Numéro 1
Avril 2006

Chers frères et sœurs en Christ,

Nous vous saluons chaleureusement: "Nous rendons continuellement grâce à Dieu pour vous tous quand nous faisons mention de vous dans nos prières; sans cesse, nous gardons le souvenir de votre foi active, de votre amour qui se met en peine et de votre persévérante espérance en notre Seigneur Jésus Christ" (1 Thessaloniciens 1,2-3).

Nous avons le grand plaisir de vous communiquer, dans ce numéro de notre Lettre œcuménique sur l'évangélisation, quelques informations sur la mission et l'évangélisation provenant de la Neuvième Assemblée du Conseil œcuménique des Eglises qui s'est tenue à Porto Alegre, au Brésil, du 14 au 23 février 2006 et dont le thème était: "Transforme le monde, Dieu, dans ta grâce".

Nous publions le rapport final de l'entretien œcuménique n° 1 sur "La mission: des communautés de guérison et de réconciliation", qui s'est déroulé en trois séances, et deux exposés présentés à l'atelier 75 intitulé "La Parole que nous proclamons: annoncer l'Evangile dans un contexte de rupture et de déshumanisation", mettant l'accent sur l'intégralité de l'Evangile transformateur. Cet atelier a été préparé par les secrétariats Mission urbaine et rurale et Evangélisation.

Le premier exposé est celui du père Gosbert T.M. Byamungu, catholique romain d'Afrique, professeur à l'Institut œcuménique de Bossey, sur "La Bible, l'évangélisation et la justice sociale"; le second a été présenté par le pasteur Sherron George, de l'Eglise presbytérienne (Etats-Unis), professeur de missiologie au Brésil.

Enfin, nous publions aussi sous forme imprimée une interview où évangéliques et pentecôtistes se sont exprimés lors de l'Assemblée, qui souligne l'importance de l'évangélisation pour l'ensemble de l'oikoumene.

Nous espérons que toutes ces informations vous seront utiles. Si vous désirez plus de détails, veuillez visiter le site de l'Assemblée. Vous y trouverez des documents importants, dont le "Message de la Neuvième Assemblée du Conseil œcuménique des Eglises: une invitation à la prière".

Bien à vous dans l'évangélisation

Carlos Emilio Ham
Chargé du programme "Evangélisation" du COE


Entretien œcuménique No. 1
La mission: des communautés de guérison et de réconciliation
Rapport final

Introduction

A l'ère de la mondialisation, de la violence, de la polarisation idéologique, de la fragmentation et de l'exclusion, quelle est l'importance de la mission chrétienne? Cet entretien œcuménique nous a offert l'occasion de réfléchir au message de l'Evangile et aux méthodes de la mission dans un tel contexte.

Saint Paul parle de la nouvelle création annoncée par le Christ et mise en œuvre par le Saint Esprit. " En Christ", dit-il, "c'était Dieu qui réconciliait le monde avec lui-même, ne mettant pas leurs fautes au compte des hommes, et mettant en nous la parole de réconciliation. C'est au nom du Christ que nous sommes en ambassade, et par nous, c'est Dieu lui-même qui, en fait, vous adresse un appel. Au nom du Christ, nous vous en supplions, laissez-vous réconcilier avec Dieu" (2 Corinthiens 5,19-20). Nous croyons que c'est cette "nouvelle création" qui, par le Saint Esprit, constitue le but même de la mission de Dieu.

La réconciliation, qui est restauration de relations justes avec Dieu en Christ, est la source de la réconciliation avec soi-même, avec les autres et avec l'ensemble de la création. En tant que chrétiens, nous sommes invités à recevoir et à célébrer ce don et, animés par l'Esprit, à engager les Eglises dans des formes pertinentes de mission et de proclamation qui révèlent la vision du Christ qui veut que tous aient la vie en plénitude.

