hansy) Gattinoni, du Conseil des Eglises d'Amérique latine (CEAL), secrétaire régional pour le « Rio de la Plata », qui englobe l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay. Notre programme fut divers et chargé, avec la visite d’une ville par jour : Buenos Aires, Rosario, Córdoba et Mar del Plata en Argentine, et Montevideo en Uruguay.

But de la visite
Pour le CEAL, la mission et l’évangélisation ont une haute priorité ; cela a notamment été le thème du colloque sur la mission qui s’est tenu à Barranquilla (Colombie) avant l’Assemblée générale du CEAL de 2001 ; la mission et l’évangélisation sont favorisées par le fait que les Eglises présentes sur ce continent, surtout les Eglises évangéliques et pentecôtistes (qu’elles soient ou non membres du CEAL) se développent très rapidement et que leur mission est de plus en plus présente dans le domaine public. Dans le cadre de ce processus, le programme « Mission et évangélisation » du COE s’est engagé dans un programme triennal destiné à soutenir cette initiative et qui porte plus particulièrement sur l’évangélisation.

Nous avons eu des discussions et des entretiens avec des pasteurs et des responsables d’Eglise sur la dimension de l’évangélisation. En particulier, nous avons discuté de questions liées à la Conférence sur la mission et l’évangélisation qui doit avoir lieu en 2005 et qui aura pour thème : « Viens, Esprit Saint, guéris et réconcilie ! – Appelés en Christ à être des communautés de guérison et de réconciliation ».

Nous avions également l’intention de réfléchir sur le thème « Transforme le monde, Dieu, dans ta grâce », qui sera le thème de la prochaine Assemblée du COE, en 2006 ; il s’agit d’une proposition des Eglises latino-américaines qui est centrée plus particulièrement sur la grâce ; mais, en fait, nous avons surtout mis l’accent sur toute la question de l’approche missiologique des paroisses et des Eglises en tant que communautés de guérison et de réconciliation.

Ce que j’ai trouvé extrêmement satisfaisant au cours de cette visite, c’est que nous n’avons pas discuté uniquement avec des dirigeants nationaux des Eglises des deux capitales (Buenos Aires et Montevideo), mais que nous avons eu aussi l’occasion de rencontrer des pasteurs et des responsables religieux de différentes localités d’Argentine. Dans le présent rapport, nous essaierons de vous communiquer l’essentiel de ce dialogue, qui a été extrêmement riche et qui, de ce fait, constituera une contribution utile à toute la discussion sur ce thème.

Buenos Aires
Ce programme a commencé par une rencontre dans les locaux du CEAL, le 27 mai, avec des évêques, des présidents, des modérateurs et des secrétaires généraux des Eglises protestantes traditionnelles de ce pays. Etaient représentées par au moins une personne les Eglises suivantes (qui ne sont pas toutes membres du COE et du CEAL) : Eglise évangélique des disciples du Christ, Eglise évangélique du Rio de la Plata, Eglise anglicane, Eglise du Christ, Eglise chrétienne biblique, Eglise luthérienne, Eglise évangélique congrégationaliste et Eglise presbytérienne. Certains des participants entretiennent des rapports de collaboration très étroits avec le COE, notamment le pasteur German Zijlstra, membre de la Commission « Education et formation œcuménique » et secrétaire exécutif de l’AIRPAL (Assemblée régionale de l’Alliance réformée mondiale pour l’Amérique latine), et le pasteur Hector Petrecca, membre de la Commission « Mission et évangélisation ».

Nous avons discuté, entre autres choses, des questions suivantes :

