huitième assemblée et cinquantenaire

Huitième Assemblée
Séance plénière sur la Décennie oecuménique
des Eglises solidaires des femmes

Phase 1 - La mémoire
(Cette phase sera présentée
à travers une procession, un vidéo et l'expression suivante de
gratitude de la part de Despina M. Prassas.)

La Décennie oecuménique
Despina M. Prassas
Document No. DE 1

Je vous salue au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. Amen.

Je voudrais exprimer ma gratitude envers le Seigneur notre Dieu pour l'occasion qui nous est donnée d'être ici et de célébrer ensemble la clôture de la Décennie oecuménique des Eglises solidaires des femmes organisée par le Conseil oecuménique. Nous sommes reconnaissants pour les multiples façons par lesquelles nous avons eu la possibilité de célébrer nos talents et nos dons, ces dons qui ont été offerts à l'Eglise. Les efforts courageux et l'engagement des femmes qui ont pris part à la Décennie ont bénéficié à de nombreuses personnes. Notre amour mutuel constitue l'espérance qui maintient les Eglises en vie et qui leur permet d'accomplir la mission de Jésus Christ.

Des femmes du monde entier se sont retrouvées dans des cultes afin de fêter le début de la Décennie à travers toute l'Afrique, et des rassemblements nationaux et régionaux ont eu lieu dans plus d'une douzaine de pays; parmi les cérémonies de la Décennie en Asie, il y a eu, au Pakistan et aux Philippines, des services du matin de Pâques au lever du soleil, au Royaume-Uni de nombreuses personnes se sont rassemblées pour un service à l'abbaye de Westminster et des femmes ont prêché à l'occasion du culte de Pâques dans des églises méthodistes; au Costa Rica, un groupe oecuménique de plus de 150 femmes s'est réuni pour lancer la Décennie; des femmes orthodoxes venues du monde entier se sont retrouvées en Crète pour fêter cet événement, et à travers tous les Etats-Unis des responsables chargés de programmes ou de conseils se sont organisés pour coordonner entre eux les documents relatifs à la Décennie, tandis que d'autres Eglises adoptaient des résolutions particulières afin d'encourager leurs membres à participer à la Décennie.

INDEX

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La mémoire
La Décennie oecuménique Le présent

Les espoirs

A mi-parcours de la Décennie, des équipes oecuméniques ont rendu visite à presque toutes les Eglises membres en vue de vérifier et de confirmer ce qui s'était produit au cours de la première moitié de la Décennie, et d'encourager les Eglises à aller plus loin dans leur engagement vis-à-vis de leurs membres. Le rapport de ces équipes oecuméniques, paru en 1997 et intitulé Lettres vivantes, fournit de la documentation sur la détermination et l'endurance des femmes qui surmontent les difficultés causées par l'oppression, qui inclut la violence, le manque de participation à la vie de l'Eglise, le racisme et l'injustice économique. Ces difficultés pèsent sur la vie de nombreuses Eglises dans bien des régions et elles sont abordées de façons très diverses. Certaines de ces difficultés sont traitées par des femmes qui se viennent mutuellement en aide, et d'autres le sont dans la mesure où des organisations ecclésiastiques collaborent avec des organisations laïques en vue de réaliser leurs objectifs. Les équipes ont découvert les réalités culturelles, ecclésiastiques et locales des Eglises et elles y ont répondu en demandant à ce que des signes concrets de la solidarité avec les femmes soient être donnés.

De nombreuses difficultés subsistent, mais l'un des signes d'espérance les plus importants consiste dans le fait que les Eglises ont réalisé que la plupart des questions relatives à la différence entre les sexes et à la communauté ne concernent plus seulement les femmes, mais touchent l'ensemble de l'Eglise. Les difficultés comme les sujets d'espérance font l'objet de documents qui figurent dans le texte intitulé Les femmes face aux défis du 21ème siècle. Ce texte constitue l'ordre du jour de réflexion et d'action; il a été discuté et élaboré au cours du Festival de la Décennie oecuménique: Envisager l'avenir après 1998, qui s est tenu ici, à Harare, au cours de la semaine dernière.

Plusieurs des sujets de préoccupation des femmes ont été abordés, mais nous avons encore beaucoup à faire. C'est pourquoi nous sommes ici pour nous "tourner vers Dieu dans la joie de l'espérance".

color=navy>On m'a aussi demandé de dire quelques mots sur le symbole du Festival de la Décennie qui est l'eau. Des femmes du monde entier ont apporté de l'eau au Festival de la Décennie, et cette eau est présentée ici aujourd'hui. Des femmes d'Eglises de chaque région du monde offrent cette eau comme un signe de solidarité et d'engagement les unes vis-à-vis des autres ainsi qu'en vue de la préservation de la vie.
L'eau est un composé tout à fait ordinaire dans la mesure où elle couvre près des trois quarts de la surface de la planète et, pourtant, en même temps, c'est quelque chose d'extraordinaire dans la mesure où elle est essentielle à la vie du monde. Quelques organismes microscopiques ont la possibilité d'exister sans air, mais aucun ne saurait se développer sans eau.

L'eau a donné naissance à de grandes civilisations, et quelquefois elle a été responsable de leur perte. Il y a des centaines de millions d'années, l'eau a constitué l'un des instruments les plus puissants dans la formation, le modelage de la surface de la terre sous forme de glaciers, de rivières et d'océans. L'eau règle le climat, elle donne forme au sol dans lequel les récoltes et les forêts prennent racine et, sous la forme de vapeurs ou de puissances hydroélectriques, elle anime les mécanismes de la technologie moderne. L'eau est un élément indispensable de la plupart des processus industriels, depuis la cuisson du pain jusqu'à la production de microprocesseurs pour l'informatique.

Les "larmes" portées par des femmes du monde entier sont versées lors du Festival de la Décennie.