Ambassadrices de ce message et partenaires dans la mission de Dieu, les Eglises sont appelées à tendre la main aux personnes, aux familles, aux collectivités et aux nations en témoignant de la puissance de l'Esprit Saint qui peut transformer le monde, signe vivant de la nouvelle création de Dieu. Nous sommes appelés à devenir des instruments de guérison et de réconciliation face à la maladie, aux conflits et aux tensions, aux crises et aux souffrances. Mais nous sommes aussi appelés à être des disciples, au cœur de la quête de sens et de communauté, là où des formes de spiritualité ou de religiosité "privées" semblent attirantes et où les Eglises manquent d'ecclésiastiques et perdent leurs membres.

La route qui mène à la réconciliation et à la guérison n'est pas aisée. Elle exige que nous sachions écouter et dire la vérité; elle exige aussi la repentance, le pardon et un engagement sincère envers le Christ et sa justice. Elle comprend la guérison physique, mentale, émotionnelle et spirituelle. Sur ce chemin, on trouve aussi la guérison au cœur des luttes pour la justice sociale, économique et écologique, la réconciliation de communautés et d'Eglises en conflit. Elle exige de nous que nous prenions soin de paroisses en quête de renouveau et témoignions de l'Evangile de la grâce transformatrice, là où des gens cherchent désespérément un sens spirituel à la vie. La vie, sur cette route, est marquée par le tension née du fait que le royaume de Dieu est à la fois "déjà présent" et "encore à venir", mais s'appuie sur l'assurance que toute guérison véritable vient de Dieu.

Au sein des nombreuses traditions qui sont les nôtres, nous avons en commun une grande richesse d'expériences, de témoignages et de dons permettant de renforcer notre témoignage commun au Seigneur ressuscité: la guérison par la prière, les pratiques ascétiques et les charismes, les sacrements et les liturgies, les ministères médicaux et spirituels, les approches sociales et systémiques - que la présence du Saint Esprit fait vivre.

L'entretien œcuménique

Premier jour. Quelles sont les forces et les faiblesses de la mission et de l'évangélisation en tant que guérison et réconciliation?

Mme Ruth Bottoms, pasteure baptiste et ancienne présidente de la Commission de mission et d'évangélisation, a rappelé que la Commission a choisi le thème ‘guérison et réconciliation’ comme centre de la Conférence mondiale sur la mission et l'évangélisation qui s'est tenue à Athènes en 2005. Nous avons été appelés à participer à la 'Missio Dei', le ministère de la réconciliation nous a été confié, pour marcher à la suite de Jésus qui guérissait et ne se contentait pas de prêcher, mais accomplissait aussi des actes de bonté.

Plusieurs participants ont dit que nous ne réservons pas suffisamment de temps et d’espace à la réflexion sur le contenu de la bonne nouvelle que nous cherchons à partager, et à l'expression que nous donnons à l'évangélisation. Avons-nous peur de parler de l'évangélisation et de la pratiquer? Nous reconnaissons que ce que l'un appelle évangélisation a nom prosélytisme pour d'autres, mais il faut que nous parlions ensemble de cette question si notre témoignage doit être authentique. Comment allons-nous poursuivre ce dialogue? Comment le COE peut-il créer un espace œcuménique où nous puissions poursuivre le dialogue sur nos conceptions de la mission et de l'évangélisation?

Des discussions animées, en petits groupes, ont eu pour centre le partage d'expériences et l'échange d'idées sur les questions de la guérison et de la réconciliation. On a aussi discuté de l'abus de pouvoir dans les pratiques de la mission et de l'évangélisation.

Au sujet de la mission de guérison et de réconciliation, quelques thèmes centraux sont apparus:

Le dialogue en tant que condition préalable, en reconnaissant que la guérison et la réconciliation font aussi l'objet des préoccupations d'autres organisations à côté des Eglises. Comment travailler en partenariat avec d'autres groupes actifs dans la société?

