huitième assemblée et cinquantenaire

Faisons route ensemble
Déclaration sur le statut de Jérusalem

Adoptée par la Huitième Assemblée du Conseil oecuménique des Eglises
Harare, Zimbabwe, 3-14 décembre 1998



En ce temps où Jérusalem est à nouveau le point de mire de l'attention du monde, souvenons-nous que, pour la foi des chrétiens, cette ville joue un rôle central. C'est là que notre Seigneur Jésus Christ a été crucifié, qu'il est mort et qu'il est ressuscité. C'est à Jérusalem que le don de l'Esprit a été répandu et que l'Eglise est née. Pour les auteurs du Nouveau Testament, Jérusalem représente la nouvelle création, la vie à venir et les aspirations de tous, elle est le lieu où Dieu essuiera toutes les larmes et où "la mort ne sera plus. Il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni souffrance, car le monde ancien a disparu" (Apocalypse 21, 4). Dans cette ville, depuis 2000 ans, des chrétiens fidèles ont rendu un vivant témoignage à la vérité de l'Evangile. Au travers de ces "pierres vivantes", les lieux saints prennent vie.

Depuis 1948, le COE a abordé à plusieurs reprises la question de Jérusalem. La ville est au coeur du conflit israélo-palestinien depuis l'époque du Mandat et du plan de partage de la Société des Nations, mais la question de Jérusalem a été constamment remise à de "futures négociations", en raison de la complexité des problèmes en jeu. L'incapacité des parties en présence et de la communauté internationale à régler cette question a rendu Jérusalem vulnérable face à une série de mesures unilatérales qui ont radicalement modifié sa géographie et sa démographie, qui violent notamment les droits des Palestiniens et constituent une menace permanente pour la paix et la sécurité de tous les habitants de la ville et de la région.

Consciente du fait qu'il est essentiel de trouver une solution à la question de Jérusalem pour parvenir à un règlement négocié définitif au Moyen-Orient, La Huitième Assemblée du Conseil oecuménique des Eglises, réunie à Harare, Zimbabwe, du 3 au 14 décembre 1998:

1. Réaffirme les positions déjà formulées par le Conseil oecuménique des Eglises selon lesquelles:

1.1 Jérusalem est ville sainte pour trois religions monothéistes: le judaïsme, le christianisme et l'islam. Il leur incombe donc de coopérer afin que Jérusalem soit une ville ouverte aux croyants des trois religions, où ils pourront se rencontrer et vivre ensemble.

1.2. Les lieux saints chrétiens de Jérusalem et des environs appartiennent en majeure partie à des Eglises membres du Conseil oecuménique des Eglises, en particulier aux Eglises orthodoxes et orthodoxes orientales locales. Toute proposition concernant l'avenir des lieux saints de Jérusalem devrait tenir compte des droits légitimes des Eglises les plus directement concernées.

1.3. La législation particulière réglant les relations entre les communautés chrétiennes et les autorités, qui est garantie par d'anciens pactes et ordonnances, codifiée dans des traités internationaux (Paris 1856, et Berlin 1878) et par la Société des Nations, et connue sous le nom de "Statut des lieux saints", doit être sauvegardée.

1.4. Le règlement de tous les problèmes relatifs aux lieux saints doit se faire par le dialogue, sous l'égide et avec les garanties d'une instance internationale, que les parties intéressées et les autorités en place doivent respecter.

1.5. Le problème de Jérusalem ne se limite pas à la protection des lieux saints. Il a aussi un lien organique avec les habitants de cette ville, leurs convictions religieuses et leurs communautés. Les sanctuaires ne devraient pas devenir de simples monuments que l'on visite, mais des lieux de culte vivants, intégrés et adaptés aux besoins de toutes les communautés qui continuent à vivre dans la ville sainte et à y maintenir leurs racines, des lieux ouverts à tous ceux qui, en raison de leurs convictions religieuses, souhaitent s'y rendre ou les vénérer.

1.6. Le statut futur de Jérusalem doit être considéré comme faisant partie intégrante d'un règlement général du conflit du Moyen-Orient, étant donné qu'il est lié aux destinées des peuples israélien et palestinien.

2. Rappelle la signification et l'importance du maintien de la présence des communautés chrétiennes à Jérusalem, lieu de naissance de l'Eglise chrétienne, et condamne une fois encore les violations des droits fondamentaux des Palestiniens à Jérusalem, qui obligent nombre d'eux à partir.

3. Estime que les négociations concernant l'avenir du statut de Jérusalem doivent être entreprises sans délai, et considérées comme faisant partie intégrante du règlement global pour la région et non pas comme résultant de ce règlement. Ces négociations prendront en compte :

3.1. le contexte actuel du Moyen-Orient, notamment les développements dans les négociations sur le conflit israélo-palestinien depuis 1991;

3.2. les implications de ce conflit qui se perpétue pour la paix et la sécurité internationales;

3.3. les préoccupations légitimes de tous les peuples de la région, en particulier des peuples israélien et palestinien, au sujet de la justice, de la paix, de la sécurité, de l'égalité des droits et de leur pleine participation aux décisions concernant leur avenir;

3.4. l'engagement traditionnel des Eglises, des communautés vivant à Jérusalem et des peuples auxquels elles sont liées en faveur du "Statut des lieux saints", de leurs droits et de leur bien-être;

3.5. les déclarations de reconnaissance mutuelle échangées entre l'Organisation de libération de la Palestine et l'Etat d'Israël, et les droits du peuple palestinien à s'autodéterminer et à se constituer en Etat.