L'eau joue un rôle capital dans les affaires du monde, elle est essentielle à la croissance et au développement économiques. Dans bien des pays du monde, ce sont les femmes qui ont la charge de l'eau et de sa consommation. Etant donné qu'elles n'ont pas accès à de l'eau potable, il leur faut se déplacer sur de grandes distances et consacrer un temps considérable de leur journée à la recherche de l'eau afin de protéger la santé et le bien-être de leur famille.

Et pourtant, l'eau constitue un paradoxe. Dans certaines régions, elle est extrêmement rare, dans d'autres très abondante. L'eau est un bien qui divise entre eux des peuples et des régions du monde. Et néanmoins, dans la mesure où elle est une ressource précieuse et rare, elle a conduit des pays à se rapprocher les uns des autres en vue du développement et de la gestion de sources d'approvisionnement en eau de part et d'autre des frontières. L'eau est connue pour sa capacité de destruction qui s'est manifestée à l'évidence dans les attaques de el Niño et, plus récemment encore, du cyclone Mitch, qui ont coûté la vie à des milliers de personnes. En même temps, ces désastres naturels redonnent vie aux écosystèmes et permettent de purifier les eaux douces et les eaux de la mer.

Et pourtant, il y a un genre d'eau qui ne subit pas ce caractère paradoxal, c'est l'eau vive offerte par Jésus à sainte Fotini, la femme qui se trouvait au bord du puits (Jean 4). Le Seigneur notre Sauveur, en regardant dans le coeur de sainte Fotini, a compris qu'elle avait besoin de guérison et il lui a offert la guérison véritable, l'expérience vraiment vivifiante, il lui a offert la vie éternelle. A travers l'eau du baptême, Jésus "nous lave de son eau à lui, il nous débarrasse de la souillure du péché qui a défiguré la beauté de l'image."

Par conséquent, l'eau n'est pas simplement symbole de notre solidarité les uns avec les autres mais, de façon plus importante encore, symbole du renouveau de notre amour pour notre Seigneur Jésus Christ et de notre foi en lui. "Car l'agneau qui est au milieu du trône les conduira et les mènera aux fontaines d'eau vive et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux." (Apocalypse 7,17).

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1 Saint Grégoire de Nysse, Sermon sur les béatitudes.


Phase 2 - Le présent
(Lala Biasimi, M. Deenabandu,
Mukami McCrum et le Métropolite Ambrosius
d'Oulu de Finlande présenteront cette phase.)

Les femmes et la justice économique
Rde. Lala Biasima
Document No. DE 2

Je remercie Dieu pour cette opportunité de prendre la parole au nom de mes consoeurs de l'Afrique pour parler d'un sujet aussi brûlant et actuel qu'est la justice économique.

Réalités
Dans les Ecritures Saintes, nous observons la volonté divine de doter la création de tout ce qui est nécessaire au bonheur et à la survie de l'être humain, comme manifestation de son amour et de sa justice.

Malheureusement l'être humain, qui était supposé utiliser et protéger la création pour son bien, s'est transformé en bourreau pour son prochain en inventant des systèmes économiques et des traités commerciaux qui privilégient le marché, l'argent et le profit au détriment de l'être humain et de sa dignité.

La mondialisation et la globalisation de l'économie, l'instauration de l'économie de marché, la réduction des services sociaux, les déplacements des sociétés vers les pays ou la main-d'oeuvre coûte moins chère, montrent à suffisance la volonté libellée de l'homme de privilégier un ordre économique mondiale injuste où la politique économique prend le dessus sur la politique sociale.

Les femmes se trouvent être les plus affectées par les effets de cet égoïsme humain. Il y a une féminisation de la pauvreté dans l'ensemble des pays, bien que dans des contextes différents et des manifestations différentes.

Dans les pays de l'Europe et de l'Amérique, la majorité des femmes employées se retrouvent dans la catégorie des salaires moins élevés. Elles sont plus affectées par la réduction des dépenses sociales et la suppression d'emplois qui les amènent à perdre leur salaire, mais aussi leur retraite. Il y a ainsi un écart toujours croissant entre les riches et les pauvres, mais surtout entre les hommes et les femmes.

Dans les pays en développement, les femmes subissent le double martyre de la crise économique: d'abord comme femmes pauvres, sans éducation, et ensuite comme épouse du mari dont le chômage et l'impaiement chronique l'obligent parfois à se déplacer sous d'autres cieux à la recherche d'un emploi toujours hypothétique. Les femmes sont obligées de porter seules le poids de la survie du foyer, souvent au détriment de leur santé.

Le programme d'ajustement structurel -- ce vaste complot international qui consiste à demander aux états de démissionner de leurs responsabilités sur le plan santé, éducation, services publics et augmenter les rentrées (l'impôt, les taxes sur les services), c'est-à-dire exploiter d'avantage leurs populations afin d'enrichir les riches et entretenir le chômage, la pauvreté et la misère dans leurs pays respectifs - oui, ce complot disais-je, a bel et bien atteint ses objectifs. Partout où il est appliqué, la population ne voit aucun signe de reprise économique comme le prétendent les instigateurs. Mais au contraire, des millions des personnes sont condamnées à la pauvreté et à la mort précoce, car l'argent qui devait servir à garantir les besoins fondamentaux est détourne et versé aux créanciers. Il s'agit tout simplement de transferts des richesses et ressources des pays pauvres vers les pays riches.

Cette situation triste affecte surtout les femmes mais aussi les enfants, ces sacrifiés sur l'autel du profit qui doivent travailler avant l'âge pour contribuer à la survie de leurs familles, et cela au risque de leur vie (tourisme sexuel, prostitution, viol, délinquance juvénile, etc.).

Ce que les Eglises et les femmes ont pu faire face à la situation
Pendant la décennie, des campagnes, des conférences, des séminaires de formation sur l'alphabétisation économique et sur les activités génératrices des revenus ont abouti aux résultats suivants:

  • Une prise de conscience de la femme sur son implication dans l'économie. Celle-ci n'est plus perçue comme domaine réservé des experts, mais l'implication de toute personne humaine dans la gestion quotidienne de ce que Dieu a donné à ce monde comme moyen de survie.