La solidarité avec ceux qui souffrent: prendre le temps de les écouter, et leur ménager un espace où ils puissent exprimer leurs sentiments de peine et leur colère. Leur tendre la main, en tant qu'ambassadeurs de réconciliation, reconnaître que nous avons nous-mêmes besoin d'être guéris et réconciliés avant de pouvoir aider les autres à trouver la guérison et la réconciliation; affirmer l'importance des rituels et de la pratique religieuse, qui contribuent au processus de guérison. Il faut que les Eglises prennent en compte l'impact de la consommation et de la sécularisation sur la foi chrétienne et évitent de fournir des solutions toutes faites.

Au nombre des exemples d'abus de pouvoir dans le cadre de la mission et de l'évangélisation, on a mentionné: l'arrogance dans la pratique missionnaire et une manière de 'christianiser' les gens qui fait naître le soupçon et les préjugés à l'encontre du christianisme en général; la questions du langage et de ses connotations impérialistes; ce que l'on appelle la 'théologie de la prospérité' et la corruption qui l'accompagne.

Deuxième jour. Partage et apprentissage à partir de la diversité des expériences

Le pasteur Hector Petrecca, d'Argentine, issu de la tradition pentecôtiste, a mis en lumière le fait que le Eglises sont des communautés thérapeutiques, pratiquant la mission de Dieu par Jésus, afin d'apporter la restauration, la guérison et la libération. La guérison et la réconciliation sont une priorité, de même que l'annonce de la bonne nouvelle aux pauvres. En aidant nos voisins, quelle que soit leur religion, nous leur donnons une espérance en même temps qu'un toit, de la nourriture et des vêtements, pour qu'ils puissent trouver la guérison intérieure. Il a fait remarquer qu'il faut reconnaître que les jeunes constituent une priorité.

Mme Hae-Sun Jung, de l'Eglise méthodiste de Corée du Sud, a cité l'exemple des Eglises coréennes et de leur ministère de réconciliation entre les deux Corées. La paix et la réconciliation doivent précéder une réunification systématique, et cela fait partie du ministère des Eglises, qu'elles doivent mettre en œuvre par le dialogue, la prière et la coopération dans le domaine de l'aide humanitaire.

La professeure Dimitra Koukoura, du Patriarcat œcuménique, Grèce, a parlé du ministère de guérison dans la tradition orthodoxe, où il est conçu comme la restauration de notre condition humaine en tant qu'image de Dieu. L'eucharistie est considérée comme le 'remède' qui guérit toutes les blessures.

Après la présentation de ces trois études de cas, les participants ont mentionné d'autres exemples pris dans leurs contextes respectifs, illustrant la manière dont leurs Eglises relèvent le défi auquel elles font face et qui les engage à assumer les tâches de guérison et de réconciliation dans leurs divers contextes et pays.

Troisième jour. Pour aller de l'avant

La pasteure Marian McClure, de l'Eglise presbytérienne (Etats-Unis), a introduit l'entretien en posant la question suivante: 'Dans quels domaines avons-nous besoin d'une aide du COE, lorsqu'il est question de réconciliation?' Elle a fait quelques propositions et a demandé aux participants: 'Est-ce une liste pertinente pour l'époque actuelle?'

a) La question de l'évangélisation et du prosélytisme
Ruth Bottoms avait fait observer que "ce que les uns appellent évangélisation a nom prosélytisme pour d'autres". Les Eglise du monde envoient des milliers de personnes sur le champ missionnaire, et ma propre institution a le privilège de participer à cet effort. Simultanément, nous croyons à des relations réellement respectueuses avec les Eglises implantées en chaque lieu. Il arrive que ces Eglises protestent contre l'activité missionnaire. Il sera dont très important que le Conseil œcuménique des Eglises nous aide tous à réconcilier les valeurs que nous défendons et qui sont en tension sur ce point, et à nous réconcilier les uns avec les autres dans cette pratique de l'évangélisation.