  • Théologie et pratique œcuméniques de la mission considérée comme évangélisation.
  • Présentation détaillée de la Conférence mondiale sur la mission et l'évangélisation (programme, thème, participants, style, vie spirituelle, lieu).
  • Les relations entre le COE et l’Eglise orthodoxe, en particulier les implications, pour ces relations, du lieu où se tiendra la Conférence mondiale sur la mission et l'évangélisation. Le choix de ce lieu a-t-il été influencé par des motifs politiques ?
  • Les communautés locales, agents de réconciliation et de guérison dans un monde blessé, déchiré par la violence, l’exclusion et la marginalisation.
  • La réconciliation et la guérison considérées comme la base de l’unité des chrétiens. Nous ne pouvons pas évangéliser si nous ne sommes pas guéris. Pour que la société puisse guérir, il faut que l’Eglise soit en bonne santé.
  • Discussion du statut juridique des Eglises protestantes vis-à-vis de l’Eglise catholique romaine, ce statut pouvant être un facteur d’unité.
  • Le dialogue interreligieux.
  • La question de la réconciliation du pays après la dictature militaire a été reposée en public par l’Eglise catholique romaine ; cependant, cette discussion doit aussi prendre en considération la vérité et la justice.
  • Un membre du Réseau œcuménique de défense des personnes handicapées (EDAN) a fait remarquer que la question du handicap est absente dans le discours des Eglises. Lorsque nous parlons de guérison et de réconciliation, il faut également aborder ce thème.
  • La visite du pasteur Samuel Kobia en Argentine (du 14 au 16 novembre). Les Eglises ont constitué une commission chargée de préparer cette visite.
  • La participation des Eglises argentines membres du COE à la Conférence mondiale sur la mission et l'évangélisation.
  • Les participants se sont réjouis de ce que les Eglises d’Amérique latine aient l’occasion de recevoir la prochaine Assemblée du COE, qui aura lieu à Porto Alegre ; il s’agit là, à la fois, d’un honneur et d’une responsabilité.
  • Le paiement des cotisations des membres du Conseil œcuménique des Eglises.

Visite à l’ISEDET
Dans l’après-midi, nous avons rencontré M. René Kruger, président de l’Institut supérieur évangélique d’études théologiques (ISEDET, Instituto Superior Evangélico de Estudios Teológicos), qui jouit d’une très grande réputation dans la région. De nombreux évêques, dirigeants d’Eglise et pasteurs y ont étudié. Nous avons également eu l’occasion de rencontrer Mme Mercedes García, doyenne de la Faculté de théologie.

Outre le programme d’études traditionnel, cet Institut a introduit de nouvelles disciplines telles que la résolution des conflits, la réconciliation, l’alcoolisme, la toxicomanie, la formation à la pastorale pour les populations autochtones (qui met surtout l’accent sur la Bible et la terre) et les personnes handicapées. Il est également prévu d’y ajouter le thème du VIH/sida. Après notre visite, nous avons envoyé le CD CD réalisé par l’EHAIA (Initiative œcuménique de lutte contre le VIH/sida en Afrique), qui présente le travail réalisé par le COE en la matière.

Rencontre à la FAIE
Le soir, nous avons été reçus, dans son bureau, par le président de la Fédération argentine des Eglises évangéliques (FAIE). Il nous a confirmé que le thème de la réconciliation s’impose à nouveau dans la société. Entre autres questions abordées, nous avons discuté de l’enregistrement légal des Eglises protestantes et évangéliques, de la « guerre spirituelle », de la théologie de la prospérité, du rôle des médias au service de l’évangélisation, de la conférence mondiale d’Athènes ainsi que des relations entre protestants et catholiques romains.

Rosario
L’un des meilleurs moments de cette visite fut, bien évidemment, l’occasion qui nous fut donnée de rencontrer l’évêque Federico Pagura (et son épouse Rita), l’un des présidents du COE en même temps qu’un ami de longue date ; c’est l’un de nos prophètes et patriarches d’Amérique latine. Au terme d’une enrichissante conversation chez lui, voici les principaux points que nous avons notés : les défis auxquels est confronté le mouvement œcuménique, les problèmes des droits de la personne, le rôle actuel de la population des Etats-Unis (victime ou complice de la doctrine impériale de « sécurité nationale » ?). Nous avons ensuite rencontré des membres de la Chaire œcuménique du nouveau monde (Cátedra Ecuménica « Mundo Nuevo »), où sont représentés non seulement les protestants, mais aussi les orthodoxes et les catholiques romains.