  • Une acquisition des connaissances sur la façon dont l'économie mondiale et celle de nos pays sont organisées.

  • Une acquisition des connaissances diversifiées sur les activités génératrices des revenus.

  • Le développement par les femmes des nouvelles recettes nutritives avec les aliments locaux tout en apprenant à manger ce qui était autrefois tabou. Ceci à contribué à réduire la malnutrition.

  • L'identification des structures sociales des lois et des traditions injustes de nos pays qui ne permettent pas à la femme de s'épanouir sur le plan économique.

  • Une prise de conscience des femmes et des parents en général sur la nécessité de donner les mêmes chances d'éducation aux filles et aux garçons.

Défis au-delà de la Décennie
La décennie a apporté beaucoup de nouvelles perceptions des choses jusque-la ignorées des femmes. Mais il y a beaucoup de défis qui demeurent encore.
  • Le système économique mondial. Les chrétiens du monde assistent passivement à l'érection des systèmes économiques semblables à des tours de Babel (FMI, Banque mondiale, le libre marché, etc..) basés sur l'injustice, l'orgueil et la domination. Cette acceptation tacite des idéologies qui appauvrissent la majorité de l'humanité nous rend complice des injustices économiques. Où sont les chrétiens dans la gestion de l'Oikoumene ?

  • Les programmes d'ajustement structurel. Les multinationales imposent aux états la réduction des dépenses sociales, et de l'autre coté elles acceptent que les mêmes états investissent dans l'achat des armes qui maintiennent les peuples entiers dans la terreur. Les églises doivent exiger la remise de la dette, la reconversion de cet argent dans des programmes visant l'amélioration de la qualité de vie des populations.

  • Le manque de capitaux. Il n'y a pas d'argent pour financer les activités des femmes. La crise économique sert toujours d'alibi aux états, et aux églises, pour justifier ce manque d'intérêt. Un changement de priorités s'impose aux églises dans ce domaine.

  • Le manque d'éducation demeure un danger permanent pour la femme, qui est toujours prédisposée à la pauvreté. Les églises doivent faire tout en leur pouvoir pour soutenir la formation des femmes, et veiller à leur utilisation dans les rôles diversifiés ainsi qu'à leur implication dans les organes de prise de décisions.
Voilà autant de défis qui restent encore et qui nécessitent la solidarité des églises avec les femmes au-delà de cette décennie qui s'achève; cela pour notre témoignage chrétien dans le monde.


La violence à l'encontre des femmes
Deenabandhu Manchala
Document No. DE 3

L'universalité du phénomène de la violence envers les femmes et l'escalade que connaît cette violence dans le monde sont peut-être les preuves les plus criantes de la décadence morale de notre génération. Réunis ici en tant que communion mondiale d'Eglises pour tirer les leçons de la Décennie, nous nous heurtons à cette réalité devant laquelle nous sommes apparemment impuissants.

Les équipes qui ont rendu visite aux Eglises membres dans le cadre de la Décennie - les lettres vivantes - ont constaté que, partout, des femmes étaient en butte à la violence. Elles rapportent que, par delà les barrières de la classe, de la race, de la caste, de l'âge, de l'éducation, de la culture, du lieu et de la dénomination, les femmes sont exposées à la violence sous des formes diverses - physique, économique, sociale, institutionnelle, psychologique et spirituelle. De plus, ceux et celles qui ont participé à la Fête de la Décennie la semaine dernière ont entendu le témoignage poignant de femmes qui ont subi la violence jusque dans la vie de l'Eglise.

Je viens d'Inde, pays révéré pour sa non-violence (ahimsa) et son sens moral (dharma). Paradoxalement, c'est une société qui tire sa force de l'influence omniprésente de deux cultures de l'exclusion, celles des castes et du patriarcat. En conséquence, ce n'est pas seulement la violence physique mais aussi la violence structurelle, soigneusement mise en place et entretenue, puis sanctifiée par la religion qui transforme en calvaire la vie des exclues. Je représente ici les victimes de ces cultures - les femmes et les dalits (les opprimés) qui constituent la partie la plus méprisée, pauvre et exploitée de la société indienne. Parmi eux, la femme dalit est le "dalit des dalits". Elle est en effet trois fois opprimée, parce qu'elle est pauvre, dalit et femme, ce qui fait d'elle la victime de la pire violence, celle qui résulte de l'interaction de la classe, de la caste et du sexe. Je tiens à ce que nous nous souvenions aujourd'hui des millions de soeurs dalits qui sont ainsi victimes de violences de toutes sortes, jour après jour. Les victimes sont tellement imprégnées de la culture de l'oppresseur qu'elles acceptent la violence comme inévitable, dans l'indifférence générale. A tel point que l'Inde est toujours en tête pour le nombre des cas de femmes victimes de violences. Chaque année, un peu plus de

15 000 femmes sont violées
15 000 autres enlevées
7 000 épouses sont tuées parce que leur dot est insuffisante
30 000 sont torturées
30 000 autres brutalisées
15 000 sont victimes de harcèlement et environ 15 000 sont prises au piège de ce que l'on appelle un trafic immoral, euphémisme employé pour désigner la prostitution.
On enregistre près de 125 000 affaires criminelles dont des femmes sont les victimes. En outre, la majorité des personnes qui meurent de maladies, d'épidémies, dans les catastrophes naturelles, les affrontements entre castes ou communautés et les conflits ethniques sont des femmes.