b) Aider à montrer, lors de crises graves et prolongées, que les chrétiens ne sont pas indifférents
Lorsque la maladie et la destruction frappent de manière massive et durable, la communauté mondiale est attentive et demande: "Les chrétiens ont-ils fait voir qu'ils s'en soucient réellement?" Le COE nous a aidés, par exemple, à montrer que notre réponse à cette question est affirmative, en particulier en ce qui concerne le VIH/sida et la crise permanente de la pauvreté qui se perpétue. Le type de travail et la mission accomplis au travers du COE influencera la manière dont des centaines de millions de personnes considéreront les chrétiens au cours des années à venir. L'effet est réconciliateur. Au travers du COE, les Eglises doivent garder une sensibilité à l'égard de ces priorités et développer notre collaboration missionnaire en conséquence. C'est ainsi que nous pouvons montrer que les Eglises ne sont pas indifférentes et qu'elles peuvent aussi apprendre les unes des autres des modèles de participation à la mission. Ainsi, les Eglises peuvent essayer diverses approches et manières de coopérer afin que chacune d'elles puisse améliorer ses propres activités missionnaires.

c) Encourager la formation d'une communauté transnationale

Au travers de leurs efforts missionnaires et de leurs activités œcuméniques et interreligieuses, les Eglises créent des amitiés et des relations qui seraient très improbables par ailleurs. Ces amitiés sont à la racine d'un foisonnement étonnant de transformation spirituelle. Ces relations transnationales sont probablement la source de transformation la plus puissante pour les membres des Eglises des Etats-Unis aujourd'hui. Au travers des relations, le désir et l'espoir d'une réconciliation entre les peuples se développe et l'expérience du partage de l'Evangile selon des méthodes nouvelles se renforce. La plupart du temps, le développement des relations est le fait des communions membres du Conseil. Le Conseil œcuménique des Eglises peut aider les Eglises à trouver des solutions dans les situations où les relations sont bloquées, ou là où il faut en prendre particulièrement soin et les encourager. On pense à des situations telles que celles de la Corée du Nord et du Sud, de Taiwan et de la Chine, de l'accompagnement en Palestine et Israël, etc.

Les gens du Nord ont tendance à s'isoler de plus en plus, et la création de relations s'avère de plus en plus nécessaire, mais cela peut présenter aussi des difficultés. Le COE devrait peut-être en faire une de ses priorités. Pour moi, le moment le plus marquant de guérison et de réconciliation, durant les sept ans que j'ai passés à la CME, a été lorsque la majorité des membres de la Commission, qui n'étaient pas nord-américains, ont répondu à la question: "Quels sont les cinq objectifs missionnaires les plus importants des 50 prochaines années?". L’une des réponses a été "la ré-évangélisation de l'Amérique du Nord et de l'Europe". Merci pour cette parole profondément encourageante!

Le père Bernard Ugeux, prêtre catholique français, a guidé la réflexion vers une compréhension nouvelle du concept de guérison 'holistique'. La proclamation de la bonne nouvelle a lieu dans les communautés qui manifestent la réconciliation et la guérison dans leur propre vie. C'est le monde qui nous met au défi de mettre une cohérence entre notre enseignement de l'Evangile et notre relation aux autres.

A la Conférence de la CME à Athènes, nous avons beaucoup parlé de guérison holistique, c'est-à-dire d'une guérison qui affecte toutes les dimensions de la vie humaine, tant individuelle que sociale, les dimensions spirituelle, physique, émotionnelle, relationnelle, culturelle, politique, économique et environnementale. Tous ces aspects de la vie peuvent être perturbés ou endommagés et avoir besoin de guérison par la communauté. L'avantage de l'expression 'holistique' consiste en ce qu'elle révèle la complexité des personnes et montre quelle est la tâche de la mission et de la médecine pour rassembler et maintenir ensemble toutes ces dimensions.