Notre discussion a porté notamment sur les points suivants : la nécessité de reconstruire le tissu social, la crise de l’autorité, les gangs, le trafic de drogue, le rôle des Eglises dans le contexte actuel, les conditions de vie des populations autochtones, la détérioration de la situation des enfants et des jeunes, le rôle de la Chaire œcuménique, qui permet aux Eglises d’aborder des questions de société – et en particulier celle des droits de la personne – à la lumière d’une réflexion théologique et biblique responsable. Ont notamment pris la parole au cours de cette rencontre Leonardo Boff, Julio de Santa Ana, le père Casaldáliga, etc.

Nous avons également consacré une partie de notre discussion à la Conférence mondiale sur la mission et l'évangélisation, en 2005, et à l’Assemblée de Porto Alegre. Nous espérons que la Chaire œcuménique sera représentée dans le Programme de partenariat.

J’ai aussi eu l’occasion de faire une visite mémorable à la maison natale d’Ernesto « Che » Guevara ainsi qu’au monument au drapeau de la République.

Córdoba
A Córdoba, la réunion s’est tenue au Centre œcuménique. J’ai été particulièrement impressionné par la profonde mentalité et le solide engagement œcuméniques des Eglises de cette ville : elles ont en effet voulu être représentées à notre réunion et y participer. Une vingtaine de personnes étaient présentes, représentant les Eglises suivantes : Eglise évangélique du Rio de la Plata, Développement de la famille, Œuvre de consolation, Eglise baptiste, Eglise catholique romaine, Eglise anglicane, Eglise méthodiste, Eglise évangélique indépendante, Eglise congrégationaliste, Eglise missionnaire du Verbe divin, Frères libres, Société biblique, Eglise luthérienne et Eglise chrétienne réformée.

Hansy et moi avons commencé par fournir des informations sur la prochaine Conférence mondiale sur la mission et l'évangélisation, puis nous avons eu une discussion très fournie au cours de laquelle ont été notamment abordés les points suivants : le sens de la guérison en rapport avec la foi chrétienne (relations avec les pentecôtistes, personnes âgées, personnes « handicapées », violence en famille, maladies mentales, Jésus Christ qui guérit les corps et les âmes, le péché, la crise des systèmes médicaux, l’hygiène, l’équilibre psychologique, etc.) ; le renouveau charismatique ; la dichotomie que l’on constate dans les Eglises et le mouvement œcuménique entre les questions sociales et la mission et l’évangélisation, et donc la nécessité de retrouver la conception et la pratique holistiques de la mission et de l’évangélisation, qui incluent aussi la diaconie ; la position opportuniste (le silence !) des Eglises face aux réalités sociopolitiques ; l’attention à porter aux familles, et plus particulièrement aux enfants et aux jeunes ; l’éducation et la formation œcuménique ; la confrontation entre liberté religieuse et égalité religieuse.

Pour ce qui est de la dimension pneumatologique du thème de la Conférence mondiale sur la mission et l'évangélisation, nous avons également réfléchi sur le rôle de l’Esprit Saint, appelé à guérir nos relations œcuméniques et qui nous rend capables de la mission : « Nous faisons ce que nous pouvons, et l’Esprit Saint fait le reste » ; le besoin de repentance et de réconciliation ; la nécessité de partager nos visions et nos rêves ; la manière dont certaines Eglises prétendent avoir le monopole de l’Esprit alors que, s’il n’y a qu’un seul Esprit, le Corps a plusieurs membres aux dons divers ; le fait que, si nous sommes divers, nous sommes aussi complémentaires ; la mission de l’Eglise est la mission de l’Esprit Saint ;
il s’agit de reconstruire le tissu social, d’être plus humain, de créer des « espaces de sécurité » dans lesquels chaque contribution sera reconnue et appréciée à sa juste valeur ; à la Pentecôte, l’Esprit Saint trouve les apôtres en prière – d’où l’importance de la prière, en écoutant la voix de Dieu, et de l’ouverture à la diversité ; il s’agit de réconcilier la diversité et d’annoncer un seul Evangile, un seul Jésus ; pas seulement de lutter contre les violations des droits de la personne mais de nous réconcilier les uns avec les autres dans l’amour de Dieu et de marcher ensemble ; annoncer la personne et l’Evangile de Jésus Christ, cela implique de dénoncer l’injustice.