Durant nos visites, nous avons constaté que, dans l'ensemble, les Eglises semblent considérer cela comme un phénomène culturel et que non seulement elles ne réagissent pas contre cet état des choses, dans bien des cas, elles soutiennent activement et perpétuent diverses formes de violence à l'encontre des femmes par la langue qu'elles emploient, en leur refusant des chances, en les empêchant de participer, en prônant une conception stéréotypée des rôles dévolus à chacun des deux sexes, etc. Malheureusement, aux yeux de beaucoup de chrétiens d'aujourd'hui, le maintien des traditions de l'Eglise institutionnelle semble être plus un impératif de la foi que la faim et la soif de justice et de paix. Pourtant, dans cette affligeante situation, nous avons distingué des lueurs d'espoir. Nous avons senti une prise de conscience des femmes. Elles s'organisent maintenant pour résister, lutter pour l'égalité, la justice et l'égalité de traitement. Elles rompent la culture du silence. Elles expliquent comment elles conçoivent un nouvel ordre social fondé sur les valeurs du compagnonnage, de l'égalité et de la justice. Elles découvrent à quel point la foi biblique peut être libératrice. L'Eglise souhaite-t-elle demeurer la gardienne d'une culture de la violence ou être le catalyseur d'une culture de la vie? Au moment où la Décennie approche de sa fin, quelques possibilités s'ouvrent dans la lutte contre la violence envers les femmes, l'un des principaux soucis de la Décennie:

1. Là où les relations humaines sont régies par des valeurs, des structures et des cultures oppressives, l'Eglise doit être amenée à offrir des solutions de rechange, sur le plan tant des formes que des fonctions. Lorsque plus de la moitié de la population mondiale est exclue de la vie ou la voit transformée en boulet ou est mal traitée, il faut cesser de considérer qu'il s'agit d'un problème de femmes et comprendre qu'il est impératif d'affirmer la vie et la dignité de tous. Autrement dit, il faut redécouvrir ce que signifie être l'Eglise. Celle-ci est appelée à être une communauté de croyants, non seulement soucieuse du spirituel mais aussi désireuse d'être une force de changement et de rendre tangible par ce qu'elle est et ce qu'elle fait la promesse du règne de Dieu à venir. L'Eglise n'a pas de tâche plus urgente que celle de vaincre la violence dans ses structures mêmes, dans ses relations, son langage et son interprétation de la Bible.

2. Tout en affirmant la nécessité de contextualiser et d'inculturer le message évangélique, nous devons aussi faire valoir quelle force de changement est l'Evangile et montrer qu'il contrarie et transforme tout ce qui est oppressif dans la culture. Celle-ci ne doit pas servir d'excuse à l'inaction. L'Eglise doit cesser de protéger les cultures des oppresseurs et, par obéissance au Dieu de la libération, faire siens les cultures et les points de vue des opprimés. La culture est une réalité mouvante que l'on peut changer. Dans bien des endroits, nous avons constaté que l'Eglise était à la traîne, même de sociétés patriarcales rigides comme celle de l'Inde, qui commencent à faire preuve d'une plus grande sensibilité et à mener une action pratique pour rendre justice aux femmes. Sur ce terrain au moins, l'Eglise devrait peut-être suivre le monde.

3. Comme les dalits et d'innombrables groupes d'opprimés, les femmes aujourd'hui se réveillent. Les nombreux mouvements de la base et la solidarité qui est en train de naître de leur expérience commune des barrières à surmonter témoignent d'un nouvel esprit oecuménique. L'Eglise doit s'en rendre compte et jouer un rôle actif dans ces mouvements oecuméniques qui luttent à la base pour la justice, la liberté et la vie. Si elle ne le fait pas, c'est la chance de se faire l'alliée des forces de vie qu'elle laisse passer.


"Le Racisme envers les Femmes"
Mukami McCrum
Document No. DE 4

Moi qui vous parle aujourd hui, je suis quelqu'un dont la personnalité a été modelée par plusieurs identités : je suis une femme noire, mais aussi une mère, une fille, une soeur, une épouse et une chrétienne: Femme noire, je suis chaque jour confrontée au racisme. Mère, je me heurte au racisme qui s'exerce envers mes enfants. En tant que soeur, je partage la détresse de mes soeurs lorsqu'elles me racontent leur vie; mais je suis aussi la fille de mes parents, et ce qui m'attache à eux me relie aussi à des générations de femmes noires d'Afrique, d'Asie, du Pacifique, des Caraïbes, d'Amérique latine et d'Australasie, à des générations de femmes autochtones, de migrantes et de réfugiées, passées et présentes, qui toutes ont douloureusement souffert dans leurs combats contre l'esclavage et le racisme colonial et impérial. Les sirènes des ambulances remplissent mon coeur d'effroi quand elles passent : mon mari, mon fils sont-ils parmi les blessés de cette manifestation anti-raciste ? La chrétienne que je suis cherche auprès de l'Eglise la réponse à ses problèmes, et se demande pourquoi nous ne pouvons nous aimer les uns les autres comme le Christ nous en a donné l'ordre.

On espérait que la Décennie des Eglises solidaires des femmes irait droit au but en s'attaquant aux questions et aux préoccupations des femmes, mais quand je demande à des femmes ce qu'elles pensent de la Décennie, la plupart d'entre elles me répondent généralement : "Quelle Décennie ?" Et quand je pose la même question aux femmes de couleur, elles me répondent aussi : "Quelle Décennie ? Quelles femmes ?" Alors j'en arrive à croire que la "pierre du racisme" n'a pas encore été ôtée, même si on l'a roulée. Il me semble que tant l'Eglise que le mouvement des femmes ne se sont pas intéressés aux minorités raciales, pas plus qu'aux femmes migrantes ou aux femmes autochtones. Ce point de vue est d'ailleurs confirmé par le fait que le racisme, l'oppression et l'exploitation que vivent ces femmes au quotidien leur sont infligés, dans la plupart des pays du monde, tant par les femmes que par les hommes appartenant aux catégories dominantes de la société par leur couleur, leur culture, leur religion et leur classe sociale. Apparemment, les Eglises sont passées à côté de ce problème majeur.