Les sociétés privilégiées courent le risque de considérer la santé comme un état de bien-être parfait. Il existe encore un autre risque, qui est de considérer la santé et le salut comme identiques. Jésus guérissait pour indiquer que son salut concernait la personne dans sa totalité. Tous ceux qui sont guéris ne sont pas sauvés, mais ceux qui sont sauvés ne sont pas tous guéris. Mais c'est pour tous que le Christ est mort et qu'il est ressuscité.

Nous devons toujours nous soucier de tous. Le Christ ne va certainement pas toujours guérir physiquement, mais il guérit les esprits et les cœurs. Il n'est jamais indifférent, même lorsqu'il semble silencieux. Nous devons alors apprendre à discerner son action discrète. Souvent, la guérison spirituelle principale concerne notre relation à Dieu: on a souvent la tentation de lui reprocher d'être cause d'une maladie ou d'être indifférent. Ce qu'il faut, c'est rétablir une relation de confiance avec Dieu, notre Père.


Atelier 75: "La Parole que nous proclamons: annoncer l'Evangile dans un contexte de rupture et de déshumanisation"

La Bible, l'évangélisation et la justice sociale
Père Gosbert Byamungu

La Bible, Parole de Dieu, est un condensé de sagesse en vue de la Vie. Dans sa Parole, Dieu veut nourrir ses enfants sur le sentier rocailleux de la vie. Nous n'y trouvons pas seulement une consolation, de la force et du courage pour le voyage, mais aussi une sagesse qui nous enseigne comment mener une vie qui ait un sens. Si l'Evangile est la "bonne nouvelle" pour les pauvres, s’il est un message d'amour, la Bible est aussi un message de justice. C'est pourquoi l'évangélisation ne saurait se dérober lorsqu'il s'agit d'accomplir des actes d'amour concrets, le meilleur des antidotes à toute forme d'injustice, qu'elle soit sociale ou systémique.

Tout le débat commence avec le programme missionnaire de celui qui est venu nous donner la Vie. Au début de son ministère, Jésus annonce ce programme, en Luc 4,16 ss.: "annoncer la bonne nouvelle aux pauvres, proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté, proclamer une année d'accueil par le Seigneur". A la fin de sa vie, en Matthieu 25, nous entendons Jésus qui dit: "J'ai eu faim et vous m'avez donné à manger, […], j’étais nu, et vous m'avez vêtu […], en prison, et vous êtes venus à moi […]". L'évangélisation et les bénédictions donnent la plénitude de vie à ceux qui, d'une manière ou d'une autre, en ont trop peu. Nous les appelons les marginalisés de notre société, mais la Missio Dei consiste précisément à apporter la "béatitude aux pauvres" (Luc 6,20), et l'évangélisation a le même mandat. Luc ne ferme la porte à personne.

La tradition évangélique nous a transmis cinq paraboles qui ne se trouvent que chez Luc. Elles parlent de séparation et de justice. Ce sont: (1) le bon Samaritain (Luc 10,30-37); (2) le riche insensé (Luc 12,16-21); (3) le riche et le pauvre Lazare (Luc 16,19-31); (4) le pharisien et le collecteur d'impôts (Luc 18,10-14); (5) l'invité au festin (Luc14,7-11) et inviter ceux qui n'ont rien à rendre(Luc 14,12-14). Regroupées, toutes ces paraboles parlent de la bonne manière de se comporter. Pour cette présentation, je choisirai celle du riche et de Lazare.