4. Rappelle qu'il existe un cadre de droit international relatif au statut de Jérusalem, qui comprend les textes suivants :

4.1. le Mandat de la Grande-Bretagne sur la Palestine confirmé par le Conseil de la Société des Nations en 1922, et dont les termes définissent un cadre général pour ce qui est des droits sur les lieux saints et des droits des communautés religieuses;

4.2. le rapport de 1947 de la Commission spéciale pour la Palestine à l'Assemblée générale des Nations Unies et le "Plan de partage" (résolution 181 [II], 29 novembre 1947) dans lequel l'Assemblée générale examinait en détail la question des lieux saints et des droits des religions et des minorités, et constituait la ville de Jérusalem en corpus separatum doté de limites géographiques précises et d'un statut;

4.3. la résolution 194 de l'Assemblée générale des Nations Unies (décembre 1948) qui précisait le statut spécial de Jérusalem et le droit au retour des réfugiés palestiniens, ainsi que les résolutions ultérieures réaffirmant les résolutions 181 et 194;

4.4. la Quatrième Convention de Genève (1949) qui était et demeure applicable aux parties de la Palestine considérées comme "territoires occupés";

4.5. la résolution 303 (IV) du 9 décembre 1948 dans laquelle l'Assemblée générale des Nations Unies réaffirmait "son intention de voir instaurer à Jérusalem un régime international permanent..." et de la voir "constituée en corpus separatum sous un régime international spécial et ... administrée par les Nations Unies"; et

4.6. les résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies exigeant le retrait d'Israël de tous les territoires occupés, y compris Jérusalem, et les résolutions ultérieures du Conseil de sécurité concernant spécifiquement Jérusalem.

5. Fait observer que la communauté internationale représentée par l'Organisation des Nations Unies conserve l'autorité et la responsabilité en ce qui concerne Jérusalem et le droit d'autoriser toute modification du statut juridique de la ville, ou d'y consentir, et qu'aucune action unilatérale ni décision définitive concernant le statut juridique convenu par les parties ne peut avoir force de loi tant qu'un consentement en ce sens n'a pas été donné.

6. Salue tout particulièrement le Mémorandum commun de Leurs Béatitudes et des responsables des communautés chrétiennes de Jérusalem sur la signification de la ville pour les chrétiens (14 novembre 1994), qui appelle toutes les parties à dépasser les visions ou mesures empreintes d'exclusivisme et à prendre en compte, sans discrimination, les aspirations religieuses et nationales des autres, afin de rendre à Jérusalem son caractère véritablement universel et de faire de la ville un lieu saint de réconciliation pour l'humanité.

7. Reconnaît que la solution de la question de Jérusalem incombe au premier chef aux parties directement concernées, mais que les Eglises chrétiennes et les communautés religieuses juive et musulmane ont un rôle essentiel à jouer dans toute négociation.

8. Consciente de la responsabilité des Eglises concernant Jérusalem, la Huitième Assemblée du Conseil oecuménique des Eglises adopte les principes suivants qui doivent être pris en considération dans tout accord définitif sur le statut de Jérusalem et constituer la base d'une approche oecuménique commune :

8.1. Le règlement pacifique des revendications territoriales des Palestiniens et des Israéliens devrait respecter la sainteté et l'intégrité de la ville.

8.2. L'accès aux lieux saints, aux édifices et aux sites religieux devrait être libre, et la liberté de culte assurée aux fidèles de toutes les religions.

8.3. Le droit de toutes les communautés de Jérusalem d'avoir leurs propres activités religieuses, éducatives et sociales doit être garanti.

8.4. Le libre accès de la population palestinienne à Jérusalem doit être assuré et protégé.

8.5. Jérusalem doit demeurer une ville ouverte à tous, sans exclusive.

8.6. Jérusalem doit demeurer une ville de partage en termes de souveraineté et de citoyenneté.

8.7. Les dispositions de la Quatrième Convention de Genève doivent être respectées en ce qui concerne les droits des Palestiniens à la propriété, à la construction et à la résidence : interdiction de procéder à des modifications de peuplement des territoires occupés; interdiction de changer les limites géographiques, d'annexer des territoires ou d'installer des colonies modifiant le caractère religieux, culturel ou historique de Jérusalem sans l'accord des parties concernées et l'approbation de la communauté internationale.

9. Tout comme Leurs Béatitudes et les responsables des communautés chrétiennes de Jérusalem, nous considérons cette ville comme un symbole et une promesse de la présence de Dieu, de la vie dans le partage et de la paix pour l'humanité, en particulier entre les peuples du Livre, juifs, chrétiens et musulmans.

10. Avec le psalmiste, l'Assemblée demande la paix pour Jérusalem:

"Que tes amis vivent tranquilles;
que ta paix soit dans tes remparts
et la tranquillité dans tes palais.
A cause de mes frères et de mes compagnons,
je dirai: 'La paix soit chez toi !'
A cause de la maison du Seigneur notre Dieu,
je veux ton bonheur." (Psaume 22)



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