Dans l'Eglise, bien des hommes et des femmes sont horrifiés quand nous leur parlons du racisme que nous rencontrons au sein même de l'Eglise. Evidemment, il ne leur viendrait jamais à l'idée de lancer des briques dans les fenêtres, d'écrire des grafitti insultants, de cracher à la figure d'une femme ou de l'attaquer. Mais ils oublient que la forme de racisme la plus insidieuse, la plus permanente, est la sorte "d'exclusion et d'invisibilité" dans laquelle ils enferment ces femmes par rapport aux divers aspects de la vie de l'Eglise. On dirait que, mises à part les Eglises "dirigées" par des noirs, le reste de la communauté paroissiale n'a pas compris que la solidarité avec les femmes doit nous inclure nous aussi. Une femme me disait : "C'est extrêmement pénible quand des soeurs blanches, que tu connais depuis des années, te disent : désolées, nous avons oublié de t'inviter' ou nous ne pensions pas que cela t'intéresserait'". Comment donc les besoins de gens, si visibles par leur couleur, peuvent-ils devenir si invisibles?

Malgré tout, dire que la Décennie n'a rien changé serait nier les efforts et les résultats, si minimes soient-ils, de milliers de femmes qui ont travaillé dur pour mettre en lumière nos questions et nos préoccupations, même quand elles-mêmes étaient trop souffrantes ou trop fatiguées. Il est vital aussi que nous applaudissions aux efforts qu'a faits l'Eglise, et que nous reconnaissions aux uns et aux autres ce qui leur est dû. Ce disant, je pense en particulier aux succès que rencontrent des programmes comme "Femmes victimes du racisme" et "SISTERS".

Le réseau "SISTERS" est un réseau de femmes qui touche maintenant le monde entier. Il rassemble des femmes d'Afrique, d'Asie, des Caraïbes, des Amériques, d'Europe et du Pacifique, et nous pouvons vraiment dire que le monde entier est notre voisinage. Bien des femmes aujourd'hui reconnaissent les similarités des différentes formes d'oppression qu'elles subissent, et le besoin de s'épauler mutuellement pour s'opposer ensemble au racisme.

Je suis fière de pouvoir dire que l'offense faite à une SOEUR est devenue l'offense faite à toutes, et préoccupe chacune de nous. Toute forme de racisme est une obscénité et un péché, mais le temps me manque pour parler de tous les combats que mènent les femmes, je n'en mentionnerai donc que deux qui me semblent exemplaires :

l. Les luttes des femmes Dalit en Inde, et les luttes des femmes autochtones dans le monde entier. Les Dalit constituent le secteur le plus méprisé, le plus deshérité et exploité de la société indienne; et la femme Dalit est trois fois opprimée : parce qu'elle est Dalit, parce qu'elle est femme et parce qu'elle est pauvre, ce qui fait d'elle la victime la plus malheureuse de la violence causée par l'interconnexion des problèmes de classe, de caste, et de sexe. Substituons le mot "femme noire" au mot "Dalit", et nous avons le même message. Le système des castes est une forme de racisme qu'il faut combattre au niveau institutionnel autant qu'au niveau idéologique.

2. Le lien entre le racisme et la traite des femmes est clair. La majorité des femmes pauvres vivent dans des pays en développement dont la plus grande partie de la population est noire. Il existe un lien historique entre le racisme et l'exploitation. Aujourd'hui, les forces du mondialisme, de la politique, les forces économiques et sociales continuent à exploiter ces pays, et les femmes sont tout juste considérées comme des marchandises bonnes à vendre et à acheter sur les marchés. Le racisme contribue à développer la pauvreté, qui à son tour rend les femmes et les enfants démunis et donc vulnérables; ils deviennent alors la proie de criminels qui les réduisent en esclavage et en font commerce dans des pays ou la xénophobie, alliée avec des lois hostiles et racistes sur l'immigration, les enferment plus encore dans des existences de violence et de prostitution. Le racisme et la traite des femmes sont de très graves violations des droits des personnes.

Pour le mouvement des femmes, à l'heure où nous espérons qu'avec le nouveau millénaire beaucoup de changements vont se faire sentir, une chose demeure : le racisme et sa capacité à franchir, tel un ouragan, les frontières nationales et géographiques, et à entraîner des dégats considérables en brisant et en fragmentant toute forme de solidarité parmi les femmes. Pour s'assurer que les capacités et les dons de toutes les femmes vont pouvoir continuer de se développer, un certain nombre de choses doivent intervenir. La Décennie a aidé à ouvrir les yeux de beaucoup, et nous ne pouvons pas revenir en arrière, dans cet espace sombre et froid où demeuraient des femmes privées de parole. Nous avons nommé et stigmatisé toutes les formes d'oppression qui s'exercent contre les femmes. Mais nous devons nous serrer les coudes solidement et continuer à dénoncer les problèmes et les combats qui naissent des liens entre d'une part l'extrême dénuement et la pauvreté, et d'autre part les facteurs politiques, religieux, juridiques et culturels qui légitiment le racisme.

Pour ma fille et les jeunes femmes de partout, s'asseoir sous les arbres que vos mères, tantes et grand'mères ont planté, c'est bien nourrir ces arbres; être vigilantes, dormir à tour de rôle; bien surveiller les arbres, sans jamais oublier qu'il existe toujours des forces à l'extérieur qui voudraient couper ces arbres et les arracher par les racines. Et quand vous soignez les arbres, n'oubliez pas d'en éparpiller les graines pour que poussent encore d'autres arbres pour vos enfants !

Pour les Eglises et le COE : j'aimerais réaffirmer les défis dont la liste se trouve dans les Lettres vivantes. Mais en outre, je demande aux Eglises et en particulier à nos soeurs blanches de :

  • a) combattre tous les aspects du racisme, en s'assurant que tous les organes de l'Eglise font un plan de travail qui énonce clairement toutes les actions et les tâches que les Eglises et les communautés de l'Eglise doivent entreprendre aux niveaux local, national et mondial;
  • b) trouver les ressources nécessaires pour les associations "Femmes victimes du racisme" et SISTERS, ceci afin de resserrer les liens, la coopération et la collaboration avec les organisations laïques de femmes. C'est là ce que l'Eglise doit faire, en se souvenant du fait que le racisme ne tient pas compte des frontières d'Eglises, d'Etats ou de nations. Il est donc impératif que l'action contre le racisme, elle non plus, ne tienne pas compte de ces frontières. Je demande à l'Eglise de soutenir et de lutter avec les associations de femmes qui sont aux avants-postes de la bataille contre toutes les formes de racisme. Cela veut dire que l'Eglise devra lutter, au coude à coude avec les femmes noires, migrantes, réfugiées et autochtones, contre les forces d'oppression et la machinerie étatique surpuissante qui sont souvent mobilisées contre elles. Nous devons insister pour que s'applique la Convention des Droits de l'Homme et la reconnaissance du fait que le racisme est une forme de violence.
    Le travail ne fait que commencer. Que le nouveau millénaire soit exempt de racisme, c'est ce pour quoi je prie, c'est ce que j'attends. Que Dieu nous soit en aide.