Les deux hommes, le riche et Lazare, sont dépeints au cours de deux scènes, l'une qui se passe ici-bas et l'autre dans le monde à venir. Ici-bas, ces deux hommes sont séparés par une porte qui est toujours fermée. A l'intérieur, dans la maison, on mène une vie de luxe, alors qu'à l'extérieur, Lazare est assis, dans la misère. On aurait pu ouvrir la porte et faire entrer Lazare, pour le laisser au moins manger les miettes, mais le riche ne remarque même pas l'existence du pauvre. Puis tous deux meurent, et un renversement a lieu. Entre Lazare, qui est maintenant dans la gloire, dans le sein d'Abraham, et le riche qui est dans les tourments, il y a un abîme infranchissable. Aucune communication n'est possible, on ne peut pas revenir en arrière. Le péché du riche, c'est qu'il "n'a rien fait" face à la misère et à la détresse humaine. Ce n'est que dans cette vie qu'on peut jeter un pont par-dessus l'abîme entre le riche et le pauvre. Il est trop tard dans l'autre vie. Je pense que le thème de l'Assemblée est un appel à jeter un pont par-dessus l'abîme maintenant, ce qui aura des conséquences dans la vie à venir. C'est maintenant, me semble-t-il, que le temps est venu d'ouvrir les portes de l'oikoumene.

Luc tient aussi à la spiritualité, et particulièrement au pardon, qui est la manière d'aborder ces questions avec sagesse. Dans le chapitre 16, au verset 2, nous lisons que Jésus passe toute une nuit en prière. Au point du jour, il appelle ses disciples et choisit parmi eux les 12, les apôtres. Puis il donne ce que l'on considère comme l'enseignement le plus important de tout son ministère: le sermon sur la plaine. Ses paroles sont un défi: "Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient […]". C'est la sagesse de chacun des chrétiens, la méthode de la transformation du monde. En effet, dit-il "si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quelle reconnaissance (charis=grâce) vous en a-t-on? Les pécheurs eux-mêmes en font autant". L'accent est mis sur le "faire" (poiein).

Je pense que c'est là le défi de l'évangélisation et de l'existence chrétienne, pour tous les temps. Si le monde doit être transformé, cela viendra après que nous soyons transformés nous-mêmes par cet enseignement du Seigneur. Celui que Jean appelle "la Parole (logos)", qui est venu comme "Lumière" du monde dans "les ténèbres", nous dit: "Vous êtes la lumière du monde". Nous sommes envoyés pour refléter sa Lumière dans le monde et le transformer, en quelque sorte, en le faisant quitter ses ténèbres et en le rendant tel que Dieu le voulait à l'origine. La force de faire tout cela, nous la trouvons dans l'Ecriture Sainte. L'Ecriture transformera notre vision du monde, de sorte que nous verrons clairement ce qui est nécessaire pour construire des relations justes et des systèmes qui n'excluent personne, pour donner à tous les enfants de Dieu la vie en plénitude. Tel est le but de l'évangélisation, et il comprend tous les aspects de la justice globale.


Pasteur Sherron George
Eglise presbytérienne (Etats-Unis), professeur de missiologie au Brésil

LA MISSION DE DIEU,
MISSION DE RESTAURATION, DE SALUT, DE LIBÉRATION ET DE
RÉCONCILIATION
est le fondement et la source de la mission de l'Eglise

C'est pourquoi LA MISSION
est l'identité, la raison d'être et le but de l'Eglise
la responsabilité de chaque chrétien baptisé
est accomplie en partenariat avec Dieu et pour sa gloire sur les 6 continents
par l'Eglise sur les 6 continents.
Elle est locale et mondiale, holistique (intégrale), sans
compartimentation ni polarisation ou dichotomie.
C'est pourquoi la mission de Dieu envoie l'Eglise dans le monde
en lui assignant au moins 3 rôles, et elle comprend et mêle toujours 3 aspects:

L'ÉVANGELISATION
(l'Eglise messagère)
Dans une humilité audacieuse et un respect manifestés par le style de vie, les paroles, les attitudes et les actes
Proclamation verbale de la "bonne nouvelle"
Témoignage fidèle et dialogue
Engagement de foi et partage
Invitation/appel
Hospitalité – accueillir/recevoir
Initiation/appartenance/vocation baptismale
Intégration de nouveaux membres et de leurs dons
Nouveau développement de l'Eglise
Objectif: "Vie en plénitude" Conversion/vie de disciple/croissance
Confesser Jésus comme Seigneur
Edifier l'Eglise
Se propager