Buenos Aires
De retour dans la capitale argentine, il m’a été donné de prêcher dans deux églises le dimanche de la Pentecôte (30 mai). Le matin, à l’église méthodiste de Temperley dont Hansy est le pasteur, j’ai eu une occasion exceptionnelle de prier dans ce « laboratoire liturgique » où Hansy, en sa qualité de responsable du réseau liturgique du CEAL, met en pratique des idées et expériences nouvelles. Le soir, j’ai également prêché dans les locaux de l’Eglise chrétienne biblique, dont le pasteur est notre ami Héctor Petrecca. En fait, pour un pasteur protestant, ce n’est pas rien que de prêcher dans une Eglise pentecôtiste le dimanche de la Pentecôte !

Entre ces deux cultes, j’ai pu passer un moment de détente et d’enrichissement avec Aldo Etchegoyen, ancien évêque de l’Eglise méthodiste d’Argentine et membre du Comité central du COE. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt ses remarques sur la situation sociale, politique et économique du pays et sur la mission de l’Eglise dans ce cadre, mais aussi sur la prochaine Assemblée du COE à Porto Alegre, sur la visite de Samuel Kobia en Argentine et sur d’autres aspects de la vie du COE.

Mar del Plata (océan Atlantique)
J’y ai été reçu par le pasteur Gerardo Oberman, vice-président de l’Eglise réformée d’Argentine. Nous avons eu une très enrichissante conversation de quatre heures avec plus de vingt pasteurs et responsables religieux de la ville, dont beaucoup appartenaient à des Eglises pentecôtistes et évangéliques qui ne sont membres ni du CEAL ni du COE.

Après une présentation liminaire générale sur le COE en général, j’ai parlé de l’importance de la prochaine Conférence mondiale sur la mission et l'évangélisation, en 2005, et aussi, entre autres, de la prochaine Assemblée du COE, à Porto Alegre (Brésil). Une question m’a été posée à propos des critères d’adhésion au Conseil. Puis nous avons eu une intéressante conversation sur la guérison, avec des interventions des participants pentecôtistes et évangéliques. Nous avons évoqué la conception de l’Eglise considérée comme communauté de guérison, tant pour elle-même qu’à l’égard de la société. Un pasteur a parlé de miracles de guérison et même de résurrection dans son Eglise. Nous avons également discuté du sens de la conversion.

Nous avons aussi consacré une partie de nos réflexions à l’Eglise considérée comme communauté de réconciliation. On a bien souligné qu’il était important de cultiver, dans la société, le caractère chrétien et le témoignage chrétien. Une très intéressante analyse nous a été donnée de l’éducation chrétienne, de la crise du système éducatif et des écoles du dimanche dans le pays, ainsi que du rôle de la famille qui, en pratique, se charge de l’éducation chrétienne, en particulier des jeunes et des enfants. L’importance de la formation œcuménique a elle aussi été bien soulignée.

Enfin, nous avons eu une intéressante discussion à propos du festival Great music! Good News! que l’évangéliste international Luis Palau a organisé à Mar del Plata en janvier dernier ; en deux jours, ce festival a attiré plus de 310 000 personnes. Ce fut l’un des principaux événements musicaux chrétiens qui aient jamais eu lieu dans ce pays d’Amérique latine, dont Palau est d’ailleurs originaire. On a pu y entendre certains des artistes latino-américains les plus populaires, notamment Jose Luis Rodriguez (« El Puma ») et Yuri, la superstar mexicaine.

Montevideo (Uruguay)
Au cours de la très brève visite que nous avons faite dans cette ville (moins de 24 heures), nous avons eu deux réunions : l’une avec des responsables nationaux d’Eglises appartenant au CEAL, au COE et à la Fédération des Eglises protestantes, l’autre avec des pasteurs et différents responsables religieux locaux. Au cours de ces deux réunions, nous avons parlé de la Conférence mondiale sur la mission et l'évangélisation de 2005, de l’Assemblée de Porto Alegre ainsi que de la visite que le pasteur Samuel Kobia, secrétaire général du COE, doit effectuer en novembre prochain en Uruguay.