    La participation des femmes à la vie de l'Eglise
    Métropolite Ambrosius d'Oulu, Finlande
    Document No. DE 5

    "Par ta croix, tu as vaincu la mort ... La plainte des porteuses de myrrhe, tu l'as changée en joie". (Hymne orthodoxe de la Résurrection)

    Du point de vue des Eglises, la Décennie oecuménique des Eglises solidaires des femmes a revêtu une grande importance au sein du COE et de ses Eglises membres. Elle nous a aidés à jeter un regard plus critique sur certaines des limites que connaissent aujourd'hui les processus de décision et les structures de pouvoir de nos Eglises, et sur leur manque d'ouverture et de transparence. En bien des endroits, les femmes demeurent invisibles et on les ignore, alors que la communauté ecclésiale devrait toujours être communauté d'hommes et de femmes. Les préoccupations des femmes sont des éléments vitaux de ce qui fait la force et la santé de l'ensemble de l'Eglise. Pour l'avenir de nos Eglises, nous rêvons d'une communauté à l'écoute des espoirs, des rêves et même des frustrations de ses membres et nous cherchons à la réaliser. Elle devrait être source de libératiohn aussi bien pour les hommes que pour les femmes, car ils sont, les uns et les autres, des personnes créées à l'image de Dieu et appelées à partager sa gloire en édifiant l'Eglise en tant que communauté.

    Nous sommes reconnaissants de l'occasion qui nous a été donnée de participer à diverses activités de la Décennie et aux visites d'équipes qui ont eu lieu à mi-parcours. Elles nous ont ouvert les yeux sur l'importance de cette Décennie de manière approfoondie et constructive. Certaines Eglises, parmi les plus traditionnelles, ont eu au début quelques hésitations et manifesté certaines réserves. Mais peu à peu, nous avons découvert que la Décennie n'était pas un mouvement féministe - peut-être aurions-nous besoin de cela aussi - mais quelque chose qui concerne l'ensemble de l'Eglise, la compréhension qu'elle a d'elle-même et sa nature ecclésiale. La Décennie n'a pas cherché à interpeller de manière négative les traditions des Eglises qui n'ordonnent pas les femmes. Nous ne nous sommes donc pas sentis menacés par son travail, mais nous y a vons trouvé une manière positive d'agir dans nos Eglises.

    L'Evangile doit et peut assumer une fonction critique à l'égard de la culture. Au cours des visites d'équipe et dans le temps qui a suivi, de nombreux hommes - et je suis du nombre - ont été choqués en prenant conscience pour la première fois de l'ampleur de la violence et de l'injustice économique qui s'exercent, dans les Eglises et partout dans le monde, à l'encontre des femmes, qu'elles soient dues ou non à des facteurs culturels. Apparemment, aucune région n'est exempte de programmes occultes visant à exclure et à marginaliser les femmes de diverses manières.

    Les théologies contextuelles sont souvent nécessaires pour corriger les clichés qui sont les nôtres au sujet de la participation, de la solidarité, de l'amour et de la confiance mutuelle entre femmes et hommes, par exemple dans les domaines des prises de décision, de la formation théologique et des fonctions ministérielles des laïcs dans toutes les Eglises. Le défi lancé par le Décennie doit demeurer. Guidés par l'Esprit, nous deviendrons alors, dans chacune de nos Eglises, des femmes et des hommes qui sont des "lettres du Christ..., écrites non avec de l'encre, mais avec l'Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur vos coeurs" (2 Corinthiens 3,3).


    Phase 3 - Les espoirs
    (Cette phase - la présentation des recommandations
    des femmes et des hommes qui ont participés au Festival de la Décennie,
    aux Eglises - sera animée par Bertrice Wood.)

    Lettre à la Huitième Assemblée du COE de la part des femmes et des hommes du Festival de la Décennie: DE LA SOLIDARITE A LA RESPONSABILITE La Décennie oecuménique - Le voyage continue
    Bertrice Y. Wood
    Document No. DE 7

    "La foi est une manière de posséder déjà ce qu'on espère, un moyen de connaître des réalités qu'on ne voit pas." Hébreux 11,1

    Dans notre histoire de peuple de la foi il y eut un jour, ce premier matin de Pâques, où les femmes découvrirent que Jésus était ressuscité des morts. Mais les apôtres qui étaient des hommes ne reçurent pas leur témoignage. Ils le considérèrent comme des histoires sans fondement. Le témoignage qu'elles avaient rendu à la bonne nouvelle ne fut pas cru.


    La bonne nouvelle pour la vie de l'Eglise à travers toutes les générations est que ce refus n'a pas été le dernier mot prononcé sur l'accomplissement de la promesse de Dieu par la résurrection. Certes les témoignages oculaires, les rapports sincères faits par de nombreux croyants, en particulier par des femmes, sur les hauts faits de Dieu dans l'histoire ont souvent été mis de côté et considérés comme des contes à dormir debout. Mais malgré cela, l'une des affirmations importantes qui nous ont été rappelées par la Décennie des Eglises solidaires des femmes, c'est que les femmes ne se sont pas contentées de rester de côté à ne rien faire.