LE SERVICE ET LA COMPASSION
(l'Eglise servante/diakonia)
Miséricorde dans les actes, les attitudes, le dialogue, le style de vie et les paroles (pourquoi?)
Aide d'urgence en cas de crise
Personnes déplacées
Besoins des êtres humains: dignité, nourriture, logement, santé, éducation, salaire décent
Dialogue et coopération interreligieux
Création de coalitions et d'alliances
Objectif: répondre aux besoins des êtres humains
Développement de compétences/aide à l'autonomie
Guérir et édifier des communautés viables
Promouvoir les valeurs du Royaume de Dieu

LA JUSTICE SOCIALE
(l'Eglise prophétique)
par l'action politique, les attitudes, le dialogue
le style de vie et (la parole – pourquoi?)
Réconciliation et édification de la paix
Droits de la personne
Promotion de la défense des causes de justice et de paix
Solidarité avec les pauvres
Mettre un terme à la violence, au terrorisme, à la guerre
Justice économique
Répartition équitable du pouvoir et des systèmes
Justice écologique
Politique publique
Dialogue et coopération interreligieux
Objectif: Transformation de la société
Promouvoir les valeurs du Royaume de Dieu.

OBJECTIF ULTIME DE TOUTE MISSION
LA GLOIRE DE DIEU ET SON ROYAUME D'AMOUR, DE PAIX ET DE JUSTICE


Echos des milieux évangéliques et pentecôtistes glanés à l'Assemblée – 20 février 2006

Les participants évangéliques et pentecôtistes à la 9e Assemblée du Conseil œcuménique des Eglises ont accueilli avec satisfaction l'amélioration des relations avec les Eglises du COE et ont appelé à une coopération accrue à l'avenir.

Trois personnalités évangéliques marquantes s'exprimaient devant des journalistes le lundi 20 février: l'une d'elles, le pasteur Geoff Turncliffe, directeur international et cadre dirigeant de l'Alliance évangélique mondiale (AEM), a déclaré que l'AEM, "réseau parallèle" de 400 millions de chrétiens, se reconnaît dans un grand nombre des thèmes du COE, comme par exemple la lutte contre le VIH/sida, la violence et la pauvreté.

Les chrétiens évangéliques, a-t-il dit, – et il y en a un grand nombre dans les Eglises du COE – sont engagés dans la mission intégrale, la proclamation et la démonstration de l'Evangile. "Si nous ignorons le monde, nous trahissons la Parole de Dieu; si nous ignorons la Parole de Dieu, nous n'avons rien à offrir au monde".

L'AEM n'est pas membre du COE, a-t-il poursuivi, pour une part en raison de différences structurelles entre les deux institutions, et d'autre part à cause de certains "problèmes historiques et très sensibles". Pour aller de l'avant, nous devrons "trouver des points de contact relatifs à des questions" telles que la crise au nord de l'Ouganda, sur laquelle nous sommes en accord.

R

Répondant à une question concernant l'évangélisation et le prosélytisme, il a dit que le désir de conversion personnelle est "au cœur du mouvement évangélique". Toutefois, a-t-il ajouté, "nous devons nous efforcer de trouver les bonnes pratiques sur la manière dont nous nous engageons dans l'évangélisation".

Le pasteur Michael Ntumy, président de l'Eglise de Pentecôte au Ghana, a lancé un appel vibrant en faveur de contacts plus étroits entre les Eglises pentecôtistes et celles du COE. Il a rappelé les origines des paroisses pentecôtistes, il y a un siècle, dont beaucoup sont issues de séparations pleines d'acrimonie d'avec les anciennes Eglises. "Le temps ne guérit pas nécessairement toutes les divisions, a-t-il dit, mais 100 ans, c'est assez".