La seconde réunion fut plus particulièrement consacrée au sens à donner aux termes d’évangélisation, de réconciliation et de guérison. Nous avons admis que, par le passé, nous nous sommes plus préoccupés du concept et de la pratique de la réconciliation alors que, dans nos Eglises « traditionnelles », la guérison est plutôt rare.
Nous avons en particulier mentionné le fait qu’il y a beaucoup de personnes qui sont malades, qui ont des problèmes personnels et familiaux. Les jeunes sont confrontés à une situation critique, à la désespérance, sans perspective d’avenir, beaucoup veulent émigrer, et on constate une augmentation des problèmes liés au consumérisme, à la criminalité, au suicide et à la consommation de drogue ; dans ce pays, 57 pour cent des jeunes vivent au-dessous du seuil de pauvreté.

La guérison et la réconciliation par la grâce de l’Esprit Saint contribuent à faire avancer un dialogue qui vise à la guérison holistique et qui sous-tend la recherche du shalom. Il s’agit de sauver non pas seulement l’âme, mais aussi le corps et toute la société. Les campagnes de guérison donnent-elles naissance à des communautés de guérison ? Une communauté qui n’est pas en bonne santé ne peut pas se développer. Il est important de considérer la guérison dans une perspective de prévention.

En conclusion
Cette visite fut très fructueuse, en particulier parce que nous ne sommes pas restés cantonnés dans les capitales. J’ai beaucoup apprécié l’occasion qui m’a été donnée de rencontrer de nombreux pasteurs et responsables religieux locaux, qui font preuve d’un très sincère engagement envers le mouvement œcuménique. Ce fut pour moi une expérience très enrichissante, une très bonne occasion non seulement d’approfondir mes connaissances théologiques au contact de la théologie de l’évangélisation telle qu’elle est conçue et pratiquée par les Eglises de la région, mais aussi de recevoir des idées nouvelles et des encouragements de la part du peuple de Dieu qui, se trouvant dans une situation désespérée et ne sachant pas ce que l’avenir lui réserve, sait du moins Qui tient l’avenir entre ses mains.

Ce qui m’a toujours frappé, c’est que les réunions et rencontres ne se réduisaient pas à une intéressante conversation sur un thème particulier : elles constituaient aussi, pour les pasteurs et responsables religieux locaux, des occasions supplémentaires de se rencontrer, de réfléchir ensemble sur les défis que la société nous lance à tous, de relancer leur volonté d’être des communautés de guérison et de réconciliation, par la puissance de l’Esprit Saint –tout cela venant renforcer les liens qui les unissent déjà. Ces réunions nous ont par ailleurs donné de bonnes occasions de faire connaître ce que le CEAL et le COE font pour l’unité visible des Eglises dans la perspective de transformer le monde – tous ensemble et par la grâce de Dieu.

Pour terminer, je tiens à remercier le Conseil des Eglises d'Amérique latine (CEAL) de cette expérience très enrichissante, et aussi tout mes hôtes, et plus particulièrement mon frère Hansy Gattinoni ; il ne s’est pas contenté de préparer un excellent programme : il a passé la plus grande partie de son précieux temps en déplacements, dans ce qui fut un voyage d’espérance.

Nous vous invitons à prier pour la Conférence mondiale sur la mission et l’évangélisation qui se déroulera à Athènes (Grèce) du 9 au 16 mai 2005
sur le thème :
VIENS, ESPRIT SAINT, GUERIS ET RECONCILIE !
Appelés en Christ à être des communautés de réconciliation et de guérison

Si vous avez une histoire ou une expérience à raconter, une belle parole à faire connaître sur la manière dont l’Evangile est proclamé dans un esprit œcuménique et novateur dans votre région – communiquez-les nous, et nous serons heureux de les publier !
Nous vous invitons à prier pour le
Forum pour l’évangélisation du monde en Thaïlande, qui se déroulera du 29 septembre au 5 octobre 2004
sur le thème
UNE VISION NOUVELLE – UN CŒUR NOUVEAU – UN APPEL RENOUVELE
sous les auspices du
Comité de Lausanne pour l’évangélisation du monde
La Lettre œcuménique sur l’évangélisation est publiée dans les quatre langues du COE