    Les visites des équipes des "lettres vivantes" ont souligné que, en réalité, les femmes sont les piliers de l'Eglise dans toutes les régions du monde. Elles sont comme la moelle du corps du Christ. Exactement comme ce fut le cas en ce premier matin de Pâques, la fidélité et le témoignage des femmes continuent à soutenir et à nourrir l'Eglise. Nous avons appris de manière irréfutable que les femmes aiment l'Eglise comme elles l'ont toujours fait. A notre époque, ainsi que les "lettres vivantes" l'ont découvert visite après visite, les femmes plus que jamais reconnaissent les dons qu'elles ont reçus de Dieu. Elles y voient un apport précieux pour la vie de toute l'Eglise et du monde entier. Et les femmes appellent très nettement l'Eglise, le corps du Christ, à incarner le ministère du Christ, le ministère de justice, là où il y a de l'injustice et à suivre l'exemple du Christ en ce qui concerne l'absence d'exclusion partout où des gens sont exclus, que ce soit dans l'Eglise ou dans la société. L'appel à être des agents de changement a débuté avec l'enseignement de Jésus qui repoussait plusieurs des attitudes traditionnelles concernant les femmes, et avec les enseignements qui indiquaient des voies permettant aux femmes et aux hommes de vivre en partenaires égaux, que ce soit à la maison, dans la communauté de foi et dans la société. Les femmes, et aussi Dieu merci beaucoup d'hommes, ne se sont pas contentés de rester de côté sans rien faire. Nous avons appris la dimension mondiale et oecuménique de l'engagement et de l'énergie nécessaire pour vaincre, quels que soient les obstacles qui divisent les personnes dans nos Eglises et qui bloquent notre capacité de vivre en solidarité avec tous les humains dans le monde.

    En visitant presque toutes les Eglises membres, les équipes ont fait la démonstration de la façon dont solidarité et sensibilité culturelle peuvent aller de pair. Des visites ont encouragé des Eglises de tous contextes et de toutes traditions à prendre la parole. Elles ont permis à des femmes et à des hommes dans chacune des Eglises de discerner ce que signifie la solidarité avec les femmes, d'une manière appropriée à leur cadre. En fait, ces visites offrent un modèle de la manière dont le COE pourrait aborder d'autres thèmes d'importance oecuménique.

    Les équipes des visiteurs ont découvert qu'il y avait des signes vivants d'espérance. Ces signes nous permettent de compter que les résultats obtenus par la Décennie auront eu une signification durable, source de changements pour les Eglises et pour le COE. Des modifications positives se sont produites. En bien des endroits, des responsables ecclésiastiques repensent leurs priorités. Ils présentent à l'Eglise le statut des femmes dans l'Eglise et l'appel à participer à la mission de Dieu et à tirer les enseignements de la vision du prophète Amos pour réparer les brèches et pour relever les ruines qui ont bien trop souvent marqué la vie des femmes. Nous avons reçu le témoignage puissant de la part d'hommes qui, selon leurs propres mots, ont été "convertis". La solidarité a fleuri parmi les femmes. Elle a relié des femmes les unes aux autres au-delà des barrières de race, de classe, de nationalité, de confession, de perspective théologique et de vocation dans l'Eglise. Des femmes se sont levées pour se soutenir mutuellement dans des situations de guerre et de violence. La Décennie et la visite d'équipes ont été bonnes pour les Eglises et pour leurs membres, particulièrement mais pas uniquement pour les femmes. La Décennie a été un don de Dieu aux Eglises et au mouvement oecuménique.

    Malheureusement, il y a aussi eu des signes très précis de désespoir. On est triste et furieux quand on réalise que la seule expérience que les femmes ont en commun, quel que soit leur statut dans l'Eglise ou dans la société, est celle de la violence au foyer, dans la société et même dans l'Eglise. La "culture du silence" à propos de la violence a été si assourdissante que par moments cela ressemblait à une conspiration. Le corps du Christ existe afin de transformer le monde et non pour être transformé par lui. Et pourtant, nous avons fait la découverte d'une tendance, répandue dans le monde entier, qui consiste à utiliser la "culture" comme rempart contre la mise en cause des attitudes et des pratiques traditionnelles vis-à-vis des femmes. Des réalisations notables ont eu lieu dans de nombreuses Eglises. Mais la Décennie, pour une large part, a été une Décennie de femmes solidaires de femmes dans le monde entier. D'une façon générale, les Eglises n'ont pas permis que les objectifs et le déroulement de la Décennie apportent à l'ensemble de l'Eglise des visions nouvelles de fidélité envers l'Evangile. Partout on a constaté un fossé énorme entre les paroles et les actes. Ces signes nous rappellent qu'il nous faut confesser que les objectifs de la Décennie échappent encore aux Eglises. Il est clair que l'ordre du jour de la Décennie n'est pas achevé.

    Et pourtant, au milieu de ces réalités, on a vu des femmes, et des hommes qui les soutenaient, déployer un courage et un engagement formidables envers les Eglises et envers la parole de guérison et de réconciliation de l'Evangile. On s'en est pris ouvertement à des modèles de discrimination et d'oppression. Le courage et l'engagement ne vont pas disparaître.

    En lançant la Décennie, beaucoup d'entre nous craignaient que, en se concentrant ainsi sur une période particulière, on ne risque de se retrouver un jour au moment où les Eglises et le COE arriveraient à la fin de la Décennie avec un soupir de soulagement et le désir de remettre sur la touche la vision, l'énergie et les ressources nécessaires à soutenir l'Eglise dans sa recherche d'une situation plus saine et plus complète. Et pourtant nous savions que le moment était venu d'intensifier l'intérêt porté à cette entreprise oecuménique de longue date. Nous sommes arrivés à la fin de la Décennie mais, et cela est encore plus important, nous sommes parvenus à un point culminant en un temps de kairos. Nous ferions bien de nous souvenir que les femmes qui sont venues à la tombe le premier jour de Pâques ont découvert que le fait que la pierre avait été roulée ne marquait pas la fin de leur tâche, mais que cela les invitait, elles et les autres disciples, à se lancer dans un pèlerinage de vie et de témoignage au Christ ressuscité qui nous rachète et nous libère de tout ce qui nous empêche d'accomplir l'image de Dieu en nous, homme et femme. La Décennie a été à bien des égards plus que ce que nous en attendions, mais beaucoup moins que ce dont nous avions rêvé, ce que nous avions espéré et ce pourquoi nous avions prié.