A l'Assemblée, a-t-il poursuivi, il a constaté "la beauté de la diversité confessionnelle". Il s'est félicité de l'accent mis dans les Eglises du COE sur l'Evangile social, mais a fait observer que "l'accent mis par les pentecôtistes sur la proclamation de l'Evangile est un domaine sur lequel les Eglises du COE n'insistent pas assez".

Si les pentecôtistes, les Eglises du COE et l'Eglise catholique romaine s'unissaient, "nous deviendrions un colosse spirituel entre les mains de Dieu". Et il conclut: "Nos portes sont ouvertes; venez, parlons ensemble".

Le pasteur Norbert Saracco de l'Eglises évangélique de la Bonne Nouvelle, en Argentine, a parlé des avancées œcuméniques en Amérique latine, à l'initiative d'Eglises évangéliques et pentecôtistes, et a mentionné la croissance d'Eglises hors dénominations.

"En Amérique latine, nous entrons dans l'ère post-pentecôtiste, qui va offrir de meilleures conditions pour le dialogue œcuménique", a-t-il déclaré. Citant le texte de l'exposé qu'il allait présenter au cours de la séance plénière sur l'unité de l'Eglise, il a dit: " Pour les Eglises évangéliques, l’unité ne repose pas sur la reconnaissance d’une autorité hiérarchique, ni sur des dogmes, ni sur des accords institutionnels. Nous devons admettre que cette voie œcuménique a atteint ses limites".

Il a fait l'éloge de la séance plénière de la veille sur l'Amérique latine, qui a mis en lumière les graves problèmes sociaux et économiques de la région. "La grande majorité des Eglises pentecôtistes sont profondément engagées dans les luttes de notre peuple", a-t-il dit.

Il a aussi déclaré que les Eglises évangéliques ont revu les positions antagonistes qu'elles avaient prises par rapport aux Eglises liées au mouvement œcuménique et qu'elles leur ont demandé pardon. Il a appelé à pratiquer une "simplicité œcuménique" susceptible "d'aider un œcuménisme parvenu à une impasse de sortir de son inertie".


Nous vous invitons à notre séminaire à l'Institut oecuménique de Bossey sur le thème:

LA MISSION EN TANT QUE PROCLAMATION DE L'ÉVANGILE
VERS UN NOUVEL ORDRE DU JOUR ŒCUMÉNIQUE POUR
L'ÉVANGÉLISATION AU 21e SIÈCLE
Institut œcuménique de Bossey
6-12 juin 2006

La Conférence sur la mission et l'évangélisation, qui a eu lieu à Athènes (Grèce) en mai 2005, a souligné que la mission est participation au ministère de guérison et de réconciliation. Parmi les défis qui doivent être approfondis figure le rôle de l'aspect de proclamation du témoignage chrétien et de la vie ecclésiale. Le séminaire de Bossey vise à préciser le contenu et les méthodes de l'évangélisation dans une perspective œcuménique.

S'inspirant des conclusions de la Conférence d'Athènes et de la 9e Assemblée du COE tenue à Porto Alegre (février 2006), ce sont quelques-unes des questions que le séminaire abordera.

Explorer les avenues menant à un nouvel ordre du jour œcuménique pour l'évangélisation au 21e siècle constitue un impératif urgent dans de nombreuses régions du monde ainsi que dans l'ensemble du mouvement œcuménique. En outre, l'évangélisation est un élément important au moment où le COE cherche à élargir la vision de l'œcuménisme avec la participation d'Eglises qui ne sont pas membres du COE.

Responsables: les pasteurs Carlos Ham et Jacques Matthey, ainsi que Mme Arantxa Aguado, du programme Mission et évangélisation du COE, le pasteur Dietrich Werner, directeur des Etudes au Christian-Jensen Kolleg., Nordelbisches Missionszentrum, Breklum, Allemagne

Dates: 6-12 juin 2006

Pour plus de détails et pour télécharger les instructions et formulaires d'inscription et de demande de bourses, veuillez consulter le site web.