    La foi est une manière de posséder déjà ce qu'on espère, un moyen de connaître des réalités qu'on ne voit pas. Nous approchons du point culminant de la Décennie et du passage au 21ème siècle avec un appel renouvelé aux Eglises de construire en s'appuyant à la fois sur ce que la Décennie a réussi et sur le travail qui n'a pas été achevé. Nous le faisons en ayant confiance que le Dieu vers lequel nous nous tournons est fidèle aux promesses qu'il a faites. Nous nous joignons à une nuée de témoins, ceux de cette génération et ceux des générations passées, en comptant sur le fait que Dieu continuera à oeuvrer avec les Eglises et avec les gens de foi en transformant la vie des individus, en transformant nos Eglises, nos cultures et notre monde.

    Le Festival de la Décennie présente à cette Assemblée et aux Eglises que nous représentons le communiqué intitulé "Les femmes face aux défis du 21ème siècle". Ce texte contient des interpellations particulières qui réclament des actes. La recherche de la justice économique reste d'actualité notamment dans la mesure où ce sont les femmes et les enfants qui sont les plus directement affectés par les tendances de la mondialisation. Nous n'avons pas encore donné de réponse fidèle à l'impératif éthique et théologique qui demande à l'Eglise de s'occuper de la pleine participation de tous et de faciliter cette participation. Nous nous sommes engagés sur le chemin qui mène au moment où les femmes auront la possibilité de partager la plénitude de leurs dons et où l'Eglise sera en mesure d'être enrichie par ces dons. Mais la plus grande partie de ce chemin reste à faire. Les femmes ont trouvé des moyens pour croître dans la solidarité avec des personnes qui se trouvent au-delà des barrières établies par leur racisme et les tensions ethniques. Le mouvement oecuménique et les Eglises sont appelés à continuer à soutenir le fait que cette responsabilité soit confiée à des femmes. Les femmes savent que la violence contre les femmes, quelle qu'en soit la forme, est un péché, et elles appellent les Eglises à avoir le courage de le dire. Exactement comme les Eglises ont dénoncé, au niveau oecuménique, d'autres péchés sociaux comme étant contraires à l'essence même de l'Eglise corps du Christ.

    Considérons une fois encore le symbole de l'eau. Redisons les paroles prophétiques d'Amos: "Que le droit jaillisse comme les eaux et la justice comme un torrent intarissable." Aux femmes et aux hommes qui ont travaillé dur dans le jardin de la Décennie, nous disons "Prenez courage". Il arrive souvent que la semence de la parole de Dieu tombe dans des endroits non reconnus et non prévus. Une croissance nouvelle jaillit souvent des lieux où les semeurs ont labouré le sol pierreux et planté les graines. Souvent ce sont ceux qui passent ensuite par le jardin qui vont découvrir cette transformation. La moisson est grande et il faut davantage d'ouvriers. Notre espérance est en ce qui doit encore venir alors que nos Eglises et nos sociétés sont nourries par les eaux du droit et par les torrents de la justice.

    Conclusion
    Le moment est venu de déclarer que la Décennie est achevée en tant que projet. Je suis l'une des millions de femmes et d'hommes pour qui dans le monde entier la Décennie a été une source rafraîchissante, l'une des millions de personnes qui ont été choquées et en même temps enhardies par les signes de désespoir et aussi encouragées par les signes d'espérance que l'on a découverts au cours de cette Décennie, et en notre nom à tous je tiens à annoncer que nous avons atteint le point culminant de la Décennie. Nous voulons rendre grâce à Dieu pour ce don que son amour et sa grâce font à l'Eglise. Nous voulons rendre grâce à Dieu pour tous ceux, toutes celles qui savaient que Dieu nous invitait tous et toutes en tant que mouvement oecuménique, en tant qu'Eglise, en tant qu'individu, à partager les eaux qui guérissent. Je voudrais aussi nous rappeler à tous que la Décennie a fourni au Conseil oecuménique des Eglises et à ses Eglises membres l'occasion de reconnaître que la solidarité avec les femmes, solidarité qui exprime en paroles et en actes, dans l'Eglise et dans la société, constitue une partie essentielle de la vocation du COE. Il fait partie de l'être même de l'Eglise et du COE en tant qu'expression de la vie ecclésiastique d'incarner les objectifs de la Décennie. A cet égard, la Décennie nous a permis de faire un pas considérable en avant, en direction de l'intégration et, pendant un certain temps, de vivre comme dans une oasis. Elle nous a également révélé clairement la longueur du chemin que nous avons encore à parcourir. Nous avons reçu des offrandes par écrit des femmes du monde entier. Cela figure dans la déclaration sur les défis du 21e siècle au moment où nous allons entrer dans un nouveau siècle.

    Le prophète Habakkuk nous dit que Dieu a répondu à ses appels en faveur de la justice en ces mots :

    "Ecris une vision, donnes-en l'explication sur les tables afin qu'on puisse la lire même en courant." Des femmes et des hommes ancrés dans la foi que nous avons dans les promesses de Dieu ont mis par écrit notre vision concernant l'accomplissement de ces promesses de façon claire et vivante. Cette vision est suffisamment claire pour que même quelqu'un qui passerait devant à toute vitesse soit capable de la lire, pour peu que chacun d'entre nous accepte de porter ses regards en direction des femmes dans nos Eglises et dans nos sociétés et en direction du Dieu vivant.
    La Décennie en tant que projet est terminée et maintenant nous regardons devant nous et nous travaillons comme partenaires de Dieu au cours de ce voyage qui nous mènera vers le jour où toutes les visions de justice et de réconciliation seront accomplies. Ce jour-là "la terre sera remplie de la connaissance de la gloire du Seigneur comme les eaux couvrent la mer".



    Faisons route ensemble: La décennie oecuménique
    Rapport du Comité d'examen des directives II
    Huitième Assemblée et Cinquantenaire

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